SYNODE
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SERMON (a) ADRESSÉ AUX PASTEURS RÉUNIS EN SYNODE.

Qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais monte par ailleurs, est un voleur et un larron : quiconque entre par la porte, est le pasteur des brebis, etc. (Joan. X, 9). »

1. Mes très-révérends pères et seigneurs, voici les paroles de l'Evangile qui viennent de retentir à vos oreilles, et plût au ciel que tous, vous les eussiez soigneusement comprises ! L'intelligence parfaite est pour ceux qui les pratiquent. Les gens du monde, en jetant les yeux sur leurs miroirs, ont coutume de connaître leur beauté ou leur laideur. Votre miroir est d'une autre sorte, c'est par l'ouïe plutôt que par la vue, que vous y pouvez apercevoir ce qui convient et ce qui ne convient pas: ce qui empêche, ce qui est expédient, les obligations que vous impose votre charge. Votre miroir est le saint Evangile. Considérez; je vous en conjure, non pas le visage que vous portez dès votre naissance, mais votre conduite de chaque jour. Considérez-la, et gardez-vous de la négliger en vous retirant, mais recherchez avec soin, et sondez jusques au fond, votre conscience, pour vous glorifier ou vous effrayer selon le témoignage qu'elle vous rendra. Car, si ce témoignage pour plusieurs est un sujet de gloire, pour beaucoup, il est un sujet de honte. Le saint Evangile sous le nombre de trois personnes renferme tout l'ensemble des prélats; car il nous propose le bon pasteur, le mercenaire et le voleur. Si vous êtes de bons pasteurs, réjouissez-vous, parce que votre récompense est grande dans le ciel. Si vous êtes des mercenaires, craignez, parce que votre péril est grand sur la terre. Mais si vous êtes des larrons, gémissez, votre place est considérable au lieu de la punition, si vous ne vous hâtez de faire pénitence et ne rendez dignement au Seigneur le vœu que vous avez fait. Vous surtout qui êtes placés autour du Seigneur, qui apportez des présents sous ses yeux et offrez, non de l'or et de l'argent corruptibles, mais le corps et le sang précieux de l'agneau immaculé. Quelle dignité Dieu vous a conférée ! Quelle est la prérogative qui

a De quelque auteur qu'il soit, il est élégant et mérite d'être lu.

distingue votre ordre ! Le Seigneur vous a placés au dessus des rois et des empereurs; il a mis votre tribu au dessus de toutes les autres, que dis-je il a fait plus encore, il vous a placés avant les anges et les archanges, avant les Trônes et les Dominations. De même, en effet, que pour accomplir la rédemption il a pris, non les anges, mais les enfants d'Abraham (Heb. II, 16), ainsi ce n'est point aux anges, c'est aux hommes et aux prêtres seuls qu'il a confié la consécration du corps et du sang du Seigneur. « Tous les anges, » comme l'enseigne l'Apôtre, « sont des esprits administrateurs, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui reçoivent l'héritage du salut (lbid. I, 14). » Mais votre office est de beaucoup plus excellent, il est admirable, non-seulement à vos yeux mais même aux yeux des anges.

2. Voilà les temps fort malheureux que prévit l'apôtre saint Paul, ces jours où les hommes ne supportent pas la saine doctrine, mais ont recours à une foule de docteurs selon leurs fantaisies, se détournent de la vérité et se tournent vers les fables et les vanités de ce siècle. Voilà, dis-je, les derniers temps, dans lesquels la charité se refroidit et l'iniquité de plusieurs abonde. Pourquoi tiens-je ce langage? Parce que, ainsi que nous l'avons entendu, le saint Évangile décrit trois personnes, ou pour parler plus justement, trois espèces de docteurs. La première espèce renferme une certaine partie, chacune des deux autres renferme une quantité considérable et nuisible de pasteurs, mais leur nombre les défend. Dans la première espèce seule abonde la charité, elle se refroidit entièrement dans les deux autres, parce que l'iniquité y abonde. Vous avez entendu les qualités propres à chaque espèce. Le «bon pasteur » est celui qui donne sa vie pour ses brebis : le « mercenaire. » est celui qui voit venir le loup et s'enfuit : «le voleur » est celui qui égorge et tue. Le bon pasteur ne cherche point à faire sa propre volonté, mais il se propose l'avantage de son Seigneur. C'est pour lui seul qu'il garde sa foi, c'est lui qu'il honore, pour lui qu'il travaille. Il recherche la gloire de son maître, non la sienne propre. Au roi immortel des siècles, invisible, à Dieu seul, honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen (I Tim. I, 47). Donnez, Seigneur, la gloire à votre nom, qu'elle ne soit pas pour nous (Psalm. CXIII, 9). A nous, dans notre misère, accordez le pardon et la grâce, gardez la gloire pour vous, car c'est de vous que vient le pardon des péchés et la grâce des mérites. Durant tout le temps de sa gestion, le bon pasteur a en vue non ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ, ce qui est le propre caractère de la charité. Par conséquent, si parfois il manque, la charité couvre la multitude de ses péchés (I Petr. IV, 8), et il a un avocat dans les cieux, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est victime de propitiation pour nos péchés (I Joan. II,2).

3. Le mercenaire (ainsi que nous l'avons dit) est celui qui voyant venir le loup, prend la fuite. Il cherche donc ses propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ, autrement, il ne fuirait certainement pas, il dé penserait plutôt ses biens et se donnerait lui-même, par-dessus le marché avant d'abandonner son troupeau aux ravages des ravisseurs. Il y a beaucoup de mercenaires que, dans la prospérité, on ne peut pas facilement discerner des bons pasteurs; car ils ont beaucoup de caractères communs avec eux. En effet, ils sont entrés dans le bercail par une élection sans défaut: ils aiment et cherchent la paix de l'Église, ils s'emploient avec courage et succès dans les affaires ecclésiastiques ; ils ne refusent pas les fardeaux de leur charge; mais tout cela, parce qu'ils ambitionnent la gloire et l'honneur Ils aiment en effet à occuper les premières places dans les repas, à être salués sur la place publique, et à recevoir le titre de maître (Matt. XXIII, 6). Mainte fois aussi ils se nourris sent du pain des larmes et s'abreuvent du vin de la componction au souvenir de leurs péchés, ainsi que l'atteste le fils plus jeune, qui dissipa tout son patrimoine en vivant avec désordre dans une région éloignée; aussi s'écria-t-il : « Que de mercenaires dans la maison de mon père ont du pain en abondance (Luc. XV, 17) ! » Si les mercenaires ont du pain en abondance, les ouvriers qui travaillent périront-ils de faim? Je parle des ouvriers qui sont d'autant plus chers au ciel, qu'ils sont plus rares sur la terre. La vérité se plaint de leur petit nombre en ces termes : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux (Luc. X, 2). » Oui, la moisson est abondante, et les prêtres sont nombreux, mais les mercenaires sont en majorité, et les travailleurs sont rares. Ils sont rares et à l'abri de la confusion, ces ouvriers qui jettent les yeux sur Jésus l'auteur et le consommateur de notre foi, ne scandalisent point par l'exemple d'une conduite mauvaise ceux qu'ils instruisent par une prédication sainte, prédication d'autant plus efficace qu'ils prêchent par les actions plus que par les paroles.

4. Il est à remarquer que l'enfant prodigue ne dit pas : prenez-moi pour un de vos mercenaires, mais: «Faites-moi comme l'un de vos mercenaires,» afin que son Père lui donne les faveurs qu'il leur communique actuellement. Le Psalmiste dit : « il les a nourris de la graisse de froment (Psalm. LXXX, 17). » Quels sont-ils ceux-là? Ecoutez ce qui est dit un peu auparavant : « Les ennemis du Seigneur lui ont menti.» Voilà ceux qu'il a nourris de la graisse du froment et de miel. Quels sont-ils ceux-là? Ce sont les mercenaires qui, bien que croyant pour un temps, se retirent néanmoins quand la tentation est venue (Luc. VIII, 13). Par où l'on voit qu'ils sont amis du monde. Or, celui qui aime ce monde, devient l'ennemi de Dieu (Jac. IV, 4). Ils cherchent aussi leurs intérêts, non ceux de Jésus-Christ, et, s'ils ne cherchent pas ce qui est à lui, ils ne sont pas avec lui (Philip. II, 21). Mais ceux qui ne sont pas avec lui, sont contre lui, car il a dit lui-même : « Quiconque n'est point avec moi est contre moi (Luc. XI, 23). » Or ceux qui sont contre lui sont ses ennemis. Par leur extérieur, ils mentent au Seigneur touchant leur intérieur. S'ils prêchent comme il faut, et vivent purement, ils parlent pour ainsi dire le langage de la pureté d'intention; en sorte qu'ils sont du parti de Dieu et que tout ce qui est en eux bénit son nom qui est saint, quand ils recherchent non Dieu, mais le monde, non le Seigneur, mais eux-mêmes. Ils mentent donc à ce grand maître plutôt qu'aux hommes, et c'est à sa confusion que tournent tant de grâces qu'il a accordées, grâces par lesquelles s'acquiert, non l'honneur de Dieu, mais l'honneur de l'homme ; ce qui tourne au profit de la cupidité et non à celui de la charité. Aussi l'ouvrier, à l'abri de la confusion, demande, non deux choses seulement, mais trois : parce qu'un triple lien se rompt difficilement (Eccli. IV, 12). Il ne sollicite ni la discipline ni la science, que les mercenaires peuvent aussi avoir; mais il dit: « Apprenez-moi la bonté, la discipline et la science (Psalm. CXVIII, 66), » trois choses, qui ne se trouvent que dans les véritables enfants. A quoi servirait, en effet, d'avoir la discipline dans la conduite et la science dans la prédication, si l'on n'avait pas la bonté dans l'intention? Nulle part il n'est écrit que l'obéissance de la chair ou que la science de la raison suffisent, mais c'est assez de la bonne volonté. La volonté étant guérie et saine, la mortification de la chair, par la discipline, sera utile et digne de récompense, aussi bien que la lumière de la raison par la science.

5. C'est donc pour les raisons que nous avons indiquées plus haut et pour d'autres semblables, que nous avons dit que, dans la prospérité, le mercenaire ne peut facilement se discerner du bon pasteur. En effet, tant que la sécurité de la paix lui sourit, l'infirmité de son intention se trouve comme dérobée aux regards. «Il n'est rien de caché qui ne soit découvert (Matth. X, 26 ). La fournaise éprouve le vase du potier. »Quand le vent de l'adversité se met à souffler, aussitôt les œuvres révèlent ce que l'intention avait de défectueux. « Il voit venir le loup et prend la fuite (Joan. X, 42). » Quels sont ces loups? Les tyrans et les larrons du siècle, qui, entraînés par leur propre concupiscence, ou poussés par leur malice naturelle, envahissent les églises, ravagent la bergerie du Christ, dépouillent les veuves et les orphelins, expulsent les pauvres, blasphèment le Seigneur dans leurs actions. Mais si, après avoir consommé leurs rapines et ravagé les églises, ils voient briller le glaive de la vengeance, ils accourent pleins de caresses ou de menaces. Alors le mercenaire prend la fuite, poussé par l'amour de qui le flatte ou par la crainte de qui le menace. D'où fuit-il? Du droit chemin de la justice, de la défense de l'Église, de la délivrance de la patrie, de la protection des pupilles et des veuves. Où va-t-il? Il va garder ce qu'il possède, ou, pour parler plus juste, vers les biens qui le possèdent, c'est-à-dire vers ses trésors, ses greniers, ses celliers, qu'il ne conserve point pour les pauvres, mais que les voleurs dégarniront ou que le feu consumera. Un homme a ses parents dans une province soumise à des tyrans, il flatte les ravisseurs dans l'intérêt de ses proches qui, pour avoir la paix et pour prospérer au milieu des tyrans, laissent opprimer l'Église et fouler aux pieds la justice.

6. Que dirai-je des voleurs? Les voleurs ce sont les hérétiques. Oui, ce sont eux, ces brigands et ces larrons « qui viennent sous les vêtements de brebis, mais au-dedans sont des loups dévorants (Matth. VII, 15). » Or tous ceux qui sont venus, sont des voleurs et des larrons; des voleurs s'ils nuisent aux autres en secret; des larrons s'ils exercent au grand jour leurs cruautés. Les hérétiques répandaient dans le peuple leur fausse doctrine, ils obscurcissaient, par leurs dogmes impurs, la foi catholique, et induisaient en erreur les âmes simples. Je crois qu'il n'y a pas d'hérétique parmi vous. Vous croyez tous en un Dieu un et trinité, qui a souffert, a été enseveli, est descendu aux enfers et monté aux cieux. Cette foi fait-elle seule le catholique? Les démons, en ce cas, seraient catholiques, car, comme le dit saint Jacques, « ils croient et tremblent (Jac. II, 19). » La foi qui fait le catholique, ce n'est point la foi commune aux démons et aux hommes, mais celle seulement qui est le partage des hommes et des anges. Quelle est-elle? c'est celle qui opère la charité, celle dont l'Apôtre a dit: « Ni la circoncision ni l’incirconcision ne valent, mais bien la foi qui opère par la charité (Gal. V, 6). » Il était animé lui-même de cette foi, lorsqu'il s'écriait: « Tandis que nous en avons le temps, opérons le bien envers tous, principalement envers les domestiques de la foi (Ibid. VI, 10), » non envers ceux du siècle. Avez-vous cette foi? Plaise au ciel que vous l'ayez. C'est elle qui triomphe du monde, car «la victoire qui vainc le siècle, c'est notre foi (Joan. V, 4). » Dirai-je que vous subjuguez le monde ou que le monde vous subjugue? Je vois vos églises maltraitées; les unes sont à demi détruites, les autres tout-à-fait renversées: je vois les bourgs livrés à la solitude, les campagnes plongées dans le silence et le ravage partout : dans les soldats je trouve l'insolence, dans les hommes la désobéissance, chez tous le manque de sagesse. Vous supportez néanmoins volontiers des insensés de ce genre, lorsque peut-être vous êtes sages vous-mêmes (Cor. XI, 19). Vous souffrez, en effet, qu'ils vous réduisent en servitude, qu'ils vous dévorent, qu'ils vous saisissent, qu'ils s'élèvent au dessus de vous, que même, parfois, ils vous frappent au visage, ou que, après vous avoir jetés en prison, ils vous épuisent par des rançons d'argent. Supportez-vous tous ces maux afin de posséder votre âme dans la patience ? Cette vertu vous est, en effet, nécessaire, pour accomplir la volonté de Dieu, et recueillir des fruits dans la joie. Tolérez-vous ces afflictions en vue de vous soumettre à la volonté du Seigneur ? Non certainement : si vous les subissez, c'est pour contenter votre volonté propre, pour satisfaire plus librement les désirs de votre chair, pour pourvoir plus facilement aux besoins de vos enfants et de vos parents, pour habiter les terres des tyrans avec leur assentiment, exploiter leurs forêts et cultiver leurs campagnes. Voilà pourquoi vous caressez les princes et les puissances des ténèbres, soit hommes, soit démons. Vous flattez les hommes, parce que vous parlez selon leur bon vouloir, vous liez et déliez les âmes au gré de leurs caprices. Ils sont à demi évêques, à demi archidiacres, plus que cela, pour dire le fait (sans offenser personne), ils sont au dessus des évêques, au dessus des archidiacres, au dessus des prêtres : et ceux qui ont le pouvoir portent avec vérité aujourd'hui le titre de « bénéficiers. » Vous caressez les démons, parce que, en vos cœurs, vous les rendez semblables au Très-Haut. « Je placerai, » dit Satan, « mon siège à l'Aquilon » et « serai semblable au Tout-Puissant, (Isa. XIV, 13), » C'est cet esprit infernal, le roi de tous les fils de l'orgueil, qui, par le froid de son iniquité, a congelé votre âme ; semblable au fort armé qui garde son foyer, il trône en paix sur la chaire. de votre volonté où le Très-Haut devrait être assis. « Paix aux hommes sur la terre, » est-il dit (Luc. II, 14), mais à quels hommes ? est-ce à ceux qui ont une grande science ? une grande noblesse? Nullement ; mais à ceux « qui sont de bonne volonté.» Et là où est la paix, Dieu se trouve, car sa place est dans la paix (Psal. LXXV, 2). D'où il résulte clairement que la bonne volonté est son trône. Celui donc qui au dedans est habité, non par le Seigneur mais par le démon et se trouve soumis au dehors aux tyrans et aux ravisseurs, vainc-t-il le monde ? Non, il est plutôt vaincu par le monde, par l'esprit infernal, par sa propre chair. Il est plongé dans un limon profond, il n'y trouve pas de base solide, et il n'a pas le pouvoir de s'en tirer lui-même. (Psalm. LXVIII, 3).

7. Seigneur Dieu des vertus, excitez votre puissance et venez nous tirer de ce lac de misère, et dé cette boue infecte. Tendez la main à l'œuvre de vos mains. Tirez nos âmes de la prison, que désormais elles n'obéissent plus au monde, mais qu'elles célèbrent votre saint nom. Laissez-vous fléchir par vos officiers qui doivent rendre compte de vos brebis. Venez Seigneur, ne tardez pas. Le démon est furieux, l'ennemi du genre humain est dévoré de rage, car il sait qu'il lui reste peu de temps. Nous avons la foi, mais sans les œuvres, cette vertu est morte et nous sommes morts avec: elle. Augmentez-la en nous, afin qu'elle opère par la charité dans la personne de vos vicaires, pour que, à leur commandement, les montagnes soient transportées, et les démons chassés des âmes qu'ils obsèdent, et que ces esprits malins soient chassés loin d'elles, plutôt que de les voir plongées elles-mêmes avec eux, dans le feu éternel. Augmentez en nous la foi, je le répète, parce que la victoire qui triomphe du' monde, c'est notre foi (I Joan. V, 4). Par elle, les saints ont vaincu les royaumes, ils ont arrêté l'impétuosité du feu, ont émoussé le tranchant du glaive, et se sont fortifiés dans leur infirmité (Heb. XI, 33). Partout le feu dans nos contrées, partout le glaive. Pourquoi ne pratiquez-vous point la justice? Pourquoi n'éteignez-vous pas ces flammes? Pourquoi n'écartez-vous pas le tranchant du glaive? Pourquoi ? La raison en est facile à trouver. C'est parce que vous cherchez à plaire, non à Dieu, mais aux hommes. D'où vient que saint Paul s'écrie : « Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas le serviteur de Jésus-Christ, (Gal. I,10). » Vous ne vous fortifiez pas par votre infirmité, mais votre engourdissement vous maintient dans la torpeur, vous ne pouvez point faire justice des malfaiteurs. Pourquoi? Parce que votre force est sans vertu, car le Seigneur dissipe les os de ceux qui plaisent aux hommes (Ps. LII, 6) . La chair est faible, mais les os sont forts. Il a donc dissipé les os, c'est-à-dire la force de ceux qui cherchent à plaire aux hommes. Ils ont été couverts de confusion, parce que Dieu les a méprisés (Ibid.), et vous avez été plongés dans la honte en vos actes ; vos dignités ne vous honorent pas, elles vous chargent, parce que Dieu vous a méprisés. Le Seigneur, en effet, a ressenti du dédain pour tous ceux qui s'écartent de ses jugements (Psal. CXVIII, 148). Vous avez la foi, mais je vous invite aux œuvres, vous surtout qui êtes les vicaires de Jésus-Christ, les pasteurs des âmes, obligés à instruire les autres, et non à les renverser. Oui, vous surtout : parce que vous ne pouvez pas périr seuls, et que, par vos discours et vos actions, vous devez marcher à la tête du troupeau. Plusieurs sont catholiques en parole, et hérétiques en actions. Ce que les hérétiques faisaient parleurs doctrines perverses, plusieurs le font aujourd'hui par leurs mauvais exemples. Ils séduisent le peuple, ils l'induisent en erreur, ils sont d'autant plus dangereux en comparaison des hérétiques que les œuvres ont plus de poids que les paroles.

8. Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, n'est-il pas sorti de son secret, pour venir vers votre public? N'est-il pas descendu du ciel en terre, afin de persuader aux hommes, par sa prédication et sa vie, le mépris du monde ? N'êtes-vous pas ses vicaires? Ce qu'il a prêché ne devez-vous pas le prêcher; réfuter ce qu'il a combattu et inculquer ce qu'il a persuadé? C'est à cause du nom de Christ, que vous êtes appelés chrétiens. Ne devez-vous pas vivre comme il a vécu? Il en doit être entièrement ainsi, à moins que vous ne soyez plus savants ou plus saints que lui. Dites-nous donc, archidiacres, dites-nous, prêtres, et vous évêques dites-le-nous aussi, que fait l'or sur vos brides et sur vos selles? A quoi servent tant de luxe dans les vêtements, ces recherches superflues dans les aliments ? La nourriture est pour le ventre, et le ventre pour la nourriture; et Dieu détruira fun et l'autre (I Cor. VI, 13). Il avait aussi un grand luxe dans ses vêtements, et une table chargée de mets recherchés, ce riche dont parle l'Évangile, qui était revêtu de pourpre et de soie, et qui faisait chaque jour de splendides repas. Il mourut cependant, et fut plongé dans l'enfer(Luc. XVI, 22). O sombre, exécrable, terrible tombeau! là se trouvent les pleurs et les grincements de dents, les eaux des neiges fondues, le ver qui ne meurt pas, le feu qui ne s'éteint jamais. Voilà le sépulcre qui reçut le riche, mais le sein d'Abraham s'ouvrit pour le pauvre Lazare. Quel est l'homme sage? il gardera cela (Psalm. CVI, 43). L'insensé ne le connaîtra pas, et celui qui est dépourvu de sens, ne le comprendra pas (Psalm. XCI, 7). Parmi les laïques, quel est celui, je vous le demande, qui cherche avec plus d'avidité les biens temporels que le clergé, et fait un usage plus inepte des possessions qu'il a acquises? En voyant un si grand faste dans ce qui est à l'usage des clercs, ne sont-ils pas excités à aimer le monde, plutôt qu'à le dédaigner ? Médecin, guérissez-vous vous-même, si vous prêchez le mépris du monde, méprisez le monde tout les premiers, et par là vous engagerez plus efficacement les autres à le mépriser. Donnez à votre enseignement l'accent de la force. Que votre vie s'accorde avec vos discours, et dès ce moment la parole de Dieu sera vive, en votre bouche, efficace et plus pénétrante qu'un glaive à deux tranchants (Hebr. IV, 12). Mais il n'en est pas de la sorte, tel peuple, tel prêtre, tel laïque, tel clerc. Tous désirent, tous aiment le monde, et ce qu'il y a dans le monde, avec cette différence cependant, que le laïque veut posséder le monde avec travail, et que les clercs le veulent avoir sans fatigue aucune : ils veulent avoir part à ce qui fait l'objet de la cupidité des hommes et à leurs vanités, mais ils ne veulent point souffrir avec les hommes. Aussi est-il à craindre qu'ils soient punis avec les démons.

9. Comment les séculiers ne dépenseraient-ils pas leur fortune, en menant une vie déréglée, même en présence des prêtres? Comment ne rechercheraient-ils pas les vanités, et ne céderaient-ils pas aux attraits du monde? Comment ne seraient-ils point superbes et hautains, en voyant dans les clercs un faste et un orgueil si extraordinaires? N'est-il pas vrai que sous leurs feux vous abusez, sans retenue, des aumônes des pauvres? Vous ne tenez pas registre du patrimoine du Christ dans vos églises, vous en nourrissez des concubines dans vos appartements, vous en engraissez des chiens, en ornez des chevaux plue vous couvrez de beaux harnais et dont vous chargez la tète d'or. « Oui, véritablement les pierres du sanctuaire ont été dispersées au sommet de toutes les places (Thren. IV, 1). » Ces places sont spacieuses, larges, ainsi que la voie qui conduit à la mort. Les pierres du sanctuaire, c'est-à-dire les prêtres sont à la tête, c'est-à-dire à l'entrée des larges avenues ; car, par leurs mauvais exemples, s'ils apprennent aux peuples à entrer dans les chemin qui mènent à la perdition, et les font tomber au fond des enfers. La douleur du chef se fait sentir aux membres. Or, les prêtres sont les chefs des peuples. « Toute tête languit, et tout cœur est chagrin (Isa. 1, 5). » Les prélats de l'Église languissent dans leurs cupidités. Et comme la langueur est dans la tète, le chagrin s'élève dans les cœurs. Par cœur de l'Église, il faut entendre les religieux qui, comprenant la grandeur de leur profession, ne regardent ni la volonté ni les folies mensongères du monde ; on ne peut pas les comparer aux animaux sans raison, et ils ne leur deviennent point semblables. Ils ne cessent point de pleurer tant que dure la nuit du malheur des temps où la cupidité s'accroît, et la charité se refroidit chez les prélats de l'Église.

10. C'est avec raison que la sainte Eglise crie aujourd'hui : « Voici que dans la paix se trouve la plus grande de mes amertumes (Isa. XXXVIII, 17). » La persécution que souffre aujourd'hui la sainte Église est grande, plus grande qu'on ne le pourrait croire ; depuis le commencement, on n'en a point vu de pareille. Le démon l'a attaquée de bien des manières, mais jamais il ne l'a fait d'une manière plus terrible que de nos jours, car jamais les chrétiens ne se perdirent davantage, jamais on ne transgressa avec plus de liberté et avec plus de hardiesse les préceptes divins. Quand l'Eglise débutait, l'esprit l'attaqua par la rage des tyrans; quand elle progressait, il la persécuta par les hérétiques; aujourd'hui qu'elle est florissante et joyeuse, il veut la perdre en lui faisant éprouver des mouvements désordonnés. Il y a trois choses dans l'homme la raison, la volonté, les sens. A la raison de juger, à la volonté de désirer, à la chair d'obéir. Il a donc tourmenté la chair dans les martyrs ; il a troublé la raison dans les simples ; mais aujourd'hui, il déprave en général la volonté chez tous. L'amertume de l'Église fut donc grande durant la persécution des tyrans, elle fut plus grande durant les attaques habiles des hérétiques, mais aujourd'hui, elle est très-grande à cause des désirs mauvais qui se font sentir. Malheur à ceux qui disent : paix, quand il n'y a pas de paix. L'Église jouit de la paix de la part des étrangers : mais des enfants mauvais, des fils pervers exercent leur malice contre elle : ils arrachent les entrailles de leur mère pour s'enfanter eux-mêmes à l'honneur. Partout, elle a la paix au dehors, mais au dedans elle la goûte de bien peu de personnes ; car nulle part ou presque nulle part, la volonté n'acquiesce au jugement de la raison; elle la captive au contraire sous la loi du péché : attendu que si dans le jugement se trouve une raison saine, dans le désir, se rencontre une volonté perverse; c'est là, en effet, ainsi qu'il a été dit plus haut, que réside le démon qui a voulu imiter aussi le Très-Haut.

11. Justes, réveillez-vous, expulsez le démon, et purifiez la demeure de Dieu, parce que la justice et le jugement sont la condition de son trône. Vos iniquités l'ont contraint à sortir de son temple. Ramenez-le dans son sanctuaire. Or, le temple de Dieu est saint, et c'est vous qui êtes ce temple ( I Cor. III, 17). L'âme du juste est le temple et la demeure de Dieu. Le Seigneur fait éclater des prodiges dans son sanctuaire et y rend des oracles. Qu'il y vienne donc ce dominateur que vous cherchez, afin que, par son secours, vous puissiez dominer vos désirs charnels et résister aux attaques du démon. Vienne l'ange du Testament après lequel vous soupirez, qu'il vous annonce sa volonté et vous assure la possession de l'héritage qui vous a été promis. Que ses parents, je veux dire son père, sa mère et ses frères le conduisent dans son temple. Quels sont ces parents? qu'il nous réponde lui-même « Quiconque aura fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon père et ma sœur (Matth. XII, 50); » son Père, en l'engendrant par la parole de la prédication ainsi que l'Apôtre l'enseigne : « Je vous ai enfantés en Jésus-Christ par l'Évangile (I Cor. IV, 15); » sa mère, en l'enfantant par l'exemple d'une sainte vie; son frère et sa sœur, en l'aimant chastement d'un amour fraternel. Vous êtes ou vous devez être ces parents-là. Le peuple vous a établis médiateurs entre Dieu et lui, afin que Dieu nous parle et que vous lui parliez. Voilà pourquoi les fidèles vous font des aumônes, vous donnent des prémices, c'est pour que vos prières et vos mérites leur rendent le ciel favorable et les conduisent vers le maître qui l'habite. Mais comment apaiserez-vous pour les autres, celui que vous offensez vous-mêmes? Votre prière n'est pas pure aux yeux du Seigneur. Cherchez donc les parents de Jésus-Christ, qui vous l'amènent et l'introduisent dans son temple. Cherchez ceux qui accomplissent du fond du cœur, la volonté de Dieu, qui ont prisé la vie du monde, qui châtient leurs corps et les réduisent en servitude, afin de plaire ainsi non aux hommes, mais au Seigneur.

12. Sachez non-seulement recevoir mais distribuer les aumônes. « Faites-vous des amis du trésor d'iniquité (Luc. XVI, 9). » Ne parlez pas seulement, mais « opérez le bien à l'endroit de tous (Eph. X, 10), » et, ainsi que s'exprime l'Apôtre, « ne perdez pas de vue la bienfaisance et l'aumône : c'est par de telles hosties que l'on mérite Dieu lui-même (Hebr. XIII, 16). » Que ces hosties introduisent donc Jésus dans son temple par la justice, et l'y conduisent par le jugement. Ouvrez-lui les portes de la justice, sinon il n'entrera pas en vous. Aimez la justice vous qui jugez la terre. (Sap. I, 2). C'est à vous qu'il appartient de juger, car vous êtes les sénateurs du monde entier. Aimez donc la justice, et jugez avec équité, ô enfants des hommes. (Psal. LVII, 1). Pourquoi hésitez-vous à saisir la discipline? Abstenez-vous de vos œuvres mauvaises, possédez et pratiquez la justice : car « celui qui est continent dans la justice, » la saisira et elle se portera à sa rencontre comme une mère honorée (Eccli. XV, 1). » Sans la justice, les états ni les plus petites maisons ne peuvent subsister. Pourquoi redoutez-vous les princes et les puissances des ténèbres? Pourquoi vous soumettez-vous à eux ? vous voulez être exaltés sur la terre, être élevés au milieu des nations? Embrassez et pratiquez la justice. Embrassez-la en vous retenant vous-mêmes? pratiquez-la, en justifiant les humbles et les pauvres; c'est alors, n'en doutez pas, que vous serez exaltés dans la justice; car le Psalmiste a dit : « et ils seront exaltés en votre justice (Psal. LXXVIII, 17). » Quels sont-ils ceux-là? « Bienheureux », c'est-à-dire, le « peuple qui tonnait la jubilation ». Dans les chants de jubilation il y a plusieurs voix qui résonnent d'accord. Ils connaissent donc l'allégresse ceux qui savent procurer la paix aux nations, délivrer le peuple de Dieu, et conserver les hommes unis dans le lien de la paix. Ceux qui agiront ainsi n'erreront point, Seigneur. dans les ténèbres de ce monde, mais « ils marcheront à la lumière de votre visage : « ils tressailleront, non dans leur visage, mais à l'éclat de votre face : ils seront exaltés, non par l'amitié des tyrans, mais dans votre propre justice. Si vous pratiquez cette vertu, vous craignez peut-être d'être foulés par les lions, mais Daniel dans sa fosse, au milieu de ces animaux, vous crie : « ils ne m'ont point fait de mal (Dan. VI, 22). » Pourquoi? Parce que « lg justice a été «trouvée en moi devant Dieu (Ibid.) Votre droite est remplie de justice (Psalm. XLVII, 22) ». Par « droite » on entend. les biens spirituels; par « gauche », les temporels. Dans la droite du Seigneur est la longueur des jours, dans sa gauche se trouvent et les richesses et la gloire. Au jugement les boucs à qui il a accordé sur la terre la gloire, et les richesses seront placés à sa gauche; mais à la droite de l'Agneau, se rangeront ceux pour qui a été préparée la longueur des jours. Ne soupirez point après les présents de sa main gauche, parce que ceux qui désirent la gauche en ce siècle, seront mis à sa gauche au jour du jugement. Attachez-vous à sa droite, afin d'être assis sur le siège de ceux qui jugeront; et, dans la vie présente, abaissez les têtes superbes et hautaines, non par votre propre vertu, mais par la force de cette droite divine; parce que la droite du Seigneur a fait éclater sa puissance. (Psalm. CXVII, 16).

13. Vous voulez cependant recevoir de sa main deux biens à la fois, les spirituels et les temporels? «Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice (Matth. VI, 33), » voilà pour la main droite : « et tout cela vous sera donné par surcroît, » voilà pour la gauche. « Cherchez d'abord le règne de Dieu » afin que Dieu règne et habite dans votre âme. Ensuite « sa justice », afin que le peuple demande et recueille la loi de vos lèvres: et l'abondance des mérites sera pour vous la source d'une glorieuse récompense que l'œil n'a pas vue, etc., en même temps que, en outre, vous recevrez les biens temporels, parce que la gloire et les richesses sont dans sa maison (Psalm. CXL, 3). Dans la maison de qui? évidemment dans la maison de la génération juste, dont il a été dit plus haut : « la race des justes sera bénie. » Bénie dans la prédestination, elle l'est dans la justification, et le sera dans la glorification. La bénédiction du Seigneur est sur la tête du juste (Prov. X, 6) : parce que la miséricorde du Seigneur est éternelle par la prédestination, et dure éternellement par la glorification (Psalm. CII, 17). Pratiquez donc la justice, non pas cependant selon votre caprice, mais selon le jugement. Car la justice et le jugement sont l'appui de son trône (Psal. XCVI, 2). Si vous faisiez le jugement seulement, sans avoir l'autorité, vous ne seriez que des juges non pas des justificateurs et vous ne pourriez point faire la justice. C'est pourquoi celui qui vous a donné de faire le jugement vous a donné aussi l'autorité, comme le prophète l'annonça à l'avance : «ils jugeront les nations et domineront sur les peuples (Sap. III, 8). » Les prélats ont une double autorité. Ils ont les clefs de l'Eglise, au moyen desquelles ils ferment et personne n'ouvre ; ils ouvrent et nul ne ferme. Ils possèdent des juridictions séculières parce qu'ils sont Seigneurs des villes et des bourgs. Ils ont non-seulement des évêchés, mais encore des consulats, en sorte qu'on peut leur appliquer avec raison ces paroles. qu'ai-je faire de plus, que je n'aie pas fait? mais ce qui leur a été donné comme un aide leur est devenu un sujet de scandale et de ruine (a).

a Il parait manquer quelque chose à ce sermon.

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