MISÈRES HUMAINES
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SERMON SUR LES MISÈRES HUMAINES.

1. O homme, composé d'une âme raisonnable et d'une chair humaine, tu es rempli de grandes misères dans ta condition malheureuse ! Homme misérable et infortuné, pauvre, aveugle, nu, soumis à de nombreuses nécessités, rentre dans ton cœur. Pourquoi erres-tu au dehors; que cherches-tu à l'extérieur? Pourquoi ce zèle pour des choses charnelles? pourquoi te mêler aux affaires du siècle ? pourquoi te plonger dans les vanités et chercher tes délices dans ce qui est en bas ? pourquoi t'éloignes-tu des réalités supérieures et inférieures, et te répands-tu à travers celles qui se trouvent hors de toi? Plus tu t'approches du monde, plus tu t'éloignes de Dieu : plus tu es sage au dehors, plus tu deviens insensé au dedans : plus tu gagnes à l'extérieur, plus tu perds à l'intérieur : plus tu erres loin de toi, plus tu t'épuises au dedans : plus tu es occupé de biens temporels, plus tu es indigent des spirituels. Pourquoi, ô homme, quand tu règles tout, n'entreprends-tu pas de te régler toi- même? Prudent pour tout le reste, n'es-tu insensé que dans ce qui te concerne! Tu t'appliques avec sollicitude à rendre bon tout ce qui est hors de toi, et tu souffres d'être toujours inutile et mauvais. L'esprit du Seigneur dort en toi, et l'esprit du monde y veille. La raison est engourdie, les sens sont en pleine activité : l'esprit de Dieu y est abattu, l'esprit du monde y domine : l'amour des biens terrestres brûle en ton cœur, et l'amour éternel est éteint : tu chéris le monde et tu abandonnes Dieu : tu te souviens de tout, et tu t'oublies toi-même : tu désires et tu aimes ce qui est sur la terre, et tu n'as nul souci de ce qui est au ciel : tu te rapproches du trépas, et tu t'éloignes du salut, tu cours vers le démon, et tu fuis loin de Dieu. Reviens, ô homme prévaricateur, reviens à ton cœur, parce que le Seigneur parle le langage de la paix à ceux qui se convertissent et rentrent dans leurs cœurs. Dieu t'a donné tous les biens de ce monde, et toi, tu l'abandonnes pour courir après tous ces trésors. Dieu a tout fait pour toi, et toi tu l'abandonnes pour tout le reste. Pour avoir tout ce qui se présente à toi, tu quittes le Seigneur, mais aussi tout te quitte. Pour la créature tu abandonnes le Créateur, mais aussi toutes les créatures s'élèveront-elles contre toi, parce qu'en offensant leur auteur, tu les as toutes offensées : voilà pourquoi, faites pour te servir et t'être utiles, elles se tourneront contre toi et te puniront en vengeant celui qui les a créées. Un malheur éternel pèsera sur toi parce que tu n'as pas voulu des biens sans fin.

2. Reconnais-toi donc, ô homme misérable, reconnais-toi. Pense que tu as été néant : considère que tu es vil et mauvais ; examine ce que tu seras. Pleure, pleure sans relâche les péchés que tu as commis. Efface par les larmes tes malices et tes misères parce que tu as fait le mal par ta propre volonté. Qu'une pensée te déplaise par dessus toit, sois profondément et continuellement peiné d'avoir osé offenser le Seigneur d'une majesté infinie, qui a le pouvoir sur toute chair, et la puissance de plonger le corps et l'âme dans l'enfer. Que ton cœur soit rempli d'une amertume extrême en pensant que tu as outragé volontairement, avec plaisir et avec joie ce Dieu souverain, père d'une bonté incompréhensible qui est plein de tendresse et de miséricorde pour les ingrats et les méchants. Déplais-toi entièrement à toi-même, afin de pouvoir parfaitement plaire à celui qui est le Dieu souverain, vrai et unique à qui personne ne plait, que celui qui se déplaît, à lui-même, et à qui personne ne déplait que celui qui se plait à lui-même. Le Seigneur disperse, en effet, les ossements de ceux qui plaisent aux hommes (Psal. LII, 6). Et ce qui est grand et beau devant les hommes, est abominable devant Dieu. C'est chose étonnante en toi, ô homme plein de misères , que tu sois pour le mal, tout avide, tout prompt, tout facile, tout sage, tout empressé, tandis que pour ce qui regarde le bien, tu es dur, paresseux, tiède, sot, incrédule et rebelle. D'où te vient cela, sinon de la chair que tu aimes et que tu suis ? En effet, parce que tu aimes la chair, tu la suis : et parce que tu la suis, tu accomplis ses œuvres, et tu seras puni avec elle. Les peines qu'elle produit, sont la passion, la concupiscence, l'envie, l'infirmité, c'est-à-dire la paralysie et la douleur, le ver, la puanteur insupportable et les odeurs les plus fétides.

3. Es-tu aveuglé par les ténèbres de l'ignorance, au point d'ignorer ce que tu es? Tu ne regardes pas où tu vas, tu n'examines pas ce que tu fais, tu ne comprends ni les embûches de l'ennemi ni ses tentatives trompeuses. Tu es tout négligent, tu ne penses pas au but que tu dois atteindre : tu n'en connais pas le chemin, tu ne t'en informes nullement. Or, il te reste une route considérable à parcourir. Tu recherches avec sollicitude la nourriture, le vêtement, le repos et tout ce qui est nécessaire an corps, lorsque tu en as besoin : quant à la vie et au salut de ton âme, laissé à une tiédeur excessive, tu n'en as nul souci, quoique tu en aies toujours besoin, ô homme toujours plein de péché et de malice. Malheureux! pour nourrir un corps misérable, polir rassasier de voluptés cette chair qui, sous peu de jours, sera dévorée par les vers, tu travailles avec empressement, tu cours de côté et d'autre, tu veilles, tes yeux ne goûtent pas le sommeil, tu veux à tout prix remplir ton estomac, et, en ce qui regarde ton âme qui sera présentée à Dieu dans le ciel , pourquoi n'es-tu pas empressé de la nourrir de bonnes œuvres, de la revêtir de vertus, pour que sa nudité ne s'aperçoive pas ? Homme triste à voir, tu cherches toujours à remplir ton corps, pourquoi ne nourris-tu point ton âme qui est affamée ? Toujours occupé d'un vase d'ordures, pourquoi n'as-tu jamais souci de l'image de Dieu? Tu entretiens un être stérile, qui ne te donne pas d'enfants quant à l'âme exténuée de faim, tu ne la rassasies pas de biens. Malheur à toi, car ton âme défaillera d'inanition en toi. Malheur à toi dans le présent et dans l'avenir, parce que si tu rends à César ce qui est à César, tu ne rends point à Dieu ce qui est à Dieu : aussi le Seigneur t'a maudit et te couvrira de confusion.

4. Vois, homme misérable, qu'il n'y a que vanité, folie et démence dans tout ce que tu fais en ce monde, sauf ce que tu fais pour Dieu, en vue de Dieu et pour la gloire de Dieu. Tout ce que tu fais sans Dieu, est malice et vanité : par la raison que rien n'est bon sans le souverain bien. Et c'est une grande misère pour l'homme dé n'être pas avec celui sans lequel il ne peut être. De là vient, ô créature misérable, que tu as été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu; rachetée et délivrée d'une mort honteuse, et éternelle par la charité excessive de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui t'a appelée, par sa seule et inestimable miséricorde, à voir la clarté du Dieu souverain, du Dieu Très-Haut, qui dans sa bonté, t'a invitée par les bienfaits sans nombre qu'il t'a accordés, depuis que tu as commencé d'être, à posséder la vie éternelle par Jésus-Christ, son Fils unique : reconnais, ô homme, l'honneur qui t'est fait, comprends ta dignité, toi qui es l'objet des attentions d'une majesté si élevée. En effet, ce Dieu éternel et immense t'a créé, t'a formé, t'a racheté et t'a invité. C'est un très-grand honneur, c'est un immense amour. Reconnais, dis-je, cette distinction glorieuse, et cours rendre grâces à celui qui t'a invité, dans la crainte que si, par ingratitude, tu refuses de venir, ou qu'une maison de campagne, des boeufs, ou ton épouse t'en empêchent, le Seigneur, dans sa colère, n'ordonne de te couper par la racine , et de te fermer, pour toujours la porte de la vie éternelle. Connais donc, ô homme, l'honneur qui t'est fait, et honore ton Créateur.

5. Mais, hélas! on peut justement dire aujourd'hui: « l'homme, quand il était dans l'honneur, n'a point compris son état : il a été comparé aux animaux sans raison et leur est devenu semblable (Psal. XLVIII, 13). » Certes, il est digne et juste, que n'ayant point voulu être le compagnon des anges, il devienne comme les animaux, et qu'ayant détruit en lui la ressemblance de Dieu, il voie s'attacher à lui l'image et la similitude des animaux! Connais-toi donc, ô homme, vois que tu vaux mieux que les oiseaux, mieux que tous les animaux; ne sois pas semblable aux êtres sans raison, qui ne s'occupent que de la vie présente, qui ne s'attachent qu'aux choses temporelles et charnelles, parce qu'ils n'en connaissent point d'autres. O homme, ne t'asservis pas à la chair, ne sois point l'ami du monde : ne supporte pas d'être le fils du démon, à raison de l'honneur que tu dois rendre à ton Père Très-haut, au Dieu éternel, très-puissant, très-sage et incompréhensible. Pour son nom admirable, ne te constitue pas ton propre adversaire, ne te rends pas homicide de toi-même : pour l'amour du Dieu très-miséricordieux, ne te fais pas l'ennemi du Dieu tout-puissant. Par égard pour Jésus-Christ, son fils unique et bien-aimé, ne t'associe pas aux démons, ne partage pas, avec eux, les flammes éternelles : racheté par le sang très-précieux de l'agneau immaculé, ne prise pas peu le prix si considérable que le Fils de Dieu a daigné payer pour toi, pour t'empêcher d'être plongé dans des feux qui ne s'éteindront jamais. Car alors tu souffriras sans remède une souffrance extrême, tu seras livré sans fin à une douleur inconcevable, et tu seras rempli de tourments. Jamais, néanmoins, tu ne seras soulagé : parce que l'homme qui n'a pas pleuré quand c'était le temps des larmes , sera livré à un deuil éternel, mais sans fruit.

6. Reviens donc vers toi, ô homme, reviens aux choses spirituelles, aux joies célestes et éternelles, reviens, malheureux, reviens vers le Fils : ne tarde pas de te tourner vers celui qui t'a créé par sa puissance et sa sagesse, qui t'a racheté dans son ineffable bonté, qui t'a appelé à lui et t'attend encore chaque jour afin de te couronner. Que cherches-tu hors de lui? Que désires-tu, hormis lui? Qu'y a-t-il qui te plaise sans lui ? Il a tout fait, il possède tout, il est tout. Quelque bien que tu désires, quelque beauté que tu cherches, quelque douceur et quelques déliées que tu réclames, tu trouveras tout en lui, et tu en jouiras en lui. Si tu veux te réjouir, il est la joie : si la lutte te plaît, il est la palme; si tu veux être courons, il est la couronne; si tu veux vaincre, il est la victoire : si tu désires la puissance, il est la puissance; si tu demandes la force, il est la force : si tu soupires après la justice, il est la justice si tu aimes la sagesse, il en est la source : si tu veux la charité, Dieu est charité; si tu cours après les richesses, c'est lui qui est riche : si tu désires avoir la beauté, il est la souveraine beauté : si tu cherches la plénitude de tout bien, c'est lui qui est cette plénitude : si tu souhaites le gloire et l'honneur, il est la véritable gloire et l'honneur souverain, si tu aspires à la paix, il est le repos éternel. Quelque bien que tu peur, suives, il est le souverain bien et tout le bien. De plus, il est tout désirable, toute douceur, toute amabilité, toute suavité, toutes délices. Il est entièrement et toujours présent en tous lieux, où que tu sois sans lui, tu seras mal, et malheureux : et où que tu te trouves avec lui, tu seras bien et bienheureux.

7. En conséquence soumets-toi entièrement à celui qui fa fait dans tout ton être et de qui tu tiens tout, dont à chaque instant tu reçois la grâce. Sers continuellement ce maître qui ne souffre pas que tu reçoives du mal de toutes les choses qui te nuiraient volontiers, telles que les infirmités, les hommes, les bêtes, les démons, et le reste. Sert toujours celui qui ne te laisse pas tomber dans tous les péchés, parce qu'il ne permet pas que tu te fasses tout le mal, que tu t'occasionnes tout le dommage que tu te ferais et t'occasionnerais volontiers. Aime toujours, de tout ton être, le Père, et le Fils et le Saint-Esprit, le seul, le vrai, et souverain bien, qui, toujours et seul, t'aime véritablement et souverainement. Que ta volonté lui soit donc agréable, et que la sienne te plaise toujours. Sois toujours d'accord avec lui : suis ses ordres dans toutes les occasions, lui qui toujours veut ton bien, qui n'a d'autre souci que de te sauver, dont la volonté est si tendrement portée à prendre pitié de toi et qui trouve les délices à te faire du bien. Tu penses sans doute que tu es pour toi-même un grand ami, Dieu est plus ton ami, que tu ne l'es toi-même : par cette raison qu'il t'aime plus que tu ne t'aimes toi-même. Crois-tu que tu trouveras dans un autre un secours plus fort, ou un conseil plus utile? Tu te trompes, si tu le crois. Tu es bien insensé et bien dépourvu de raison, quand tu suis tes propres désirs ou ceux des autres en laissant les conseils de celui qui est toujours un ami doux, sage et pieux, notre lumière et sauveur, et, par dessus tout, notre aide fort et puissant, le père du siècle à venir, et le prince de la paix. Amen.

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