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EXPLICATION DES
CÉRÉMONIES DE LA MESSE.
CHAPITRE PREMIER. Des ornements sacerdotaux et de
leur signification.
CHAPITRE II. D'où vient le nom de MESSE, et ensuite
de l'entrée du prêtre à l'autel jusqu'à l'offrande.
CHAPITRE III. De l'offertoire et de tout ce qui suit
jusqu'au canon de la messe.
CHAPITRE IV. Explication de tout le canon de la
messe.
« Jésus-Christ, le Pontife
des biens futurs, étant venu dans le monde, est entré une fois dans le
sanctuaire non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang,
nous ayant acquis une rédemption éternelle (1).
Ainsi parle l'Apôtre, en
écrivant aux Hébreux, de Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Pontife
véritable. Or, la dignité de ce Pontife est telle que nos pontifes et nos
prêtres ne font que le représenter dans tout ce qu'ils accomplissent à la
messe. Je vais donc vous expliquer en abrégé ce que c'est que la messe, et
comment elle nous est, ainsi que le ministre qui la célèbre, une figure de
Jésus-Christ, afin de répondre au désir que vous avez d'assister à ses saintes
solennités avec un respect plus profond et une dévotion plus grande.
Le prêtre commence d'abord par
placer sur sa tête l'amict, qui est destiné, ainsi que son nom l'indique,
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à lui couvrir les épaules, et
est compté au nombre des ornements sacrés. Ensuite il se revêt de l'aube,
prend la ceinture, place le manipule sur son bras gauche, passe une longue
étole sur son cou , la croise sur sa poitrine et en
laisse pendre, en la retenant au moyen de la ceinture, les deux extrémités de
chaque côté. Enfin il prend la chasuble et s'avance vers l'autel. Le prêtre
qui négligerait de se revêtir de quelqu'un de ces ornements pour la
célébration du sacrifice , pécherait grièvement.
Mais voyons, en peu de mots,
quelle est leur signification.
L'amict qui couvre la tête,
représente Jésus-Christ qui est le chef de l'Eglise et qui a caché sa divinité
sous le voile de l'humanité.
L'aube blanche et longue nous
rappelle la pureté sans tache du Seigneur , dont
saint Pierre nous a dit: « Qu'il fut toujours étranger au péché et que le
mensonge ne sortit jamais de sa bouche (1). » C'est dans le baptême que
Jésus-Christ nous a communiqué sa pureté. Car de même que le lin devient blanc
sous l'action de l'eau, de même l'Eglise acquiert l'innocence par le baptême.
La ceinture nous désigne la
virginité de Jésus-Christ et de sa très-pure Mère.
Or, le Sauveur nous a enseigné à marcher sur ses traces quand il nous a dit :
« Que vos reins soient ceints, et ayez dans vos mains des lampes allumées
(2) . »
Le manipule placé sur le bras
gauche, nous représente
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l'humilité du Seigneur durant
sa vie mortelle, ou bien encore le combat qu'il eut à soutenir pour la
justice. Car il a combattu vaillamment pour elle; il a vaincu le monde,
renversé la puissance du démon, et ainsi le manipule désigne fort bien le
bouclier qu'on avait coutume de porter sur le bras gauche, ou même le combat
pour la justice. Le Seigneur nous exhorte à combattre à son exemple quand il
nous dit : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice,
parce que le royaume des cieux leur appartient (1). »
L'étole, qui se place sur le
cou , se croise sur le coeur et pend jusqu'aux
pieds , nous marque l'obéissance de Jésus-Christ et la servitude volontaire
qu'il embrassa pour nous. Car il s'est fait, pour notre salut, obéissant à son
Père jusqu'à la mort de la croix , et c'est ce que
nous rappelle cette étole placée sur la poitrine en forme de croix.
Cette croix nous marque encore
la Passion de Jésus-Christ, que nous devons avec le prêtre porter en notre
coeur et en notre corps par une méditation. persévérante
et en mortifiant en nous les désirs de la terre. Elle signifie également que
le peuple juif, en faisant mourir le Seigneur et en refusant de croire en
lui , est passé à la gauche, tandis que les
nations, en croyant, sont passées à la droite par la foi. C'est ce qu'avait
déjà exprimé Jacob quand , bénissant les fils de
Joseph, Manassès et Ephraïm .
il croisa ses mains et plaça sa droite sur la tête
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d'Ephraïm, le plus jeune, et
sa gauche sur Manassès, l'aîné, en disant : «
Que le Seigneur répande ses bénédictions sur ces enfants (1). »
La chasuble, dont l'étymologie
veut dire une maison, signifie le ciel et la terre que Jésus-Christ remplit de
sa majesté, selon cette parole du Prophète: « Je remplis le ciel et la
terre (2). » Elle désigne encore la charité qui doit nous porter à aimer
selon Dieu tous nos amis et tous nos ennemis à cause de Dieu, ainsi que le
Seigneur nous l'a enseigné par ses paroles et par ses actions. La partie
antérieure de la chasuble représente nos amis, et la partie postérieure nos
ennemis. Jésus-Christ a dit dans saint Matthieu: « Aimez vos ennemis;
faites du bien à ceux qui vous baissent, et priez pour ceux qui vous
persécutent et vous calomnient (3). »
Le nom de messe vient de
mittere, envoyer, et il exprime
l'ambassade établie entre Dieu et les hommes. Dieu nous envoie Jésus-Christ
, son Fils, sur l'autel , et l'Eglise fidèle envoie à son tour ce même
Seigneur à son Père afin qu'il intercède pour les pécheurs.
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Au commencement de la messe,
le prêtre fait l'aveu de ses fautes; car, bien qu'il soit l'envoyé et le légat
des fidèles, il doit cependant savoir qu'il est pécheur et s'accuser de ses
péchés, selon cette parole du Sage : « Le juste commence par s'accuser
soi-même (1) . » Cette confession marque aussi
que Jésus-Christ est mort pour nos péchés, lui qui était juste pour les
injustes, afin de nous offrir à Dieu (2). Et le Seigneur, parlant en la
personne des pécheurs au livre des Psaumes, dit : « Le cri de mes péchés
est cause que le salut est bien éloigné de moi (3). » Comme s'il eut voulu
dire : Les péchés de mon peuple ne me permettent pas de vivre; mais il faut
que je meure pour les pécheurs, et que je les offre à mon Père en les lui
réconciliant.
Après la confession, le prêtre
s'étant approché de l'autel, le baise, indiquant ainsi que par l'Incarnation
et la Passion de Jésus-Christ, le salut et la paix ont été annoncés aux Juifs
et aux Gentils convertis à la foi. Les Juifs sont désignés par le côté droit
de l'autel, et les nations, par le côté gauche On commence.
la messe au côté droit parce que c'est de la race
des Juifs que le Seigneur a pris notre humanité; car la bienheureuse vierge
Marie , qui a conçu Jésus-Christ par l'opération de l'Esprit-Saint,
descendait de David.
Enfin le choeur ou le prêtre
commence l'introït que tous les clercs doivent chanter debout et avec
accord , car le mot choeur veut dire
concorde, union. On répète l'introït, et par là on exprime
le désir des
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anciens Pères en la personne
desquels Isaie a parlé ainsi de l'Incarnation du
Sauveur si ardemment désirée par les Patriarches et les Prophètes : « O
Dieu ! si vous vouliez ouvrir les cieux et en
descendre (1)! » Le Seigneur écouta enfin ces soupirs: il vint en ce
monde, selon cette parole du Psaume : « Je me lèverai maintenant à cause de
la misère de ceux qui sont sans secours, et à cause du gémissement des
pauvres, dit le Seigneur (2). »
L'introït est chanté deux fois
pour nous marquer que celui qui devait venir serait à la fois Dieu et homme en
une seule personne. Au milieu on y loue la sainte Trinité par le verset : «
Gloria Patri, etc., pour nous rappeler que Jésus-Christ étant né de la
Vierge, a paru en ce monde afin de nous annoncer la foi en la Trinité, et
qu'ensuite il s'est élevé de cette terre pour entrer de nouveau au ciel.
Beaucoup de saints ont marché sur ses traces. Bien que venus au monde par la
naissance commune à tous les hommes, bien qu'enfants de la nature humaine par
leurs parents selon la chair, par la foi à la sainte Trinité, ils ont pris une
naissance nouvelle dans le baptême ou dans l'effusion de leur sang pour
Jésus-Christ, et ils sont entrés dans la société des anges. Ainsi l'on chante
neuf fois Kyrie eleïson parce que la
dixième drachme, qui est notre nature et qui était perdue, a été réunie par
l'Incarnation de Jésus-Christ aux neuf choeurs des anges.
Lorsque nous chantons le
Kyrie, nous provoquons
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la miséricorde de notre Dieu
et nous le conjurons de prendre pitié de nous. Par ces mots : Kyrie
eleïson, nous nous écrions : Seigneur Dieu
le Père, ayez pitié de nous. Les suivants :
Christe eleïson, signifient :
Jésus, fils de David, ayez pitié de nous. Et ces derniers: Kyrie
eleison, veulent dire :
Esprit-Saint, ayez pitié de nous. Le mot grec a la
signification que nous venons d'exprimer. L'Eglise catholique semble donc
s'écrier : « Père saint qui avez envoyé votre Fils afin qu'il naquît de la
Vierge, ayez pitié de nous, et réunissez-nous aux neuf chœurs des anges.
Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui avez daigné naître de la vierge Marie,
ayez pitié de nous. Esprit-Saint, qui
avez rempli Marie de votre grâce lorsqu'elle conçut
le Sauveur, ayez pitié de nous. » C'est ainsi que par ces mots Kyrie
eleïson, Christe
eleïson, nous invoquons la Trinité.
Nous ajoutons le Gloria in
excelsis pour montrer que nous adorons sur la
terre le même Dieu que les anges vénèrent dans les cieux.
Comme les saints anges se
réjouissent grandement de la réparation de l'homme par l'Incarnation, le
prêtre entonne par un chant de joie ce cantique que les anges ont chanté
eux-mêmes à la naissance de Jésus, et il reconnaît ainsi que c'est pour
relever le genre humain de ses ruines que le Seigneur a daigné venir sur la
terre. On dit que tout ce qui suit le premier verset, à commencer par ces mots
: Laudamus te, jusqu'à la
fin , a été ajouté par saint
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Télesphore
, huitième successeur de saint Pierre dans le gouvernement de l'Eglise.
D'autres, il est vrai, prétendent qu'il faut en regarder comme l'auteur saint
Hilaire, évêque de Poitiers et illustre docteur.
Ensuite arrive l'oraison
appelée collecte, ainsi nommée parce que tous ceux qui assistent à la messe
doivent se recueillir pieusement et prier fidèlement avec le prêtre. Avant
cette oraison, a lieu le salut adressé au peuple par ces paroles :
Dominus vobiscum,le
Seigneur soit avec vous. C'est ainsi que saluent les simples prêtres ;
mais les évêques , qui sont les vicaires de
Jésus-Christ, ont coutume de saluer en se servant des paroles mêmes employées
par le Sauveur vis-à-vis de ses disciples, c'est-à-dire par ces mots : Pax
vobis, la paix soit avec vous. Et c'est comme
s'ils disaient : « Si vous désirez assister dignement à la célébration des
saints mystères, soyez des enfants de paix. »
Pour ce qui est de la
salutation des simples prêtres, Dominus
vobiscum, et de la réponse que le peuple y
fait : Et cum spiritu tuo,
et avec votre esprit, selon saint Jérôme , on y
exprime le désir que l'esprit de Dieu soit avec l'esprit de l'homme; car c'est
par son esprit doué de raison que ce dernier est formé à l'image et à la
ressemblance de Dieu.
Le prêtre exhorte tous ceux
qui sont présents à prier avec lui par cette parole :
Oremus, prions. C'est en ce moment qu'il nous faut tous,
sans exception, rejeter loin de nous toute vanité; c'est dans le lieu saint
qu'il faut renoncer aux médisances, aux rapports.
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pervers, nous exciter à la ferveur avec le plus grand
soin, et nous unir à la prière que fait le prêtre, parce qu'alors il joint
lui-même sa propre prière, sa propre ferveur à la prière et à la ferveur de
tous les assistants, afin de répandre
ses supplications devant Dieu. Et afin d'être exaucé du Père céleste, il
termine ainsi : Par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Si donc nous voulons être
exaucés, écoutons aussi le Seigneur dont la voix se fait entendre dans la
récitation de 1 Epître, et accomplissons ses commandements autant que nous le
pouvons. L'Epîtrc est tirée tantôt de
l'Ancien , tantôt du
Nouveau-Testament , parce que l'Ecriture ancienne et la nouvelle nous
parlent également du Seigneur et de ses préceptes. Ce nom d'Epître
vient de deux mots grecs qui veulent dire envoi d'en-haut,
parce qu'elle nous est envoyée des célestes hauteurs. En effet, les Prophètes
et les Apôtres ont tous parlé inspirés par l'Esprit-Saint
(1).
Il nous faut remarquer qu'au
mercredi des Quatre-Temps on lit deux leçons : une
prophétie et une épître; et par là on nous apprend que tous les clercs qui
prendront part à l'ordination et recevront, les ordres sacrés, doivent être
instruits dans l'Ancien et le Nouveau-Testament;
ou bien encore qu'ils doivent être purs dans leur corps et leur aine.
Autrefois: « c'était en ce jour qu'on commençait l'examen des clercs, et le
samedi suivant qu'on les présentait à l'évêque pour être ordonnés. Au jour de
l'ordination, on lit cinq leçons pour montrer que tous ceux qui y
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sont admis doivent avoir l'esprit orné des sacrés
enseignements, afin de mieux diriger le peuple qui sera confié à leurs soins;
car « si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans
le précipice (1). »
Les ministres du Seigneur
doivent donc persévérer fidèlement dans la pratique de ses commandements qui,
leur sont si fréquemment réitérés dans les leçons et les épîtres, et marcher
de vertu en vertu. C'est ce qui est indiqué par le Graduel, dont le nom
vient d'un mot qui signifie aller en avant. Aussi le Seigneur, répondant à
quelqu'un qui l'interrogeait, lui dit : « Si vous voulez arriver à la vie,
observez les commandements (2). » Le Graduel se compose de deux versets,
parce que, dans les deux préceptes de la charité, dans l'amour de Dieu et du
prochain, sont renfermés la loi et les Prophètes.
C'est par la charité que nous
nous rendrons dignes des joies du ciel désignées par le chant de l'alleluia.
En effet, dans le ciel les saints louent Dieu, et le mot
alleluia veut dire louez Dieu. Le bonheur des saints est
interminable et ineffable, et c'est ce qui est assez bien marqué par le
neume doux et prolongé qui suit l'alleluia.
Lorsque nous nous arrêtons plus longtemps sur la dernière lettre de ce mot,
nous semblons dire : « La félicité des saints dans le ciel n'aura point de
terme, et nous sommes impuissants à eu parler comme il convient.
Aux jours de deuil, au lieu de
l' alleluia nous
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chantons un trait, et
par là nous exprimons les chagrins et les tristesses de cette vie.
Ensuite viennent les
séquences, ainsi appelées parce qu'elles font suite au chant ancien. C'est
Notker *, abbé de Saint-Gall, qui a fait les premières séquences. Certains
religieux du pays des Grisons ne les chantent pas parce qu'ils ont dans leurs
offices des usages particuliers. Beaucoup, après Notker, en ont fait de
nouvelles. Ainsi Herman -Contract
a composé l'Ave, maris stella, et le
Veni, Sancte-Spiritus.
Ces mots qu'on lit avant
l'Evangile : Sequentia
sancti Evangelii,
veulent dire que ce qui va être chanté est tiré de l'Evangile selon saint
Matthieu, ou selon saint Marc, etc.
Pourquoi lit-on l'Evangile au
côté nord de l'autel, et que veut-on marquer par-là? Le mot évangile veut dire
en grec celui qui annonce quelque chose de bon, ou autrement une bonne
nouvelle, selon le sens latin. En effet , que pouvait-on annoncer de plus
excellent que ce que le Fils de Dieu, envoyé par son Père, nous fait entendre
lorsqu'il nous dit : « Venez, les bénis de mon Père? On lit l'Evangile
au côté nord de l'autel pour nous rappeler que le Seigneur Jésus ayant daigné
s'incarner pour nous, est venu sur la terre
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pour renverser Lucifer et
toutes les puissances de l'air. Le prince des ténèbres avait dit : « Je
placerai mon trône du côté de l'aquilon et je serai semblable au Très-Haut.
» Mais il lui fut dit : « Comment es-tu tombé, Lucifer (1)? »
L'Evangile est donc lu afin que l'aquilon se lève et que le vent du midi fasse
sentir son souffle, ou autrement afin que le démon prenne la fuite et que l'Esprit-Saint
se rende présent.
Celui qui lit l'Evangile a
coutume de saluer le peuple et de lui souhaiter le salut du Seigneur, afin que
les coeurs des assistants s'ouvrent pour entendre et accomplir les saintes
paroles qui leur sont annoncées. La foule répond : « Gloria
tibi, Domine, Gloire vous soit rendue, Seigneur,
qui avez daigné nous appeler à la connaissance de votre doctrine, et nous
racheter au prix de votre sang. »
Au commencement de l'Evangile,
les fidèles et le ministre se marquent du signe sacré de la croix afin
d'éloigner de leur esprit toute vaine pensée, de mieux comprendre la parole
sainte, et de mériter d'entendre le Seigneur leur dire, comme autrefois à ses
apôtres : « Vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai annoncée
(2). »
C'est debout, la tête
découverte, sans s'appuyer aucunement , avec
crainte et respect , que tous doivent entendre la lecture de l'Evangile ; car
c'est là que le Seigneur nous proclame sa vérité sans voile et à découvert.
Ceux-là donc font mal, qui pendant ce temps se mettent à genoux ou se
prosternent pour
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prier. Jésus-Christ nous a
fait entendre des enseignements pleins de douceur et de suavité, des
enseignements qui ravissaient les étrangers eux-mêmes; car nous lisons
que , parmi ses auditeurs, quelques-uns s'écriaient
: Jamais homme n'a parlé de la sorte, et qu'ils étaient dans l'admiration
des paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche divine (1).
Quant aux miracles et aux
paraboles contenus dans l'Evangile, on doit, aussitôt que la lecture en est
achevée, les expliquer au peuple.
Ensuite on récite le Credo
pour nous apprendre que nous devons croire fermement tout ce que Jésus-Christ
a enseigné, et tout ce que les Evangélistes ont écrit. — Les Grecs appellent
symbole cet abrégé de la foi catholique. Il y a trois symboles composés par
les saints Pères : le premier est celui que nous récitons avant l'office et
qui commence par ces mots : Credo in Deum. Les saints apôtres de
Jésus-Christ en ont composé tous les articles et prêché la foi par tout
l'univers. Mais les hérétiques se sont opposés à cette foi divine, et ils
l'ont attaquée de toutes leurs forces. Alors les saints évêques de l'Eglise,
réunis à Nicée au nombre de trois cent dix-huit, parmi lesquels se trouvait
saint Nicolas , s'appliquèrent avec tout le soin
possible à expliquer la foi catholique, et donnèrent le symbole qui commence
par ces mots : Credo in unum Deum. Nous le chantons à la messe selon
qu'il fut alors ordonné. Le concile de Constantinople, composé des évêques
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les plus saints, au nombre
desquels on dit que se trouvait saint Augustin , approuva avec force et
confirma cette ordonnance. — Le troisième symbole est celui que l'on récite à
Prime et qui commence par ces mots : Quicumque
vult salvus esse.
Tout le monde sait que c'est saint Athanase, évêque d'Alexandrie, qui en est
l'auteur. — Contentons-nous de ce que nous venons de dire sur les symboles.
Nous avons maintenant à parler
de l'offertoire Le nom de cette partie de la messe lui vient du mot
offrir , parce que c'est alors que le peuple.
apportant son offrande à l'autel, témoigne à Dieu
sa fidélité et son dévouement. De même que les prêtres se réjouissent, quand
ils voient la foule s'empresser de venir offrir ses dons, de même les apôtres
étaient dans la joie quand, à leurs prédications, la multitude s'offrait à
Dieu et embrassait la foi de son Eglise, ainsi que nous le lisons au livre des
Actes.
Avant l'offertoire, le prêtre salue le peuple par ces
paroles : Dominus
vobiscum, et ensuite il l'invite à prier en disant :
Oremus, Prions. Il est juste, en
effet, qu'après la prédication de l'Evangilc, le
coeur se répande un louanges , que la bouche
produise des
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fruits, et que la foi se
montre par des oeuvres. C'est encore de là que vient le nom d'offrande; car
c'est alors qu'on offre au Seigneur un sacrifice de louange.
Le prêtre donc, après avoir
reçu les oblations du peuple, prend de la main des ministres l'hostie et le
calice où l'on a versé du vin et de l'eau. Ensuite le livre du canon et de la
préface est placé à gauche, du côté ou l'on a lu l'Evangile, ainsi que nous
l'avons dit plus haut. On montre par là que les nations, figurées par le côté
gauche de l'autel, ont reçu des Juifs la doctrine de Jésus-Christ et des
apôtres, et l'ont embrassé avec plus d'ardeur que le peuple choisi. Car les
Juifs, si l'on en excepte un petit nombre , ont
rejeté les enseignements du Sauveur et chassé ses apôtres de leur pays. Aussi
ont-ils mérité de s'entendre dire : « Vous étiez les premiers à qui il
fallait annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez et que vous
vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, nous nous en allons
présentement vers les Gentils (1) . » C'est
pourquoi si l'on n'avait qu'un cierge à allumer à la messe, il faudrait avant
l'Evangile le placer au côté gauche de l'autel; car ce cierge marque la foi
qui nous fait croire en Jésus-Christ, nous les enfants des nations.
Ensuite la patène est mise à
sa place, ainsi que le calice, où l'on a mêlé de l'eau au vin, après qu'on l'a
élevé au-dessus de l'autel en récitant la prière de l'oblation.
Il nous faut remarquer que
l'autel, par sa forme
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quadrangulaire, nous
représente la croix du Sauveur, le calice, son sépulcre, et la patène, la
pierre qui le couvrait. Le corporal, c'est le linceul sans tache où son corps
fut enseveli ; la forme ronde de l'hostie nous rappelle la Trinité et
l'éternité de Dieu, car ce qui est rond n'a ni commencement ni fin. Ainsi
l'éternité n'a point commencé, et elle ne finira jamais; ce qui nous est
annoncé par ces paroles, per
omnia saecula, qui
terminent les collectes.
L'autel, lorsqu'il est
consacré par l'évêque, reçoit l'onction de l'huile en forme de croix à ses
quatre coins. Ainsi la croix a reçu l'onction du sang de Jésus-Christ, selon
cette parole des chants sacrés : « Du haut de la croix, où le sang
vénérable de l'agneau imprima son onction, etc. » — L'autel est couvert de
linges blancs et sans taches, et la croix du Seigneur fut ornée de son
humanité, qui y demeura suspendue.
On place sous l'autel les
reliques des saints, et dans la croix de Jésus-Christ sont renfermés les
mystères les plus ineffables : « la longueur, la largeur ,
la sublimité et la profondeur.
Il nous faut dire aussi
quelque chose du mélange de l'eau au vin. Cette eau doit être en
très-petite quantité, de façon à pouvoir être
absorbée entièrement par le vin. Si, ce qu'à Dieu ne plaise!
on en versait dans le calice une quantité telle
qu'elle l'emportât sur le vin et lui fit perdre sa nature, le prêtre ne
consacrerait pas le sang de Jésus-Christ et il commettrait une faute grave.
L'eau désigne le peuple, et
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le vin la divinité du Sauveur.
Quand elle est versée dans le calice, le peuple est réuni à Jésus-Christ. Il
faut donc apporter une grande attention à ne point omettre ce mélange, et
craindre beaucoup que le peuple ne soit séparé du Seigneur.
L'hostie est placée auprès du
calice, parce que Jésus-Christ est immolé pour son Eglise. Cette hostie est
formée de beaucoup de grains réunis ensemble au moyen de l'eau; le vin est
exprimé de plusieurs raisins, et par là nous pouvons comprendre que le Sauveur
s'étant réuni , par l'eau du baptême , un grand
nombre de membres, ils deviennent un seul corps. Aussi l'Apôtre parlant sur ce
passage : Ils seront deux en une seule chair, s'écrie : « Ce
sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et en son Eglise (1). »
Aux fêtes principales on
encense l'hostie et le calice en même temps que l'autel, et par là on nous
enseigne que le peuple et le prêtre doivent adresser des prières spéciales aux
saints dont on célèbre la solennité. Les prêtres, en effet, ont coutume en ces
jours de changer les collectes ordinaires, les préfaces et le communicantes au
canon de la messe. De même les assistants doivent offrir à Dieu et à ses
saints des prières particulières. C'est d'eux qu'il est dit en la personne de
l'Eglise : « Que ma prière s'élève comme l'encens en votre présence
(2). »
Après que le calice a été mis
à sa place et encensé, le prêtre s'humilie en priant et s'incline: « ensuite
se
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tournant vers le peuple, il
lui demande à voix basse de vouloir bien supplier pour liai. Voyons, en peu de
mots, ce que cela signifie :
Nous lisons dans l'Evangile que beaucoup se
convertissaient à la prédication de Jésus-Christ, de sorte que les Pharisiens
disaient : « Voilà que tout le monde marche à sa suite (1); » et
qu'après la résurrection de Lazare , les mêmes
Pharisiens tinrent conseil, non-seulement pour
faire mourir Jésus, mais encore Lazare, qu'il avait rappelé à la vie. Alors,
comme l'heure du Seigneur n'était pas encore arrivée, il se cacha jusqu'au
dimanche des rameaux, et pendant ce temps il priait et enseignait en secret.
C'est, ce qui est marqué par ce silence et cette inclination qui
suivent l'offertoire. Ensuite après les rameaux et
avant sa Passion, il exhorta ses disciples à prier afin de ne point tomber en
tentation, et c'est ce qu'indique le prêtre lorsqu'il se tourne vers le peuple
avant la secrète.
La secrète signifie l'oraison
cachée durant laquelle une sueur de sang coula du corps de Jésus. Le Sauveur,
après avoir reproché aux Juifs, qui méprisaient ses
avertissements , d'avoir fait mourir les Prophètes qu'il leur avait
envoyés, leur dit : « Vous ne me verrez plus désormais jusqu'au jour où
vous me direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur (2); » et se
retirant du milieu d'eux, il demeura caché jusqu'au temps marqué par son Père.
Au jour des Rameaux, il parut de nouveau en public
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dans un appareil d'humilité ,
monté sur un âne, et alors s'accomplit ce qu'il leur avait prédit. Les enfants
des Juifs, accompagnés d'une grande foule accourue à Jérusalem pour la Pâque,
vinrent au-devant de lui , disant : « Béni soit
celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au fils de David. » Le prêtre
rappelle toutes ces choses quand, après la secrète ,
il chante à haute voix la préface suivie du sanctus, jusqu'à ces mots :
Hosanna in excelsis.
Il nous faut remarquer que
dans la préface on touche à une prérogative d'une haute importance. Car c'est
alors que l'Eglise qui combat sur la terre demande que sa voix soit mêlée à la
voix des esprits et des vertus angéliques. Et cette demande reçoit son
accomplissement si , selon l'avis du prêtre, nous
tenons nos coeurs élevés vers le Seigneur, au lieu de les laisser descendre
jusqu'aux désirs de la terre. C'est alors que ce qu'il y a de plus bas se
réunit à ce qu'il y a de plus sublime; car il est écrit : « Partout où sera
le corps, les aigles s'y assembleront
(1) ; » et par les aigles on entend les anges.
Nous demandons que nos voix
soient unies pour jamais dans les cieux aux voix de ces esprits bienheureux,
aux voix des vertus célestes, lorsque nous chantons le sanctus. On répète
trois fois ce premier mot, parce que Dieu est trois et un en même temps. Nous
annonçons aussi par trois fois la sainteté de Dieu, afin de proclamer sa
puissance au ciel, sur la terre et dans les enfers, et afin d'annoncer qu'en
ces
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lieux tout genou fléchit au
nom du Seigneur. Ou bien encore en chantant trois fois le Sanctus, nous
semblons nous écrier : « O Dieu tout-puissant, vous êtes saint dans la
protection dont vous couvrez ceux qui vous sont fidèles sur la terre. Vous
êtes saint dans la joie inénarrable dont vous remplissez dans les cieux les
anges et tous les saints (cette multitude des élus est bien désignée par le
mot Sabaoth, qui veut dire armée). Béni soit donc
celui qui vient au nom de Dieu le Père, celui qui pour notre salut a daigné se
revêtir de notre chair et subir les tourments de la croix. Hosanna au plus
haut des cieux. »
Hosanna veut dire
sauvez-nous, délivrez-nous du danger. L'Eglise semble donc s'écrier : « O
vous qui êtes puissant dans les cieux , Jésus,
sauvez ceux qui vivent sur cette terre. » On redit deux fois ce mot hosanna
pour rappeler le double manteau de gloire dont les saints seront revêtus, dans
leur corps et dans leur âme.
Remarquons ici qu'à la messe
on emploie les trois langues du monde les plus connues : « la langue
hébraïque, la langue grecque et la langue latine. Par là on nous rappelle que
toute langue confesse que Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu son Père.
Les mots sabaoth, hosanna,
alleluia, amen, etc., appartiennent à la
première de ces langues. Les mots Kyrie eleïson
sont grecs , et les Evangiles, les Epîtres et le
reste de la messe se récitent en latin. Le titre placé au haut de la croix, et
qui portait : « Jésus de
434
Nazareth, roi des Juifs, nous rappelle encore
cette vérité , car il était écrit en hébreu , en
grec et en latin.
Avant le canon de la messe, le
prêtre lave aussi ses doigts, et par là il nous enseigne que ceux-là seuls qui
sont baptisés doivent assister à la consécration du corps de Jésus-Christ.
Qu'il ait soin après s'être ainsi lavé et essuyé les doigts, de les tenir
joints et de ne point les séparer, si ce n'est pour faire le signe de la croix
sur le sacrifice du salut ou prendre l'hostie, car il ne lui est point permis
de toucher autre chose que l'hostie avant l'ablution qui suit la réception du
sacrement.
Expliquons maintenant le canon
de la messe, qui est l'oeuvre de plusieurs saints, et qu'un archidiacre de
l'Eglise romaine mit en ordre sur la demande du pape. C'est Jésus-Christ qui
en a établi la partie la plus sainte et la plus invariable, et qui l'a placée
au milieu, comme il a placé le coeur de l'homme au milieu de son corps. En
effet, de même due notre coeur réside au milieu de notre corps , de même les
paroles sacrées par lesquelles le prêtre consacre le corps et le sang du
Seigneur ont leur place au milieu du canon, et elles représentent le Roi de
gloire au
435
milieu de l'assemblée céleste
rangée autour de lui. Un grand nombre de saints , parmi lesquels on compte les
papes Gélase, Damase, Grégoire, Léon, Sergius,
etc., ont fourni les diverses formules du canon. Pour les apôtres, ils n'en
récitaient que la prière qui pridie et le
Pater, et c'est ainsi qu'ils célébraient.
Le canon doit être récité avec
mesure et à voix basse : avec mesure, c'est-à-dire de façon à ne pas tronquer
les mots par trop de rapidité, et à ne point les prononcer avec trop de
lenteur, pour ne point causer d'ennui à ceux qui assistent au sacrifice. C'est
pourquoi l'Eglise a établi qu'on lirait le canon dévotement et en
silence , voulant par ce silence indiquer
l'humilité de Jésus-Christ dans sa Passion; car, alors qu'il était devant le
gouverneur , il ne répondit rien aux accusations dirigées contre lui , et ,
semblable à l'agneau en présence de celui qui le tond, il n'ouvrit point la
bouche pour se défendre (1).
Le canon commence par ces mots
: « Te igitur
clementissime Pater, etc. Nous vous supplions donc, ô Père
très-clément, etc. Cette conjonction
igitur, donc, se rapporte à la préface et
au sanctus qui ont précédé. C'est comme si le prêtre, parlant en la personne
de l'Eglise, disait : « O Dieu tout-puissant, puisque vous avez bien voulu
nous admettre à mêler nos louanges à celles des saints anges et à vous
adresser les mêmes chants , nous vous supplions
humblement, Père très-clément, et nous
436
vous demandons, par
Jésus-Christ , de daigner avoir pour agréables ces dons et de les bénir. »
Il nous faut remarquer que,
par une disposition de la providence divine , il est arrivé que la lettre T,
dont la forme nous offre une image de la croix s'est trouvée la première du
canon de la messe. Dans plusieurs sacramentaires on a tracé l'image même de
Jésus crucifié, afin que non-seulement
l'intelligence de cette lettre , mais la vue de la
chose figurée rappelât à notre mémoire la Passion du Seigneur. La lettre T
nous indique le mystère de la croix, et c'est pour cela que Dieu a dit par son
Prophète : « Marquez un thau sur le front des
hommes qui gémissent et qui sont dans la douleur de voir toutes les
abominations qui se font au milieu de Jérusalem (1), » afin qu'ils ne
soient pas frappés par l'Ange. Conservons donc dévotement ce signe qui a été
imprimé sur nos fronts dans la confirmation par l'onction de la Passion du
Seigneur. C'est encore afin que ce souvenir nous fût toujours présent qu'il a
été défendu, par les saints Pères , à tout prêtre
de célébrer la messe sur un autel où il n'y aurait pas de crucifix. Que le
prêtre, en le contemplant et en voyant ses bras étendus afin de supplier pour
les péchés du peuple , ne rougisse donc pas
d'étendre aussi ses bras vers lui en forme de croix, car l'Apôtre a dit : «
Loin de moi de me glorifier ailleurs que dans la croix de Jésus-Christ
Notre-Seigneur, par qui le monde est crucifié pour
moi, et moi crucifié pour le monde (2). »
437
Mais, puisque nous avons parlé
de la croix sainte est des figures qui la représentent , qu'il nous soit
permis de dire quelque chose des sens cachés qu'elle renferme.
La croix est l'étendard du
commandement placé sur l'épaule du Sauveur. O signe inestimable et vraiment
abondant en mystères ! La croix est l'arbre de vie planté au milieu du
Paradis, et d'où s'échappent les quatre fleuves des Evangiles; c'est la
charité, ou autrement la mesure qui a perfectionné l'arche du salut,
c'est-à-dire l'Eglise. C'est l'autel sur lequel Abraham a immolé Isaac, sur
lequel le Père céleste a sacrifié Jésus-Christ
Notre-Seigneur. C'est le bois jeté dans Mara,
le bois mêlé à l'amertume du monde et qui a rendu douces les eaux de la loi ;
car nous avons appris, par la croix, à aimer nos ennemis, ce que le Testament
ancien n'enseignait point, puisqu'il disait : « Vous aurez de la haine pour
votre ennemi, vous exigerez oeil pour oeil, dent pour dent (1). » La croix
est la verge avec laquelle la pierre fut frappée, et cette pierre, c'est
Jésus-Christ. Sous ses coups, des fleuves immenses de sang et d'eau ont
jailli, et nos âmes y ont trouvé la vie et l'innocence. C'est le poteau où fut
attaché le serpent d'airain, où Jésus-Christ fut suspendu ; et tous ceux qui
jettent dessus un regard fidèle sont guéris des morsures enflammées du serpent
infernal. C'est la guitare touchée par le vrai David, par Jésus-Christ, alors
qu'il s'y tenait expirant et dont les accords éloignaient du genre
438
humain , image de Saül, les
attaques de l'esprit diabolique. La croix est ces deux morceaux de bois
recueillis par la veuve de Sarepta, ou autrement
l'Eglise, afin de cuire du pain pour elle et son fils, car c'est sur la croix
que Jésus-Christ est devenu un pain véritable. Elle est ce bois d'Elisée, qui
a fait sur-,nager le fer des profondeurs de l'eau,
car nous avons été par elle arrachés aux abîmes de la mort, et c'est à Elisée
devenu chauve, à Jésus-Christ dépouillé de ses vêtements sur la croix et percé
de clous au Calvaire, que nous devons ce bonheur. La croix est ce bois dont
les Juifs ont dit dans Jérémie : « Venez, mélangeons du bois à son pain
(1); c'est-à-dire : « faisons mourir le Christ sur la croix. Elle est le
palmier sur lequel Jésus est monté et dont il a cueilli le fruit, la
rédemption du genre humain. Elle est la clé de David, qui a ouvert la porte du
ciel et nous y a introduits.
Voyons maintenant ce que
signifient les trois signes de croix formés par le prêtre sur le calice et
l'hostie. Ils nous rappellent les trois manières différentes par lesquelles
Jésus-Christ fut livré à la mort. Il a été livré par Dieu le Père qui, comme
dit l'Apôtre, n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a sacrifié en faveur
de nous tous (2) ; et c'est ce que nous indique le premier signe. Il l'a
été par lui-même, selon cette parole d'Isaïe : « Il a livré son âme à la
mort et il a été mis au nombre des scélérats (3). » Et cette seconde
manière nous est marquée par le signe fait à ces
439
mots,
hac munera.
Assurément aucun présent ne saurait attirer avec plus d'amour les
regards de Dieu que celui qui lui est offert en ce moment. Enfin Jésus-Christ
fut livré par Judas, mais ce fut un acte d'iniquité. Saint Matthieu nous le
fait connaître en ce passage : « Celui qui le trahissait leur avait donné
ce signal : celui, leur avait-il dit, que j'embrasserai est celui-là,
emparez-vous de lui (1).» Et cette dernière tradition est indiquée par le
signe fait à ces mots : Haec
sancta sacrificia
illibata. En effet ,
la mort du Seigneur est vraiment sainte malgré la trahison infâme de Judas;
car il est né sans péché, il a vécu sans péché , et il a été mis à mort
innocent. Ces dernières paroles : Sacrificia
illibata, veulent dire un sacrifice qui n'a
pas encore été immolé, et elles annoncent que le prêtre a placé sur l'autel
une offrande nouvelle dans le pain et le vin ,
qu'il doit de plus consacrer. Ou bien encore : elles signifient la pureté et
l'exemption de toute tache, et alors elles se rapportent à Jésus-Christ
lui-même, qui demeura toujours étranger aux souillures et au souffle du péché,
selon cette parole de saint Pierre : « Il n'a point commis le péché, et
nulle parole trompeuse n'est sortie de sa bouche (2). »
Ensuite le prêtre ajoute :
In primis quæ
tibi offerimus pro
Ecclesia tua sancta
catholica, que nous vous offrons d'abord pour
votre sainte Eglise catholique. Il est grandement utile de prier pour la
sainte
440
Eglise notre mère, car celui qui aime à prier pour elle
devient participant de tous ses biens. Le prêtre unit sa prière à celle des
assistants, et il conjure le Père céleste de vouloir bien l'exaucer par
Jésus-Christ, c'est-à-dire à cause de Jésus-Christ. C'est comme s'il disait :
« Alors que nos péchés nous rendraient indignes d'être écoutés, au moins à
cause de votre Fils daignez entendre nos voeux, accorder la paix à votre
Eglise et vous en faire le gardien , car si vous ne
gardez vous-même la ville, c'est en vain quo la sentinelle qui veille sur elle
exerce sa vigilance ; elle ne goûtera jamais la paix. Daignez aussi établir
l'union en elle , parce que tout royaume divisé
contre lui-même sera dans la désolation; et si vous ne gouvernez vous-même
votre Eglise, elle sera en proie à des schismes sans nombre. »
Le prêtre continue en disant :
Una cum famulo
tuo Papa nostro.
Il nous faut remarquer qu'on doit toujours, à la messe, faire mémoire du
souverain Pontife. Ce point a été établi par les conciles. — Et
antistite nostro.
Ces paroles désignent l'évêque diocésain. — Et rege
nostro. Nous voyons par là avec quel soin le
prêtre, uni à Dieu dans la célébration de la messe, prie pour toute l'Eglise
catholique, pour la puissance spirituelle et la puissance séculière. — Et
omnibus orthodoxis, etc. Dans cette dernière
formule sont compris les cardinaux , les primats , les patriarches, les
archevêques, les évêques, les prélats, les prêtres ou autres dignitaires de
l'Eglise, et en
441
même temps ceux qui leur sont
soumis. On doit prier pour eux tous à la messe.
Après cette oraison vient le
memento. Il faut remarquer que le prêtre
est tenu de prier ici pour tous ceux à qui il est redevable de quelque
bienfait. — A ces paroles : Et omnium circumstantium,
le prêtre intercède pour tous ceux qui sont présents et les recommande à Dieu.
C'est comme s'il disait : « O Dieu, qui connaissez mieux que moi leur foi et
leur dévotion , corrigez en eux tout ce qui mérite
correction. » Et dans ce qui suit jusqu'à la fin de l'oraison, le prêtre
adresse à Dieu cette prière : « Seigneur tout-puissant, les fidèles assemblés
en ce lieu vous offrent ce sacrifice de louange, pour ceux en faveur de qui
nous vous avons invoqué; ils vous l'offrent pour eux-mêmes et pour tous ceux
qui leur appartiennent, pour la rédemption de leurs âmes, pour l'espérance de
leur salut et de leur conservation , et ils vous
rendent leurs voeux, à vous, Dieu éternel, vivant et véritable. » Remarquez
bien que, par ces mots : Dieu vivant et véritable, nous entendons Dieu
le Père, Jésus-Christ et le Saint-Esprit, par opposition aux dieux à qui les
nations sacrifiaient, et qui ne sont que des idoles sans vie , de fausses
divinités , selon cette parole du Psalmiste : « Les dieux des nations sont
d'or et d'argent; ils sont l'oeuvre de la main des hommes; ils ont une bouche
et ne parlent point, des yeux et ils ne voient pas, des oreilles et ils
n'entendent pas, etc. (1) »
442
Dès-lors comment peuvent-ils
abaisser leurs regards sur ceux qui les invoquent? comment
peuvent-ils les exaucer?
L'oraison
communicantes suit immédiatement. Comme on ne saurait en dehors
de l'unité de l'Eglise offrir comme il convient le sacrifice, nous faisons
mémoire des saints, afin de présenter nos dons en communion avec eux. C'est
donc comme si nous disions : « Si l'Eglise qui combat sur la terre est indigne
d'être exaucée, si nous en sommes indignes nous-mêmes , au moins nous ferons
nos efforts pour nous rendre le ciel favorable en nous unissant à l'assemblée
des bienheureux , à la Vierge
très-sainte,
aux apôtres, aux martyrs, à tous les saints. Nous les invoquons, Seigneur,
vous ne pourrez point les repousser, et, parce qu'ils méritent d'être
entendus , vous daignerez aussi nous entendre avec
eux. »
Mais pourquoi ne fait-on pas
mémoire des confesseurs au canon de la messe? On en apporte cieux raisons : la
première, c'est qu'on n'y a admis que des témoins de la Passion de
Jésus-Christ; et alors les martyrs seulement y ont trouvé place, parce que,
par l'effusion de leur sang, ils ont participé à ses souffrances, et c'est ce
que veut dire le mot de martyr, qui en latin signifie témoin. La
seconde raison, c'est que le canon ayant été fait par le pape saint Gélase ou
un archidiacre de l'Eglise romaine, comme nous l'avons dit, on ne célébrait
point encore alors de fêtes des confesseurs. Le célébrant peut bien chanter la
443
messe d'un confesseur , mais
il ne doit point le nommer dans le canon. Qu'il se contente d'ajouter et
omnium sanctorum, selon que tout prêtre peut
le faire en tout lieu. Mais comme beaucoup de filles, c'est-à-dire beaucoup
d'âmes saintes ayant ramassé des trésors de sainteté , ont été surpassées sans
exception par la Vierge bienheureuse, son nom est placé en première ligne au
canon (1).
On ajoute quorum
meritis, etc., veuillez-nous accorder par
leurs mérites, etc. C'est ainsi que Moïse a prié, en disant : «
Souvenez-vous, Seigneur, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob à qui vous avez promis
par serment, etc (2). » C'est ainsi que nous
semblons dire à Dieu : « Vous nous exaucerez plus facilement puisque vous nous
ordonnez de faire mémoire de vos saints. » Voilà comment ,
dans la célébration du sacrifice, ce qu'il y a de plus bas s'unit à ce qu'il y
a de plus haut, comment ce qui est terrestre devient en quelque sorte céleste,
alors que ceux qui combattent en ce monde ne font qu'un par la prière avec les
saints qui triomphent dans la gloire.
Après vient l'oraison
hanc igitur
oblationem. On dit que les dernières paroles,
dies que nostros, etc., ont été ajoutées
par saint Grégoire. Mais comme tout cet endroit est assez
clair , nous ne nous y arrêterons pas.
Alors commence l'oraison
quam oblationem,
etc.
444
Nous avons a examiner ici
pourquoi on fait cinq signes de croix sur le calice et l'hostie. Or, nous
devons savoir que, par les signes divers et multipliés qui se trouvent dans le
canon, sont désignés les différents tourments endurés pour nous par
Jésus-Christ. Les signes formés en cet endroit nous rappellent donc que le
Sauveur a souffert pour nous dans tous ses sens selon la chair, afin
d'éclairer nos sens. Il a souffert dans la vue par le voile qui fut placé sur
ses yeux ; dans l'ouïe par les injures qu'il fut condamné à entendre; dans le
goût par le fiel et le vinaigre dont il fut abreuvé; dans l'odorat par l'odeur
des corps morts dont il eut à supporter les exhalaisons impures au Calvaire,
et dans le toucher par les blessures des clous dont ses mains et ses pieds
furent percés.
Parmi ces signes il y en a
trois qui se font en même temps sur l'hostie et le calice, et par eux peuvent
être désignées les trois sortes d'hommes à qui le Seigneur fut vendu par Judas
: les Prêtres, les Scribes et les Pharisiens. Ces hommes ont acheté
Jésus-Christ et l'ont traité comme un objet de malédiction et de proscription.
Le célébrant, au contraire, déclare que Jésus-Christ est une oblation bénie,
car le fruit du sein de Marie est béni; qu'il est une oblation admise, car il
a été annoncé à l'avance par la voix des Prophètes ,
et il est toujours présent pour nous devant la face de son Père; qu'il est une
oblation ratifiée, parce que son règne n'aura jamais de fin. Les deux croix
faites sur le calice et l'hostie séparément,
445
désignent le vendeur Judas et
les acheteurs, qui ne sont point revenus à la foi par la pénitence et ont
perdu ainsi leur âme et leur corps.
Le prêtre poursuit en ces
termes : « Daignez rendre cette oblation raisonnable et acceptable. »
C'est comme s'il voulait dire : « Les Juifs dans l'ancien Testament vous ont
offert des victimes irraisonnables, des animaux muets et privés de raison ;
mais vous , Père de toute sainteté et de toute clémence, daignez rendre cette
oblation raisonnable afin qu'elle puisse, à son tour, rendre raison en notre
faveur. Daignez la rendre acceptable afin qu'elle vous plaise et nous rende
aussi dignes de vous , de sorte que le pain placé
sur cet autel nous devienne le corps qui vivifiera nos corps et les empêchera
de mourir éternellement; que le vin nous soit fait le sang qui sanctifie nos
âmes; c'est-à-dire le corps et le sang de votre Fils bien-aimé Jésus-Christ
Notre-Seigneur, qui seul peut sauver notre corps
et notre âme. »
Qui
pridie quam pateretur,
etc., c'est-à-dire le cinquième jour de la semaine, l'avant-veille de la
Pâque, Jésus prit du pain en ses mains sacrées et vénérables, le bénit, etc.
Remarquez bien qu'ici le signe de la croix fait par le prêtre s'accorde avec
les paroles. La sainte Trinité, s'unissant avec son ministre, bénit en ce
moment le pain et le vin d'une manière admirable, secrète et ineffable, alors
qu'à ces mots : ceci est mon corps, ceci est le calice de mon sang,
etc., elle répand sur le pain et sur le vin
446
une bénédiction qui en fait
réellement le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ.
Après que le prêtre a fini la
consécration , il étend ses mains en forme de croix
, des deux côtés de l'autel afin de représenter la Passion du Seigneur, et
aussi pour indiquer par là qu'il est mort pour les Juifs et les Gentils. Car
ces deux peuples sont désignés par les deux extrémités de l'autel, comme nous
l'avons dit plus haut , à la condition cependant
qu'ils rentreront dans la voie de la vérité et qu'ils pratiqueront les
enseignements de la foi catholique.
Examinons maintenant
pourquoi , à la consécration, le prêtre élève le
corps du Seigneur et le montre ainsi aux fidèles. On en donne plusieurs
raisons. La première et la principale, c'est afin de recouvrer la faveur de
Dieu le Père, que nous avons perdue par nos péchés. Le péché seul offense et
irrite Dieu, selon cette parole du Psalmiste : « Ils ont allumé sa colère
par leurs oeuvres criminelles (1). » Le prêtre élève donc le corps de
Jésus-Christ comme pour dire : « O Père céleste, nous avons péché et nous
avons provoqué votre colère. Mais maintenant abaissez vos regards sur la face
de votre Christ que nous vous présentons afin de changer votre indignation en
miséricorde. Ne détournez donc point vos yeux de dessus votre enfant; mais
souvenez-vous que vous avez dit vous-même en parlant de lui : « C'est ici
mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances
(2). Corrigez miséricordieusement en nous tout ce qui
447
est répréhensible ;
convertissez-nous à vous, et détournez votre colère de dessus nos têtes. »
Cette élévation a lieu aussi
pour demander et obtenir tous les biens dont nous avons besoin pour la vie
présente et la vie future. Or, le premier bien nécessaire en ce monde, c'est
la paix, et nul ne saurait l'avoir que par l'éloignement de tout péché mortel.
C'est de cette paix que Jésus-Christ a dit : « Je vous donne ma paix
(1). » Le second bien , c'est la charité, et elle
nous est nécessaire pour la vie future. Ici-bas elle dirige l'homme et le
conduit au céleste bonheur. De là cette parole de saint Jean : « Celui qui
demeure en la charité, demeure en Dieu (2). » Lors donc que le prêtre
élève le corps du Seigneur, il semble nous dire : « Si vous voulez
obtenir ce qui fait l'objet de
vos désirs, ayez la paix entre vous et conservez une charité mutuelle, car
Jésus-Christ, par sa mort, nous a réconciliés avec Dieu et les anges, et, par
sa charité, il nous a préparé les biens éternels. »
En troisième
lieu , l'élévation se fait en reconnaissance du
droit que nous avons dans le ciel, droit dont nous jouissons maintenant par
l'espérance, et qui après la mort se changera en réalité. Ce droit n'est autre
que la vie éternelle elle-même. De là ces paroles de
Notre-Seigneur, dont voici le sens : « Je suis venu en ce monde afin
que mes imitateurs aient la vie dans le temps présent, et qu'ils la possèdent
plus abondamment encore dans
448
l'éternité (1). » Ce droit a
été écrit d'une manière toute spéciale comme un privilège , c'est-à-dire qu'en
Jésus-Christ il a été gravé avec un stylet de fer, lorsque le côté du Sauveur
fut ouvert par la lance, lorsque ses nains et ses pieds furent percés par les
clous. Le prêtre , élevant donc le corps du Seigneur, semble s'écrier : « O
esprits angéliques présents à ce sacrifice, soyez témoins que la vie éternelle
est notre droit ; et c'est pour le confirmer que nous élevons le gage que nous
en avons reçu, Jésus-Christ immolé pour nous. »
La quatrième
raison , c'est afin de montrer la puissance de
Dieu. C'est en effet une grande marque de la puissance divine de voir
que , par ces seules paroles : Ceci est mon
corps, le pain se soit changé substantiellement au corps de Jésus-Christ.
C'est là un changement opéré par la droite du Très-Haut, un changement qui
surpasse toutes nos pensées. Le prêtre, élevant le corps du Seigneur, nous dit
donc par cette action : « Il n'y a qu'un instant, vous avez vu du pain sur
l'autel : maintenant que la consécration est accomplie ,
contemplez le corps de Jésus. Mais si Dieu est assez puissant pour produire un
tel changement, il le sera assez pour nous amener du péché à la grâce et
ensuite à la gloire.»
La cinquième
raison , c'est afin de faire connaître aux hommes
la sagesse de Dieu. En effet, Jésus-Christ nous donne une preuve de sa sagesse
admirable et
449
ineffable en se montrant ainsi
voilé à nos yeux ; et c'est de ce voile dont il est couvert que le Prophète a
parlé quand il a dit : « Vous êtes vraiment un Dieu caché, le Dieu sauveur
d'Israël (1). »
Nous devons remarquer ici que
le Seigneur s'est caché pour plusieurs motifs sous la forme du pain. S'il eût
paru à nos yeux tel qu'il est ou tel qu'il fut sur la
croix , beaucoup eussent pris la fuite de frayeur sans pouvoir se
résoudre à le recevoir, selon qu'il arriva lorsque le Sauveur eut dit : «
Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, vous n'aurez point la vie en
vous (2) . » Plusieurs se retirèrent effrayés et cessèrent de marcher à sa
suite , car ils s'imaginaient qu'ils devraient se
nourrir de lui en déchirant ses membres; ce qui , en effet , eût été quelque
chose d'horrible pour notre nature. Mais, dans la Cène, il a voilé son corps
et son sang , et c'est en cet état qu'il l'a donné
en nourriture aux hommes. Il y a encore d'autres raisons de cette manière
d'être du Seigneur sous les espèces sacramentelles; mais je n'en parlerai pas
ici.
On élève ,
en sixième lieu , le corps de Jésus-Christ afin de nous montrer sa générosité
envers nous. Quelle générosité plus grande, en effet, que de donner à manger à
l'homme le pain des anges ! Le prêtre, en offrant ainsi à nos regards le corps
du Seigneur , nous crie donc : « O fidèles de
Jésus-Christ ! contemplez et réjouissez-vous!
voici la céleste nourriture des anges que le Roi
généreux des cieux nous a donnée afin
450
que nous soyons remplis de
toute grâce et de toute bénédiction! Mais, malheur à celui qui ne s'inquiète
nullement de recevoir ce très-saint aliment et qui
s'en éloigne ! En lui s'accomplit cette parole du prophète Élisée : Vous le
verrez, et vous n'en serez point participant (1). Beaucoup, en effet,
voient le corps du Seigneur, mais n'y participent pas et s'en éloignent par
leurs péchés. »
La septième raison de
l'élévation du corps de Jésus, c'est afin de nous manifester sa bonté. Quelle
bonté plus admirable que celle qui porte le Sauveur à se rendre captif sur nos
autels! Aussi avait-il dit de lui-même en la personne de Jérémie : « Me
voici entre vos mains; faites de moi ce qu'il vous plaira (2). » Remarquez
bien que , lorsqu'un chef est prisonnier pour les
siens , on ne le relâche pas qu'il n'ait donné une rançon considérable. Ainsi
ne devons-mous point laisser s'en aller
Jésus , notre captif, qu'il ne nous ait accordé la
rémission de nos péchés, et que nous n'ayons reçu de lui le royaume des cieux.
Le prêtre, donc, élevant le corps du Seigneur, nous dit : « Voilà que nous
avons en notre puissance celui que le monde entier ne saurait contenir; ne
souffrons donc pas qu'il s'en aille avant d'avoir obtenu de lui l'objet de nos
demandes. »
La huitième
raison , c'est afin de réjouir la sainte Eglise en
lui présentant l'étendard sous lequel elle doit combattre, afin que ceux qui
marchent sous cet étendard sacré puisent dans sa vue la joie et le
451
courage. La vie de l'homme
est un combat, dit Job (1) ; aussi le prêtre semble-t-il dire aux élus, en
offrant à leurs yeux le corps du Seigneur : « Ne craignez pas.
ruais combattez avec assurance. Voici notre
étendard : c'est sur la croix qu'il a reçu , à
cause de nous, cette couleur ensanglantée. Voici Jésus notre Seigneur; il se
tient au milieu de nous. »
La neuvième
raison , c'est afin de nous donner un modèle à
imiter et à suivre. Ainsi , pour que les pécheurs
s'excitent à marcher après lui et ne désespèrent pas du pardon , le Fils de
Dieu montre son côté à son Père el, offre ses blessures à ses yeux. Ce qui
fait. dire à saint Bernard : « Nous pouvons nous
approcher de Dieu en ton le sécurité, car le Fils présente les citatrices de
ses plaies à son Père , et Marie son sein au fils qu'elle a nourri. » Le
prêtre, à l'élévation , crie donc au pécheur et à
tous les chrétiens : « Voici le Fils de Dieu qui a été étendit et élevé sur la
croix. Suivez-le afin de souffrir au moins quelque chose pour celui qui a tout
souffert pour vous. » Saint Pierre a dit : « Jésus-Christ a souffert pour
nous, et il vous a laissé l'exemple afin que vous marchiez sur ses traces
(1). » Nous devons donc lui compatir et ne jamais oublier le bienfait de sa
Passion.
C'est pour cela que, dans le
canon, on ajoute aussitôt après l'élévation ,
unde et memores,
etc. On rait ici mémoire de la Passion, de la Résurrection et de l'Ascension
du Seigneur. Par les signes de croix renouvelés cinq fois, on représente les
cinq plaies de
sa Passion, c'est-à-dire
celles des mains, des pieds et du côté. Trois de ces signes ont lieu en même
temps sur l'hostie et le calice afin de nous faire entendre que la Passion de
Jésus-Christ est l'aiguillon de notre charité; que sa Résurrection affermit
notre foi, et que son Ascension réjouit notre espérance.
Ces trois choses sont
indiquées dans la prière, lorsqu'on nomme ces trois mystères. Quant aux deux
signes qui suivent et ont lieu distinctement sur le corps et le sang du
Seigneur , ils nous annoncent l'immortalité des
justes en leur âme et en leur corps. En effet, les saints et les justes, en
bâtissant leur demeure dans les plaies du Sauveur, deviennent purs et
innocents, entrent en possession de la vie céleste et conquièrent pour
l'éternité le salut de leur âme et de leur corps. C'est ce qui est annoncé par
ces paroles où Jésus-Christ est appelé une hostie pure, une hostie sainte,
une hostie immaculée, le pain sacré de la vie éternelle et le calice du salut
perpétuel. Le Sauveur est en effet l'hostie pure qui purifie ses
élus , l'hostie sainte qui sanctifie ses
bien-aimés, l'hostie immaculée qui détruit les taches de notre âme, le pain de
la vie éternelle, qui nourrit les anges et les hommes, et le calice du salut
qui les abreuve et les enivre de son sang glorieux.
Ensuite vient l'oraison
supra quae propitio,
etc. Remarquez qu'en cet endroit sont nommés trois saints de l'ancien
Testament : « Abel , Abraham et Melchisédech , qui
tous trois nous présentent une figure parfaite de la Passion du Seigneur et de
sa
453
très-sainte
Cène. Abel a offert des dons choisis entre-les premier-nés de son
troupeau , et Jésus-Christ s'est offert à Dieu son
Père comme le premier-né d'un grand nombre de frères, comme l'Agneau sans
tache dont saint Jean a dit : « Voici l'agneau de Dieu qui porte les péchés
du monde (1). » Abel innocent a été mis à mort par Caïn, son frère, et
Jésus-Christ a été immolé, crucifié par les Juifs pervers. Abraham a obéi à
Dieu en lui immolant son fils, et Jésus-Christ s'est fait obéissant à son Père
jusqu'à la mort; il a remis son esprit entre ses mains. Melchisédech a offert
le pain et le vin , car il était prêtre du Dieu
très-haut, et Jésus-Christ, sous l'espèce du pain
et du vin , offre pour nous à Dieu son Père son corps et son sang , afin de
rétablir la paix entre lui et nous ; car Melchisédech était roi de Salem , ou
de la paix. Jésus-Christ est donc appelé en ce lieu Abel à raison de son
innocence; Abraham à raison de son obéissance, et Melchisédech à raison de sa
clémence et de sa sainteté éminente. De là ces mots de sacrifice saint,
d'hostie immaculée.
On dit que l'oraison
supplices te rogamus qui suit, a pour auteur
le pape saint Léon. Ici l'inclination du prêtre représente Jésus-Christ
lorsque, inclinant la tête, il expira. Les fidèles devraient donc en ce moment
s'humilier très-sincèrement avec le prêtre et
recommander leurs âmes à Dieu par de profonds soupirs. En cette prière de
saint Léon sont renfermées des paroles si profondes et si insondables que
saint
454
Grégoire en parle corme d'une chose
tout-à-fait ineffable. Il y est dit : « Ordonnez que ces choses
soient portées, etc. Mais qui pourra douter qu'au
moment même de l'immolation
les cieux ne soient ouverts à la voix du prêtre, que les choeurs des anges
n'en soient descendus, que ce qu'il y a de plus bas ne soit associé à ce qu'il
y a de plus élevé, que la terre ne soit unie au ciel , et que les choses
visibles et invisibles ne fassent qu'un? En un seul et même temps, en un seul
et même distant, le corps du Sauveur est enlevé dans le ciel par la main des
anges pour être associé à leurs choeurs, et on le voit sur l'autel sous les
yeux du prêtre. » Ainsi parle saint Grégoire. Cependant sans chercher à
pénétrer le mystère des célestes oracles de l'Eglise, je crois qu'on peut
entendre ces paroles dans un sens plus simple, et dire que ces choses
sont les voeux, les supplications et les prières des fidèles, qu'on prie Dieu
de vouloir bien faire transporter par son ange en présence de son trône. Si
pendant que Tobie priait, l'archange Raphaël offrit ses voeux au Seigneur, à
combien plus forte raison , lorsque Jésus-Christ
prie avec le prêtre , les prières et les oblations du peuple sont-elles
portées au ciel? Ou plutôt Jésus-Christ, l'ange du grand conseil, offre
lui-même à son Père les prières de son Eglise , et
rend grâces pour elles. Ce qui a fait dire à saint Ambroise : « Croyez bien
que les anges présentent nos voeux devant, le trône de Dieu quand le Christ
immolé les présente lui-même (1). »
Ces mots in sublime
altare tuum, sur votre
autel sublime, s'entendent de la sainte Trinité, dont il est écrit : «
Vous ne monterez pas à mon autel par des degrés (1); » ce qui signifie :
Croyez l'égalité des personnes divines dans la Trinité ,
sans vous figurer des rangs inférieurs ou supérieurs , comme on voit dans les
degrés. Certains hérétiques pensent que le Père est plus grand que le
Fils , et ceux-là s'efforcent de monter à l'autel
par des degrés; mais ils sont re-poussés par le Fils , qui a dit : « Mon
Père et moi nous sommes un (2). » D'autres croient que l'Esprit-Saint
est moindre que le Père et le Fils; mais ils sont combattus par l'un et par
l'autre dans la sainte Ecriture, qui nous dit : « L'Esprit souffle où il
veut (3). » Et encore : « L'Esprit est Dieu. » Et enfin dans le
symbole de saint Athanase : « Tel est le Père, tel le Fils, tel le
Saint-Esprit. »
In
conspectu divinae
majestatis tuae, en présence de votre
majesté. divine. L'autel de la Trinité sainte
est appelé sublime, parce qu'il est inaccessible et incompréhensible à
l'homme. Mais le sacrifice de l'autel, l'hostie de salut, Jésus-Christ
Notre-Seigneur, étant coéternel à son Père, est
entré dans le Saint des saints après avoir acquis par sa mort une rédemption
éternelle , afin de se présenter maintenant pour
nous devant la face de Dieu , en présence de la majesté suprême de son Père :
« Il est entré afin que tous ceux qui, participant à cet autel, ô Père
vénérable! auront reçu le saint et sacré corps et
le
455
sang de votre Fils
par une communion digne, soient remplis de toute bénédiction céleste et de
grâce par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur. »
Cette oraison est accompagnée
de trois signes, dont le premier nous enseigne à attendre de Dieu seul la
pureté du corps. Le second, qui a lieu à ces mots : et
sanguinem sumpserimus, nous rappelle
que le juste vit de la foi , et que l'homme est le
prix du sang. Le troisième, qui est imprimé sur la tête et la poitrine, au
lieu où réside le siège de nos pensées, nous montre combien nous avons besoin
que Dieu nous accorde la lumière qui est pure et exempte d'obscurités. Si donc
nous conservons avec amour la chasteté du corps et la pureté de l'âme, nous
mériterons d'être comblés, dans les cieux, de bénédiction et de grâce.
Le prêtre s'incline en ce
moment pour représenter, comme nous l'avons dit, l'inclination de la tête de
Jésus au moment de sa mort. En effet, le Seigneur, ayant incliné la tête,
rendit l'esprit et nous laissa un testament où l'auteur de toute piété
partagea à chacun du haut de sa croix les divers offices de la piété. Aux
apôtres il légua la persécution , à ses disciples
la paix, aux Juifs son corps, à son Père son esprit, à la Vierge l'ami de
l'Epoux, au larron le Paradis, aux chrétiens pénitents sa croix. Portons donc
cette croix , comme il nous est marqué par les deux
signes qui se font sur le corps et le sang de Jésus , puisque par elle nous
avons été délivrés de la double mort du corps et de l'âme, pourvu cependant
que nous soyons fidèles à en conserver un souvenir persévérant, ce que nous
457
marque le troisième signe;
car, dit l'Apôtre, si nous souffrons avec lui, nous règnerons avec lui
(1).
Ces trois signes nous
indiquent encore les diverses souffrances du Seigneur en son corps : « le
premier, les meurtrissures de la flagellation ; le second, l'effusion du sang
; le troisième , le voile dont on couvrit son
visage.
Jésus-Christ dans sa Passion a
recommandé son âme à son Père au moment de quitter la terre. Ainsi devons-nous
recommander au Dieu tout-puissant les âmes des fidèles que la mort clous
enlève, et que nous voyons mourir dans la foi catholique. C'est pour cela
qu'on ajoute l'oraison memento, etc. L'Eglise,
notre tendre mère, ne se contente pas de prier pour les
vivants , elle le fait encore fidèlement pour les morts, en la personne
du prêtre, car elle croit avec une certitude inébranlable que le sang précieux
de Jésus-Christ sert non-seulement à la rédemption
de ceux qui sont sur la terre , mais encore à la délivrance de ses enfants
dans l'autre monde.
Qui non
praecesserunt cum signo fidei,
qui nous ont précédé avec le sceau de la foi, c'est-à-dire avec la
charité. Ainsi les fidèles sont distingués du reste des hommes. Le Prophète
parle de cette délivrance en s'adressant en ces termes à Jésus-Christ lui-même
: « Par le sang de votre alliance, dit-il, vous avez fait sortir vos
captifs du fond d'un lac sans eau (2). » Mais on ne doit point prier pour
ceux qui sont en enfer , car là il n'y a point de
rédemption à attendre.
458
« Si j'avais mon père en enfer ,
dit saint Augustin , en ce lieu ou aucune délivrance n'est à espérer, je me
prierais pas plus pour lui que je ne le fais pour le démon (1). » C'est donc
pour les fidèles défunts. pour ceux qui se sont endormis dans le sommeil de la
paix, loin du schisme et de l'hérésie, que nous devons adresser nos
supplications; pour ceux que l'impénitence n'a point trouvés séparés de
l'unité de l'Eglise, bien que d'ailleurs ils aient pu sortir de ce monde
dignes de quelque châtiment. Le prêtre doit d'abord prier pour son père et sa
mère, et ensuite pour ceux qui lui sont confiés, sans cependant les nommer,
ainsi qu'il a été dit plus haut. Après il ajoute : Et pour tous ceux qui se
reposent en Jésus-Christ. Or, ceux-là se reposent en Jésus-Christ après
leur mort, qui se sont endormis dans le Seigneur,
selon qu'il est écrit dans l'Apocalypse.
Locum
refrigerii, etc. C'est en ce lieu de
rafraîchissement que demeure le Lazare de l'Evangile. La lumière de ce lieu,
c'est Jésus-Christ lui-même, la lumière du monde ,
la lumière des vivants , dont le Prophète a dit : « Je désire me rendre
agréable à Dieu en marchant dans la lumière des vivants (4). » La paix,
c'est celle dont Siméon a parlé lorsqu'il s'écriait : « Maintenant,
Seigneur, vous laisserez votre serviteur s'en aller en paix (4). »
Daignez leur accorder cette grâce par Jésus-Christ notre Seigneur.
Celui-là apaise son juge et se le rend favorable, qui lui demande grâce et
miséricorde.
459
Ensuite vient l'oraison
nobis quoque
peccatoribus. C'est comme si le prêtre
s'écriait : « Si nous disons que nous n'avons point de péché, nous nous,
trompons nous-mêmes, et la vérité n'habite point en nous (1). — Il n'est
personne exempt de péché, pas même l'enfant qui ne compte qu'un jour sur la
terre (2).» Sans doute, par la miséricorde de Dieu ,
beaucoup peuvent vivre sans faute mortelle; mais sans pécher véniellement,
c'est une chose rare.
De
multitudine miserationem, etc.,
ayant espoir en la multitude de vos miséricordes. Si le
larron , attaché à la croix, a mérité le pardon par
son repentir et l'aveu de ses fautes , pourquoi le chrétien contrit et se
confessant coupable serait-il indigne de recevoir grâce et miséricorde? Ainsi
cette élévation de la voix et ce frappement de la poitrine avec la main droite
nous n'arquent la douleur du larron crucifié au côté droit de Jésus-Christ, et
l'aveu qu'il fit de ses crimes. Eu effet il les avoua avec amertume, et il dit
à son compagnon placé à la gauche : « Nous avons reçu selon que nos crimes
méritaient, etc. » Et le Seigneur lui répondit : « En vérité je vous le
dis, vous serez aujourd'hui dans le Paradis (3). »
Partem
aliquam et societatem,
etc. Daignez nous donner part et nous associer, etc. Le voleur sur la
croix a confessé Dieu, dit saint Jean Chrysostôme
(4) , et il a devancé tous les saints dans le
royaume. Qu’y a-t-il d'étonnant en cela , puisqu'il
confessait que le Seigneur régnait dans les cieux alors que Pierre le
460
reniait sur la terre? Ainsi
devons-nous comprendre , par cet exemple, que les
pécheurs dont la pénitence est fervente précèdent dans la gloire les saints
dont la tiédeur a ralenti la marche. La Vierge bienheureuse et les apôtres
étaient encore sur la terre, saint Jean-Baptiste, les patriarches et les
prophètes étaient dans limbes quand il fut dit au voleur : « Vous serez
aujourd'hui avec moi dans le Paradis, » c'est-à-dire vous serez
aujourd'hui dans la joie, car où est Jésus-Christ là est la joie, le paradis,
la lumière, la paix , l'allégresse. Il est la
lumière véritable; c'est lui qui illumine le ciel; il est l'Agneau qui éclaire
la Jérusalem céleste; c'est lui qui comble de joie les bienheureux, car les
âmes des saints qui ont marché sur les traces de Jésus-Christ jouissent du
bonheur dans les cieux, parce qu'il leur est donné de suivre l'Agneau partout
où il va.
C'est de cette assemblée des
bienheureux qu'il est dit : « Daignez nous admettre en la société de vos
saints Apôtres et Martyrs, avec Jean, etc. » Les uns disent que c'est
saint Jean-Baptiste qui est nommé en cet endroit; plusieurs commentateurs
soutiennent que c'est saint Jean l'Evangéliste. Il a été nommé, il est
vrai , au commencement du canon avec les autres
apôtres, mais il l'est de nouveau ici à cause de son double privilège d'apôtre
et de vierge. En effet, son amour pour Jésus-Christ le rendait digne d'être
placé une seconde fois dans le canon de la messe, 'ec
Etienne, qui fut vierge et martyr. Dans l'Ancien Testament le patriarche Jacob
a aimé Joseph plus que
461
ses autres enfants , et il lui
a donné une double part dans l'héritage qu'il avait conquis sur les
Amorrhéens par son arc et son glaive (1). Ainsi
Jésus-Christ a accordé à son disciple et fils bien-aimé un double héritage et
un double honneur.
Nous devons remarquer que
sainte Félicité, veuve et martyre, est nommée ici avant les saintes vierges.
C'est sans doute à cause de l'ancienneté de sou martyre, sans qu'on ait pensé
à déroger en rien au privilège de la virginité.
Cependant, selon saint
Augustin, l'Eglise nous donne à entendre, en cet endroit, que les hommes
fervents et vraiment pénitents peuvent arriver, par leurs
efforts , à précéder dans les saintes pratiques de la piété les vierges
tièdes et négligentes. En effet, celui qui désire vivement d'être pardonné
s'efforce d'apaiser la colère du Juge souverain et provoque sa miséricorde.
Ainsi un illustre pénitent a dit : « Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon
votre grande miséricorde (2). » Mais si la virginité garde fidèlement
l'humilité, si elle possède une dévotion brûlante, elle mérite des privilèges
singuliers et des prérogatives de grâces, car une auréole de gloire est
réservée dans la patrie céleste aux vierges, aux martyrs et aux prédicateurs
de la foi. Ces trois sortes de saints ont leur place en cet endroit du canon.
Daignez nous recevoir en
leur société par Jésus-Christ Notre-Seigneur, par
qui vous avez créé tous ces biens, etc. Dans le principe, c'est-à-dire
dans le
461
Fils, Dieu le Père a créé, il est vrai, le ciel et la
terre avec tous leurs ornements, et toutes ses oeuvres étaient excellentes.
Cependant il crée toujours les mêmes biens en les
renouvelant , et surtout le pain et le vin qui doivent être offerts sur
l'autel. Aussi n'est-ce pas seulement le prêtre , mais encore la sainte
Trinité qui les bénit , les consacre et les vivifie en les changeant
substantiellement au corps et au sang de Jésus-Christ, selon qu'il est marqué
par ces paroles : Sanctificas,
vivificas, benedicis,
vous les sanctifiez, les vivifiez et les bénissez. Ces paroles sont
accompagnées de trois signes de croix qui nous rappellent les trois jours
passés par le Seigneur dans le tombeau, et pendant lesquels il se reposa de
l'oeuvre qu'il avait accomplie. « Si le grain n'est jeté en terre, avait
dit le Seigneur, demeure seul (1). » Or, ce grain était. Jésus lui-même.
Il mourut donc, on le déposa en terre, il revint à la vie, il poussa des tiges
nombreuses et produisit en ses élus des fruits considérables. Sa sépulture
sanctifia la terre; en sortant victorieux de l'empire de la
mort , il vivifia les morts, et en bénissant le
pain céleste il le multiplia en faveur de ceux qu'il avait appelés à la vie.
Voilà ce qui est indiqué par ces trois paroles que nous avons reproduites plus
haut.
Et
proestas nobis. O mon Dieu !
semblons-nous dire, vous nous accordez la
sanctification en nous rendant saints par le corps de votre Fils; la vie en
nous vivifiant par son sang, et la bénédiction en nous
463
bénissant toutes les fois que
nous recevons l'un et l'autre dignement. C'est pourquoi nous vous renvoyons
tout honneur et toute gloire en l'unité de l'Esprit-Saint,
ô Dieu, Père tout-puissant !
Ces trois signes qui ont lieu
ici nous marquent encore les trois choses pour lesquelles Jésus-Christ voulut
demeurer trois jours dans le tombeau : « la restauration des ruines du
ciel , la réparation des ruines de la terre et la
délivrance des âmes justes qui , aux enfers, soupiraient après sa venue. Ou
bien il nous faut entendre la sainte Trinité, selon que le texte même le porte
: dans le Père nous avons l'autorité , dans le Fils
l'égalité, et dans le Saint-Esprit la communauté et le lien de tout bien.
On élève aussi à ce moment
l'hostie au-dessus du calice, et l'on forme avec elle des signes de croix. Par
là , on nous donne à entendre que la mort a été vaincue, la vie rétablie et la
gloire donnée par Jésus-Christ; ce qui est indiqué par ces paroles :
per ipsum et
cura ipso et in ipso, par lui, avec lui et en lui, etc.
Remarquez également qu'en cet
endroit la messe correspond à toutes les heures de l'office
canonique , car tout ce que Jésus-Christ a souffert
y est représenté et rappelé. Il a souffert à l'heure de matines la trahison,
les crachats et les soufflets , et c'est à cette
heure qu'il est ressuscité. A prime il a été devant, Pilate en butte aux
injures et aux moqueries, et. ainsi de suite pour
les autres heures, selon qu'il avait. été arrêté
dans la sagesse de son Père. Le Prophète a dit de ces différentes heures : «
Sept fois le jour,
464
Seigneur, j'ai chanté vos louanges (1). » Ce
nombre sept peut être désigné par les sept premiers signes de croix qui se
font en ce moment, et ceux qui louent Dieu dévotement sont remplis des sept
dons de l'Esprit-Saint; ils sont sanctifiés,
vivifiés et bénis par le Père et le Fils. Le huitième signe, qui a lieu sur le
calice à ces mots : In unitate
Spiritu Sancti,
indique que celui qui s'attache à Dieu devient un même esprit avec
lui , selon le langage de l'Apôtre.
Ensuite viennent ces paroles :
Per omnia
saecula saeculorum,
que l'on prononce à haute voix. Le corps du Seigneur, alors placé au-dessus du
calice, est élevé avec le calice lui-même, et par là on nous donne à entendre
que la tristesse causée aux apôtres par la mort du Sauveur a été dissipée
lorsqu'il est revenu à la vie et qu'on leur annonça la joie de sa
résurrection.
Le prêtre continue en disant :
Prions, etc., afin qu'aidés du secours du Seigneur nous ressuscitions
de la mort du péché, et que nous ne tombions pas de nouveau sous son empire,
car Jésus-Christ ressuscitant d'entre les morts ne meurt plus; que le
péché cesse donc de dominer en nous (2). « Celui qui commet le péché est
esclave du péché. » Fuyons un maître si abominable, et revenons à notre
maître plein de miséricorde, de tendresse et de douceur. Il ne refuse pas
d'être appelé le père de tous les hommes, car il est vraiment le Père des
miséricordes et le Dieu de toute consolation. Si nous pouvons lui donner le
465
nom de Père, c'est que
lui-même a établi qu'il en serait ainsi. En effet, le Fils qui est l'égal du
Père, nous a enseigné à agir de la sorte ; notre frère nous a formés à prier
en ces termes. Il est le Fils de lieu par nature; nous le sommes par la grâce
; nous pouvons donc dire : Notre Père qui êtes dans les cieux, etc.
Après que nous avons terminé
nos demandes , les clercs répondent amen.
C'est un mot hébreu, et, selon saint Jérôme, il signifie : « Je désire qu'il
en soit réellement ainsi. C'est comme si l'Eglise, qui assiste son ministre
dans l'action du sacrifice, lui disait: O prêtre vénérable, que les demandes
et les voeux exprimés dans cette prière s'accomplissent fidèlement en vous et
en nous.
Libera nos, etc. Délivrez-nous,
nous vous en prions, Seigneur, de tous les maux passés, présents et à venir;
que par votre secours et votre miséricorde les maux passés soient anéantis,
les maux présents vaincus, et les maux à venir évités.
Et
intercedente, etc. En cet endroit du canon on fait, pour la
troisième fois, mémoire des saints, et on les comprend tous sous la
dénomination de la Vierge bienheureuse et des saints apôtres Pierre, Paul et
André; car tous ont acquis le royaume des cieux par la chasteté, la
persévérance dans le bien, l'humilité et le courage à combattre pour la
justice. La première de ces vertus nous est représentée par Marie, la seconde
par saint Pierre, la troisième par saint Paul , et
la quatrième par saint André.
466
Da
propitius pacem, etc. Donnez-nous la
paix dans votre miséricorde. Ici le prêtre demande le règne de la paix,
selon l'enseignement de saint Paul, qui écrit : « Je vous conjure de faire
des supplications, des prières, des demandes, ales actions de grâces pour tous
les hommes, pour les rois et ceux qui sont établis en dignité, afin que nous
puissions mener une vie paisible et tranquille dans la pratique de toute piété
(1). » L'Eglise demande donc que rien n'empêche la paix temporelle de peur due
la paix spirituelle n'en soit troublée et interrompue.
Ut ope
misericordiae tuae, etc. Afin
qu'aidés du secours de votre miséricorde, tant intérieurement
qu'extérieurement, nous puissions être libres de tout péché et à l'abri de
toute perturbation. Nous sommes dans le trouble lorsque nous portons en
nous le fardeau du péché mortel et notre coeur est dans l'aveuglement; nous
sommes dans le trouble lorsque nous sommes abandonnés à nous-mêmes, lorsque la
grâce divine nous est enlevée et que Dieu s'éloigne de nous. Le prêtre demande
donc qu'un pareil malheur n'arrive pas ; il le demande au nom de Jésus-Christ
Notre-Seigneur, le Fils du Père céleste.
Mais avant d'arriver à ces
dernières paroles : par le même Jésus-Christ, etc., le prêtre,
découvrant le calice , élève au-dessus le corps du
Seigneur , le divise en trois parties, en met une dedans , réserve les deux
autres, et prononce, avant ce mélange du corps et du sang ces paroles : «
Que la paix du Seigneur soit
467
en tout temps avec
vous. » Il fait alors trois signes de croix sur le calice avec le corps de
Jésus-Christ. Voyons donc en peu de mots ce que tout cela veut dire.
D'abord, pourquoi l'hostie
est-elle divisée en trois parties? Le pape Sergius
en donne pour raison que Jésus-Christ nous apparaît d'une triple manière. La
partie de l'hostie , mise dans le calice, nous
montre le corps du Sauveur ressuscité d'entre les morts et uni à son âme. La
partie qui est consommée nous le représente encore voyageur sur la terre, et
la partie que l'ou conserve sur l'autel nous rappelle que les corps des saints
sont les membres de Jésus-Christ, et qu'il reposera avec eux dans le tombeau
jusqu'à la fin des temps. Mais lorsque l'hostie est ainsi divisée, c'est
l'apparence du corps du Seigneur qui est divisée, et non l'essence, car la
divinité persévère toujours en son union et il ne peut y avoir en elle de
division. Saint Augustin nous enseigne comment se fait cette division. « Quand
Jésus-Christ, dit-il , est pris en nourriture , il
répare les forces, mais il ne se détruit pas. Il a lui-même blâmé la manière
dont ses disciples entendaient cette manducation ,
lorsqu'ils s'imaginaient que sa chair, pour être reçue, devrait se diviser
comme une chair ordinaire, et être mangée comme un autre aliment. » Il n'y a
que la forme ou l'apparence qui soit soumise à la division. La consécration
une fois accomplie, le corps du Seigneur est voilé sous les accidents du pain,
qui sont la couleur, le goût, la qualité, la quantité et la
468
forme; mais la substance
elle-même du pain et du vin disparaît pour ne laisser subsister que les seuls
accidents; car si ces accidents étaient enlevés, le prêtre ne pourrait
terminer la messe, et ii demeurerait épouvanté
d'une chose semblable. C'est donc par égard pour notre faiblesse qu'il en est
ainsi. — On peut aussi dans cette triple division de l'hostie voir les trois
substances qui se trouvent en Jésus-Christ : la divinité, l'âme et le corps.
La particule mise dans le calice nous rappelle que sa chair fut soumise à la
mort dans sa Passion , et les deux autres que l'on
conserve signifient son âme immortelle et sa divinité impassible.
Ces trois parties de l'hostie
nous désignent également fort bien la Trinité. Celle qui est mise dans le
calice, alors que les deux autres restent sur l'autel , nous annonce que la
chair seule appartient à Jésus-Christ, bien que les oeuvres de la Trinité
soient indivisibles, et ainsi elle nous représente l'incarnation et la mort du
Fils de Dieu. Les deux autres nous indiquent que le Père et le Saint-Esprit
n'ont poila été soumis à la chair. Eu effet, dit saint Augustin, ce n'est
point le Père qui s'est incarné et qui a souffert, ni le Saint-Esprit, mais
Jésus-Christ seul. » Cependant le prêtre indique que les oeuvres de la sainte
Trinité sont indivisibles, lorsque, partageant l'hostie ,
il dit : « Par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur,
qui vit et règne avec vous. Car, en faisant cette fraction, c'est comme
s'il disait : « Je semble diviser ce qui est indivisible; mais si le Christ
est
469
mort
par son humilité , il vit cependant par la vertu de sa divinité en laquelle il
subsiste avec son Père et ne s'est jamais séparé de lui. Lorsqu'il prononce
ces paroles : En l'unité du Saint-Esprit, il fait une seconde
fraction, et c'est comme s'il disait : « On lit, il est
vrai , que l'Esprit-Saint a couvert la
Vierge de son ombre dans l'incarnation du Fils, cependant, procédant
éternellement du Père, il n'a jamais abandonné ni le Père ni le Fils ; mais la
sainte Trinité persévère indivisible dans tous les siècles des siècles. »
Cette division de l'hostie en
trois parties nous représente encore les trois parties du corps de
Jésus-Christ, qui est son Eglise, c'est-à-dire le chef et les membres. La
première est le chef lui-même ou autrement Jésus-Christ, le premier né d'entre
les morts. La seconde, les âmes des saints qui triomphent dans le ciel ; la
troisième , les fidèles qui combattent sur la
terre. Les deux parties conservées en dehors du calice nous donnent à entendre
que Jésus-Christ étant ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus; que la
mort n'a sur lui aucun empire, non plus que sur ceux qui règnent avec lui. De
là cette parole de l'Apocalypse : « Ils ne souffriront plus ni la faim ni
la soir (1). » La troisième partie , mise dans
le calice , marque ceux qui sont encore mêlés aux combats de sa Passion.
Cette division de l'hostie figure également les trois
ordres de l'Eglise : « les vierges, les veuves et les personnes unies par les
liens du mariage. Les deux
470
portions réservées sur l'autel
nous rappellent l'innocence de la virginité et l'état saint de la viduité;
car, selon saint Paul, « la vierge et celle qui n'est pas mariée pensent
aux choses du Seigneur (1). » La troisième portion mise dans le calice
nous désigne l'état conjugal et ses misères; car, dit encore l'Apôtre, celle
qui est mariée pense aux affaires de ce monde, c'est-à-dire à toutes les
choses inhérentes à son état et à une foule d'autres qui sont en dehors. « Ils
auront, ajoute le même Apôtre, à souffrir la tribulation en leur chair. »
L'hostie du Seigneur s'offre sur l'autel afin d'obtenir aux vierges et aux
veuves la persévérance dans la pureté; elle s'offre pour venir en aide aux
personnes unies par le mariage et les empêcher de succomber aux tribulations
de ce monde.
Enfin les paroles suivantes
nous présentent un dernier sens de cette fraction et division de l'hostie.
« Le corps du Seigneur, est-il
dit, se divise en trois parties : l'une mêlée à son sang, est donnée aux
vivants; une autre, placée sur l'autel, est offerte aux habitants de la
patrie, et la troisième attend le pécheur afin de le justifier de ses fautes.
»
Le sens de ces paroles est
donc : La portion mise dans le calice est offerte pour les fidèles qui
souffrent et gémissent au milieu des misères et des afflictions de ce monde,
afin d'obtenir du Seigneur un adoucissement à leurs peines. La seconde a pour
but la gloire et l'honneur des saints qui triomphent dans les cieux. La
troisième, la délivrance et le prompt rachat
471
de ceux qui sont en
purgatoire, afin que reçus dans le sein d'Abraham ils entrent en possession de
la joie, du rafraîchissement et de la gloire des bienheureux.
Avant de mettre la troisième
partie dans le calice, le prêtre dit : « Que la paix du Seigneur soit
toujours avec vous. » Par là il nous montre que Jésus-Christ
, après sa résurrection d'entre les morts, a annoncé à ses disciples
une triple paix : « la paix du temps, la paix du coeur, la paix de l'éternité.
Ces trois sortes de paix sont désignées par les trois signes de croix que le
prêtre forme sur le calice avec le corps du Seigneur en disant : Que la
paix, etc. Tout le choeur répond : Que celle paix soit avec votre
esprit; c'est-à-dire : « Vous nous souhaitez la paix, et nous, de notre
côté, nous souhaitons de même que cette paix demeure en votre âme afin que
vous puissiez vous appliquer tout entier aux divins mystères, et que vous
soyez rempli de la joie de l'Esprit. »
Cette triple paix est encore
marquée par les baisers que le prêtre fait à l'autel au commencement, au
milieu et à la fin de la messe. Car lorsque Jésus-Christ vint au monde, il
apporta en naissant la paix temporelle, de sorte que l'on pût s'occuper du
recensement de tout l'univers. Cette paix est figurée par le premier baiser
imprimé sur l'autel au commencement de la messe. La seconde
paix , avons-nous dit , est la paix du coeur, et
elle est marquée par le baiser qui a lieu au canon à la prière supplices te
rogamus, etc.
Lorsque Jésus-Christ a
souffert la mort pour nous,
472
il nous a réconciliés avec
Dieu et les anges, et ainsi il nous a donné cette paix. Pour l'affermir il a
voulu que son coeur et son côté fussent transpercés
d'un coup de lance, et c'est par cette ouverture qu'il nous a introduits dans
la paix de son coeur. La troisième paix, qui est la paix éternelle, est
exprimée par le baiser qui a lieu à la fin de la messe. Jésus-Christ, après
avoir accompli tout ce qui était écrit de lui dans la Loi et les Prophètes,
est monté au ciel, nous a réconciliés avec son Père, et nous a ainsi préparé
cette paix de l'éternité.
Depuis l'oraison dominicale
jusqu'à la fin de la messe, le prêtre poursuit la célébration du sacrifice
tantôt à voix basse, tantôt en chantant, et le choeur s'unit à lui par son
chant. L'Eglise nous donne ainsi à entendre que Jésus-Christ, après sa
Résurrection, a de temps à autre , par ses
apparitions et ses salutations pleines de douceur, banni le silence de la
tristesse du coeur de ses disciples ; et que de temps en temps également , il
les a privés de sa présence corporelle selon qu'il l'a jugé utile. On lit que,
pendant les quarante jours qui suivirent la Résurrection, il se manifesta dix
fois différentes, et aussi qu'il se cachait après ces manifestations. Il se
montra cinq fois le jour même de Pâques et deux fois le jour de son Ascension.
Or, tout cela avait lieu afin de bien imprimer dans le coeur de ses disciples
la foi de sa Résurrection, et afin de leur inspirer, par la vue de l'Ascension
glorieuse, le goût des choses célestes et le dégoût de la terre. Le prêtre
exprime donc tout cela
473
par cette manière diverse de
continuer la messe après l'oraison dominicale.
Ensuite vient l'Agnus Dei
établi par le pape Sergius pour être pieusement
chanté après la fraction de l'hostie. Le mot agnus vient du verbe
agnoscere, connaître, et l'agneau
est ainsi nommé parce qu'il témoigne par son bêlement qu'il reconnaît sa mère
au milieu d'un grand troupeau. Ainsi Jésus-Christ sur la croix a reconnu son
Père par son obéissance, car il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort ; il a
reconnu sa Mère en lui témoignant le respect le plus profond, car il l'a
recommandée avant de mourir à son disciple bien-aimé. Jésus-Christ est un
agneau par son innocence, car il a été mis à mort saris être
coupable , et ainsi il est digne de nos larmes.
C'est pourquoi l'Eglise dit de lui : « On le pleurera comme on pleure un
fils unique , car notre Dieu a souffert malgré son
innocence (1). »
Lors donc que nous chantons
par trois fois Agnus Dei , c'est comme si nous
disions : « Agneau de Dieu, qui avez reconnu votre Père par votre obéissance,
votre fière par votre respect, ayez pitié de nous. — Agneau de
Dieu , qui enlevez les péchés du monde par votre
innocence, donnez-nous la paix. »
Nous chantons encore trois
fois l'Agnus Dei afin d'être délivrés des maux passés, présents et
futurs. Nous donnons ensuite, avant de communier, le baiser de paix à nos
amis, selon qu'il a été réglé par le pape
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Innocent. Par là nous déclarons qu'il nous faut éloigner
de nous toute amertume de coeur, car si nous sommes en haine les uns contre
les autres , nous ne faisons plus partie du corps
de Jésus-Christ. « Quiconque, dit saint Jean ,
a de la haine contre son frère, est homicide. nous
savons que celui qui hait son frère n'a point de part au royaume de Dieu
(1). » Conservons donc avec le prochain la paix temporelle, en aimant avec
sincérité tous les hommes en Jésus-Christ; conservons la paix du coeur avec
nous-mêmes, afin d'obtenir dans les cieux la paix éternelle par la grâce de
Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Le prêtre, avons-nous dit, met
aussi une partie de l'hostie dans le calice en disant : «
Hac commixtio, etc. Le
prêtre, par ces paroles , souhaite que le corps du
Seigneur soit, pour lui et tous ceux qui le prennent, une source de salut,
tant du corps que de l'âme, et qu'il devienne pour eux une préparation
salutaire qui leur fasse mériter la vie éternelle et les rende dignes de la
posséder. Il est, en effet , nécessaire à ceux qui
veulent recevoir le corps du Seigneur d'avoir une âme sans péché, un corps pur
et une conscience sans tache pour mériter à la vie.
Ensuite vient l'oraison
Domine, Jesu Christe,
dans laquelle le prêtre demande d'être délivré du péché, d'obéir aux
commandements du Seigneur et de n'être jamais séparé de Dieu.
Après cette
oraison , il faut se rappeler un instant
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la Passion de Jésus-Christ
avec toute la dévotion possible , tin coeur contrit et une conscience sincère.
Le canon de la messe étant
terminé, le célébrant prend la sainte hostie. Parmi les prêtres, les uns la
reçoivent de leur propre main, les autres la prennent sur la patène. Cette
dernière manière nous rappelle la latitude de la charité, car la patène en est
la figure. Pendant ee temps on chante la
communion, qui nous représente la joie des disciples lorsqu'ils s'annoncèrent
mutuellement la résurrection du Seigneur.
Après vient l'oraison qui
signifie que les onze disciples, ayant vu le Sauveur en Galilée, l'adorèrent;
ou bien encore que Jésus prie pour nous dans les cieux en montrant à son Père
les blessures et les souffrances de sa Passion, et que plus tard il se
manifestera de nouveau au monde.
Enfin le Prêtre dit Ite
missa est, et donne la bénédiction au peuple. Par là il nous indique que
le Seigneur viendra au jour de son jugement, que nous le verrons de nos yeux,
qu'il bénira ses élus, et qu'alors ils s'en iront pleins de joie en cette
patrie céleste dont il a été dit : « Il y a plusieurs demeures dans la
maison de mon Père (1). » Que notre Pontife et notre Prêtre suprême
daigne nous conduire à ces demeures bienheureuses
où il vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
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