VIE ET PASSION
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SERMON SUR LA VIE ET LA PASSION DU SEIGNEUR.

Trithème, Bellarmin et autres l'attribuent à saint Anselme et lui donnent le titre : d'aiguillon d'amour. Certainement, il ne présente pas le style de saint Bernard; on ne le trouve pas dans les anciens manuscrits, ni dans la première édition de Lyon, faite sous le nom du saint docteur.

1 Chrétiens, vénérons, en lui rendant les honneurs divins, Jésus de Nazareth, condamné injustement par les Juifs, crucifié par les Gentils. Glorifier avec respect, embrasser avec amour, imiter avec courage les Souffrances du Sauveur, c'est chose digne, salutaire et honorable. Ces faiblesses sont, en effet, les instruments vigoureux, au moyen desquels la vertu toute-puissante et la sagesse insondable de Dieu a opéré, par un effet éclatant et merveilleux, la restauration du monde et l'opère encore. Le Seigneur Jésus-Christ a été placé au dessous des anges pour nous égaler à eux. Et qui ne s'humilierait pour l'amour de Jésus ? Il a été crucifié, et il a adouci, pour ceux qui l'aiment, l'amertume de la croix. Il est mort, il a tué la mort afin que nous vivions par lui. Qui n'aimerait notre Seigneur ? qui ne souffrirait pour lui ? Par l’ignominie de l'instrument de son supplice, il arrive à la gloire de la clarté céleste et, à cause du respect qui lui est dît, Dieu le Père lui a donné toute puissance au ciel et sur la terre, en sorte que tous les anges de Dieu l'adorent, et qu'au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les enfers.

2. Où est le titre de votre gloire, ô chrétien, si ce n'est dans le nom de votre Dieu crucifié et dans le nom du Christ, qui est au dessus de tout nom, en qui celui qui est béni sur la terre, sera béni dans le ciel? Placez votre honneur, dans le nom du Rédempteur, et rendez hommage à notre Sauveur qui a fait pour nous, de grandes choses, exaltez son nom avec moi et dites : Nous vous adorons, ô Christ; roi d'Israël et dés nations, prince des rois de la terre, Seigneur Dieu des armées, vertu très-forte du Dieu tout-puissant. Nous vous adorons, vous qui êtes la rançon précieuse de notre rédemption, hostie pacifique, qui, par la seule senteur de votre suavité inestimable, avez porté le Père qui habite les hauteurs des cieux à regarder ce qui était en bas et l'avez aussi rendu favorable à ses enfants. Nous prêchons vos miséricordes, ô Christ, nous rappelons de toutes nos forces en notre esprit la pensée de vos douceurs. Nous vous offrons un sacrifice de louange, pour la grandeur des bontés que vous avez eues pour nous, race, perverse, fils coupables et perdus. Seigneur, lorsque nous étions encore vos ennemis, lorsqu'une mort cruelle exerçait son empire sur toute chair, tout enfant d'Adam lui était soumis a raison de la faute primordiale, vous vous êtes souvenu de votre parole de bienveillance et de votre habitation élevée, vous avez abaissé vos regards sur cette vallée de pleurs et de misères. Vous avez vu l'affliction de votre peuple et touché au dessus de la tendresse de votre amour, vous vous êtes attaché à avoir sur nous des pensées de rédemption et de paix.

3. Vous étiez fils de Dieu, Dieu véritable, coéternel et consubstantiel à Dieu le Père et au-Saint-Esprit, habitant une lumière inaccessible, portant toutes choses par la parole de votre puissance, et vous n'avez pas dédaigné d'abaisser votre hauteur dans cette prison de notre mortalité, pour y goûter et absorber nôtre misère et nous y rétablir conformément à votre état glorieux. C'était peu à votre charité d'employer pour consommer l'œuvre de notre salut, un chérubin ou un séraphin ou l'un de vos anges : vous avez daigné venir vous-même à nous, d'après les ordres de votre Père, dont nous avons goûté en vous, l'excessive bonté. Vous êtes venu, dis-je, sans changer de lieu, mais en nous montrant votre présence dans la chair. Du trône royal de votre gloire sublime, vous êtes descendu dans le sein d'une vierge humble et vile à ses propres yeux, consacré par le vase sacré de la continence virginale, dans les entrailles de laquelle la vertu inaltérable du Saint-Esprit vous a seule fait concevoir et naître dans la nature d'une humilité véritable, de sorte cependant que votre naissance ne fût point une occasion de violer en vous, la majesté de la divinité, ni en votre mère l'intégrité de la virginité. O bonté aimable et admirable ! Dieu, d'une gloire infinie, vous n'avez pas dédaigné de devenir méprisable : Dieu de tous les hommes, vous avez voulu vous montrer esclave avec les esclaves. Il vous a paru peu d'être Notre-Seigneur et notre Père : vous avez daigné être notre frère. Et vous, le maître de toutes choses, qui n'éprouvez aucun besoin, dans les premiers jours qui ont suivi votre naissance, vous n'avez pas eu horreur de ressentir les souffrances de la plus entière pauvreté. Car, ainsi que le rapporte l'Écriture lorsque vous naissiez, « il n'y avait pas ale place pour vous dans l'hôtellerie (Luc. II, 7). » Vous n'avez pas eu de berceau pour recevoir vos tendres membres, mais vous avez été couché, enveloppé de misérables langes dans la crèche d'une vile étable, vous qui renfermez la terre dans le creux de votre main. Et encore cette crèche, votre mère l'emprunta à de vils animaux. Conso lez-vous, ô vous qui vivez dans l'abjection de la pauvreté, parce que Dieu s'y trouve avec vous, il ne se repose point dans les délices d'une couche splendide, on ne le rencontre point dans la terre de ceux qui vivent délicieusement. Pourquoi te glorifier encore, ô riche, dans un objet de boue, dans ton lit peint et moëlleux, lorsque le roi des rois préféra honorer du contact de son corps le grabat des pauvres ? Pourquoi détester les pailles dures, lorsque le tendre Jésus à la main de qui se trouvent toutes choses, a préféré à votre soie, à vos plumes, la rude litière des bestiaux ? Bien plus, ô Christ, votre tendre enfance ne fut point à l'abri du glaive des persécuteurs. Vous êtes encore suspendu aux tendres mamelles de votre mère que vous suciez, lorsqu'un ange apparut en songe à Joseph et lui dit : et Levez-vous; et prenez l'enfant avec sa mère et fuyez en Égypte, et soyez-y jusqu'à ce qu'on vous avertisse. Car il va arriver qu'Hérode cherche cet enfant pour le tuer ( Matth. II. 13). » Dès cet instant, ô bon Jésus, vous avez commencé à pâtir, non-seulement vous avez souffert ce tourment infligé à votre absence, mais encore vous avez ressenti la mort dans ces petites créatures que la cruauté d'Hérode égorgea en si grand nombre, sur le sein de leurs mères.

4. L'âge tendre de l'enfance passé, vous nous avez donné humblement un exemple d'amour de la vérité. Vous ne vous êtes point assis dans le conseil de la vanité, mais au milieu des docteurs, les questionnant et les écoutant, quoique vous fussiez le Dieu des sciences et la sagesse de Dieu le Père. Vous nous avez aussi donné une leçon d'obéissance lorsque maître du monde, vous avez été humblement soumis h la volonté de vos parents. Quand vient la plénitude dé l'âge mûr, sur le point de mettre la main à des entreprises viriles, vous êtes sorti pour opérer le salut de votre peuple, vous vous êtes élancé comme un géant magnifique pour courir la carrière de toute notre misère. Pour vous conformer en toutes choses à vos frères, vous vîntes trouver, comme un pécheur, votre serviteur qui baptisait les coupables pour la pénitence. Vous avez demandé à être baptisé, innocent agneau de Dieu, vous, que ne souilla jamais la moindre molécule du péché. En cette cérémonie, vous ne vous sanctifiâtes pas dans les ondes du fleuve, mais vous en sanctifiâtes les eaux, afin de nous sanctifier nous-mêmes. Du lieu de votre baptême, vous êtes entré au désert en l'esprit de force. Afin que la vie solitaire trouvât, elle aussi, un modèle en vous. Vous avez souffert, avec une grande égalité d'âme, la solitude et un jeûne de quarante jours, les tourments de la faim, les tentations et les piéges de l'esprit, afin de nous rendre tolérables toutes ces épreuves. Enfin, vous êtes venu vers les brebis de la maison d'Israël, qui étaient perdues, tenant élevée la lampe du Verbe divin pour éclairer ouvertement l'univers entier, prêchant le royaume de Dieu à tous ceux qui obéissent à votre parole, vous avez confirmé votre prédication, par les prodiges qui l'accompagnaient, vous avez fait éclater en toutes choses, la vertu de votre divinité, déployant gratuitement, envers les malades, et envers toutes les nations, les soins qui convenaient au salut des pécheurs, afin de gagner tous les cœurs. Mais, ô Seigneur, leur cœur insensé s'est obscurci, ils ont rejeté en arrière vos instructions, et n'ont point fait attention à tous les prodiges que vous avez opérés parmi eux, à l'exception de quelques rares nobles athlètes, que vous avez choisis parmi les faiblesses et les abjections du monde, afin de triompher par eux, d'une façon éclatante, de ce qui est puissant et superbe. Non-seulement ils se montrèrent ingrats à vos bienfaits, mais, ô Seigneur des seigneurs, ils vous accablèrent d'insultes, et firent de vous tout ce qu'ils voulurent. Quand vous faisiez les rouvres de Dieu, œuvres qu'aucun auge n'a faites, que dirent-ils ? « Cet homme n'est pas de Dieu, : c'est par le prince des démons, qu'il chasse les démons; il est possédé, il séduit les foules, c'est un gourmand, c'est un ivrogne, il est l'ami des publicains et des pécheurs. » Pourquoi pleurer, pourquoi soupirer, ô homme, quand on vous adresse des paroles qui vous injurient? N'entendez-vous point, combien d'opprobres sont tombés sur le Seigneur votre Dieu, à cause de vous ? Si on a appelé Belzébuth le père de famille, à combien plus forte raison, outragera-t-on ses domestiques ? Mais, ô bon Jésus, vous avez supporté avec patience, ceux qui vous attaquaient par de semblables blasphèmes, ou même à coups de pierres, et vous êtes devenu devant eux comme un homme qui n'entend pas, et qui ne trouve pas de répliques dans sa bouche.

5. Enfin, ils ont acheté trente pièces d'argent, votre sang juste, vendu par votre disciple, enfant de perdition, pour précipiter sans raison votre âme dans les abîmes de la mort. Et vous connaissiez la perfidie de ce malheureux scélérat, lorsqu'à la cène, art moment de l'ablution, à genou devant lui, vous daignâtes, de vos très-saintes mains, toucher, laver et nettoyer ses pieds maudits, si prompts à verser le sang. Pourquoi, ô terre et cendre, marches-tu encore la tête fièrement dressée? L'orgueil vous élève encore? L'impatience vous agite toujours. Considérez Jésus le Seigneur, plein d'humilité et de mansuétude, l'auteur de foute créature, le juge redoutable des vivants et des morts, fléchissant les genoux devant un homme, et devant celui qui le trahit. Apprenez qu'il est doux et humble de cœur, et confondez-vous de votre orgueil et de votre impatience. C'était aussi, par un effet de votre douceur, ô Seigneur, que vous n'avez point voulu découvrir et confondre publiquement au milieu de ses frères ce perfide, et que, l'avertissant doucement, vous lui avez ordonné d'accomplir promptement, ce qu'il se disposait à faire. En tout cela, sa fureur ne se détourna pas de vous, et, sorti, il s'adonnait avec empressement à faire son action mauvaise. Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toi qui te levais le matin? (Isa. XIV, 12). Tu apparus glorieux dans les délices du Paradis. Compagnon des habitants du ciel, et convive du Verbe divin, comment as-tu été réduit au rang des enfants de ténèbres ? Toi qui te nourrissais dans le safran, pourquoi as-tu embrassé le fumier ? Alors, ô Christ, votre famille fut glorifiée, lorsque cet impur sortit de la société angélique, qui vous entourait. Alors cet heureux cercle fut enivré d'une riche effusion de la parole divine, quand avait été véritablement mis à la porte, ce malheureux que vous saviez indigne de recevoir l'infusion de cette liqueur très-limpide.

6. Après avoir donné le commandement, salutaire de la charité et de la patience, après avoir disposé pour vos frères le royaume de votre Père, vous vous êtes rendu en leur compagnie, ail lieu connu du traître, sachant tout ce qui allait fondre sur vous. Là vous n'avez pas rougi de déclarer tout haut la tristesse de votre âme que vous avez ressentie spontanément aux approches de votre passion, aussi bien que toutes les autres souffrances que vous avez ressenties, disant à ce moment : « Mon âme est triste jusqu'à la mort (Matth. XXVI, 38). » Ayant fléchi les genoux, vous vous êtes prosterné le visage contre terre, priant dans votre agonie en ces termes : « Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi. » Et cette sueur de sang qui, au temps de votre prière, découlait sur le sol de votre chair très-sainte, indiquait sans nul doute, les angoisses de votre cœur. Jésus, mon souverain Seigneur, d'où vient une instance si pleine d'anxiété ? N'avez-vous pas offert tout à fait volontairement votre sacrifice à votre Père ? Assurément. Nous pensons que vous avez voulu en agir de la sorte, pour consoler vos membres infirmes, pour que nul ne désespère, si la chair murmure lorsque l'esprit est prompt, pour aller à la passion. Et pour que notre amour et notre reconnaissance en vous, fussent plus puissamment stimulés, vous montrez en vous, l'infirmité naturelle de la chair, par ces indices qui nous apprennent que vous avez suivi le sentier des souffrances, non sans éprouver des douleurs. Car ce cri paraît venir de la chair, et non de l'esprit, car vous avez ajouté : « L'esprit, à la vérité, est prompt, mais la chair, infirme. »

7. Que votre esprit ait été prompt à courir à la passion, vous l'avez montré avec évidence, lorsque, de votre propre mouvement, vous vous êtes porté à la rencontre des hommes de sang qui, avec le traître, venaient vous saisir avec des lumières, des faux et des torches durant la nuit, et vous vous êtes montré vous-même, pour qu'ils n'eussent aucune indication à recevoir, de celui qui les conduisait en cette honteuse circonstance. Vous n'avez pas écarté cette bête féroce qui s'approchait pour baiser votre très-sainte bouche, mis vous avez appliqué vos lèvres qui n'ont jamais connu la ruse de cette bouche, qui était remplie de malice. Innocent agneau de Dieu, qu'y a-t-il entre vous et ce loup? Quelle convention entre vous et Bélial ? Ce fut par un effet de votre bonté, que vous avez fait toutes les démonstrations qui pouvaient amollir la dureté d'un cœur si dépravé. Car, n'oubliant pas l'ancienne amitié qui vous avait unis, vous l'avez averti en ces termes : « Mon ami, pourquoi êtes-vous venu ? » Vous avez aussi voulu frapper, l'âme de cet impie, en lui découvrant l'horreur de son forfait, lorsque vous avez dit: « Judas, vous trahissez par un baiser le Fils de l'homme ? Et voilà que les Philistins se précipitent sur vous. O véritable Samson, ils n'ont pas été écartés de vous par le miracle qui, à l'heure de votre arrestation, les renversa à terre par la vertu de votre bras tout-puissant, non certes, afin de vous défendre, mais dans le but de faire voir à la présomption humaine, qu'elle ne peut contre vous, que le peu que vous voulez bien lui permettre.

8. Et qui entendrait raconter sans gémir, comment alors ils jetèrent sur vous leurs mains homicides, comment après avoir lié, ô bon Jésus, vos mains innocentes, ils vous conduisirent avec ignominie, comme un malfaiteur, au lieu du supplice, agneau très-doux, qui gardiez un profond silence ? Même en cet instant, ô Christ, vous n'avez point cessé de répandre votre miséricorde sur vos ennemis, et de faire tomber sur eux, le miel de votre douceur. Car en la touchant, vous avez guéri l'oreille de votre ennemi, que votre disciple avait coupée, et vous avez calmé le zèle de celui qui vous défendait, en l'empêchant de faire du mal à ceux qui vous entraînaient. Maudite leur fureur, car elle était obstinée, ni l'éclat du miracle, ni la tendresse du bienfait rendu, ne la put calmer. Vous avez été présenté au conseil des pontifes remplis de haine contre vous, et pour avoir confessé la vérité comme il le fallait, vous avez été condamné à mort, comme un blasphémateur. Seigneur très-aimant, quelles indignités vous avez souffertes en ce lieu, de la part de votre propre nation ? Votre visage, si désirable, que les anges brûlent de contempler, qui remplit de joie, tous les cieux, qu'invoqueront tous les riches du peuple, ils l'ont souillé des crachats de leurs lèvres impures, ils l'ont frappé de leurs mains sacrilèges, ils l'ont couvert, en signe de dérision, d'un voile, et ils vous ont souffleté, Seigneur de toute créature, comme un esclave méprisable.

9. Ils ont livré de plus votre âme à un chien d'incirconcis pour qu'il la dévorât. Car ils vous ont conduit garrotté devant Pilate, demandant que vous fussiez puni du supplice de la croix, vous qui ne connaissiez pas le péché, et qu'on leur délivrât un homicide, préférant un loup à un agneau, la boue à l'or. O échange indigne et malheureux ! Et certes ce juge impie n'ignorait pas que la haine était le mobile de tous les Mauvais traitements que l'on vous faisait subir: il ne détourna néanmoins pas de vous ses mains téméraires et abreuva sans motif votre âme d'amertume. Il vous envoya à Hérode pour être joué, il vous accueillit quand vous avez été bafoué, il vous fit paraître nu en présence de ceux qui vous insultaient, il ne les retint pas de déchirer de coups très-cruels votre chair virginale, frappant de nouveaux coups sur les premiers, et faisant des plaies sur vos déchirures. O ! Fils élu de mon Seigneur Dieu, qu'aviez-vous commis de digne d'une si grande souffrance et d'une confusion si extraordinaire ? absolument rien. C'est moi, c'est moi, homme perdu, qui ai été la cause de toute votre douleur et de toute votre honte. C'est moi, Seigneur, qui ai mangé le raisin vert, et vos dents ont été agacées: parce que vous rendiez alors ce que vous n'aviez pas pris. Tous ces outrages n'ont pas rassasié l'impiété des Juifs perfides.

10. Vous êtes tombé enfin entre les mains des soldats incirconcis pour être livré à une mort très-honteuse. C'était peu pour ces sacrilèges de vous crucifier, si auparavant ils n'avaient rempli votre âme d'opprobres. En effet que rapporte d'eux l'Ecriture ? (Math. XXVII. 27.) « Et ils convoquèrent à côté de lui toute la cohorte. Et le dépouillant de ses vêtements, ils le revêtirent d'une tunique de pourpre et lui passèrent une chlamyde d'écarlate. Et pliant une couronne d'épines, ils la mirent sur sa tête et placèrent un roseau dans sa main droite. Et fléchissant les genoux devant lui, ils se moquaient, disant: salut, roi des Juifs. Et ils lui donnaient des soufflets, et crachant sur lui, ils prenaient le roseau et frappaient sa tête. Et après l'avoir outragé, ils le revêtirent de ses habits, afin de le crucifier portant lui-même sa croix. Et ils le conduisirent au Golgotha, et ils lui donnaient à boire du breuvage de myrrhe mêlé avec le fiel : et lorsqu'il l'eut goûté, il n'en voulut point boire, alors ils le crucifièrent et avec lui deux malfaiteurs, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, Jésus au milieu, or Jésus disait : mon Père, pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent point ce qu'ils font. Jésus sachant que tout était consommé, afin que l'Ecriture fût accomplie, s'écria : j'ai soif. Et l'un d'eux courant, prit une éponge et la remplit de vinaigre et la mit au bout d'un roseau et il lui donna à boire. Ayant donc goûté ce vinaigre, il dit : tout est consommé, et à grands cris, il dit: Père, je remets mon esprit entre vos mains. Et ayant incliné la tête, il rendit l'âme. Alors, un des soldats ouvrit son côté d'un coup de lance, il en sortit du sang et de l'eau pour la rédemption de notre salut. »

11. Réveille-toi maintenant, ô âme, dégage-toi de la poussière, contemple cet homme remarquable que tu contemples comme s'il était présent, dans le miroir du récit évangélique. Fais attention et examine quel est ce personnage qui marche, ayant la ressemblance d'un roi et néanmoins est couronné et rempli de l'ignominie du plus vil des esclaves. Sa couronne même lui est un tourment, et elle blesse, par mille piqûres, sa tête éclatante de beauté. Il est revêtu de pourpre, mais elle lui attire plutôt des mépris que des honneurs. Il porte en main un sceptre, mais il sert à frapper sa tête vénérable. Les soldats, en fléchissant les genoux devant lui, lui rendent des hommages, et soudain, ils se relèvent pour couvrir de crachats ses joues aimables, ils lui frappent le visage de coups de poings, et outragent son cœur si digne d'honneur. Vois, mon âme, comment cet homme est agité et méprisé en toutes manières. Il parait courbé sous le poids de sa croix et porter l'instrument de sa honte. Conduit au lieu du supplice, il est abreuvé de fiel et de myrrhe: il est élevé sur la croix et s'écrie : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Quel est celui-ci qui, dans toutes ses souffrances, n'a pas ouvert une seule fois la bouche, pour proférer une parole, soit de plainte, soit d'excuse, soit de menace, soit de malédiction contre ces chiens maudits, et qui au dernier moment répand sur ses ennemis une bénédiction comme on n'en a jamais entendu? Quoi de plus miséricordieux que sa conduite? Qu'as-tu jamais vu de plus tendre. O mon âme ! considère avec plus d'attention encore de quelle grande admiration et de quelle tendre compassion il se montre digne. Regarde-le nu et déchiré de coups, attaché avec des clous de fer au milieu de deux malfaiteurs à une croix ignominieuse, abreuvé de vinaigre et après sa mort, atteint au côté du fer d'une lance et répandant de larges ruisseaux de sang par les cinq plaies de ses mains, de ses pieds et de son côté. Mes yeux répandent des larmes sur la douleur de cet homme aimable, qui se montre affligé de tant de douleurs au milieu d'une si grande amertume.

12. Et jusqu'à ce moment, mon âme, tu as regardé ses faiblesses et tu t'es attendrie : Considère maintenant sa, majesté et tu seras étonnée. Que dit, en effet, l'Ecriture ? «Depuis la sixième heure les ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu'à la neuvième. Le soleil s'obscurcit, et, le voile du temple se déchira de haut en bas; et la terre trembla, et les rochers se fendirent, et les sépulcres s'ouvrirent et plusieurs corps de saints qui dormaient ressuscitèrent (Math. XXVII. 45). » Quel est cet homme, pour qui le ciel et la terre ont tant de sympathie, et dont la mort rend la vie aux trépassés? connais-le, mon âme, connais-le : c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ, ton sauveur, le Fils unique de Dieu, vrai Dieu, vrai homme, qui. seul, sous le soleil, a été trouvé sans tache. Et voilà comment « il a été rangé parmi les scélérats (13. LIII, 12), regardé comme un lépreux et le dernier des hommes; et comme un avorton rejeté du sein qui, l'a produit; » il a été éloigné des entrailles de sa mère, l'infortunée Synagogue. Comme il est devenu difforme le plus beau des enfants des hommes ! Il a été blessé à cause de nos iniquités, il a été brisé pour nos, crimes, il s'est fait holocauste d'une odeur très-agréable en votre présence, ô Père de gloire éternelle, afin que vous éloignassiez de nous votre colère et pour nous faire asseoir avec lui dans les hauteurs des cieux.

13. Jetez les yeux, Seigneur, Père saint, de votre sanctuaire et de votre suprême habitation des cieux et regardez cette hostie sacrée que vous offre notre grand Pontife, votre saint Fils le Seigneur Jésus, pour les péchés de ses frères, et calmez votre; courroux qu'excite la grandeur de notre malice. Voici la voix du sang de Jésus notre frère qui crie vers vous de la croix. D'où vient, Seigneur, qu'il y est suspendu ? Il dit qu'il y est suspendu parce que le passé pour vous est comme le présent. Reconnaissez, ô Père, la tunique du véritable Joseph votre Fils. Hélas ! « une bête cruelle l'a dévoré (Gen. XXXVII. 33). » En sa fureur elle souille son vêtement et toute sa beauté des traces de son sang. Voilà qu'elle y a fait cinq blessures lamentables; voyez, Seigneur, le manteau que votre Fils innocent a laissé entre les mains de l'adultère, c'est-à-dire de la pécheresse d'Egypte, aimant mieux perdre son vêtement que sa pudeur, préférant descendre dépouillé du manteau de sa chair dans le cachot de la mort qu'obtempérer, pour avoir la, gloire du monde, à une voix adultère, à cette voix qui a dit : «je vous donnerai tous ces biens, si vous prosternant, vous m'adorez (Mat. IV. 9). » Crime qui se réaliserait, s'il dormait avec une adultère.

14. Et maintenant, Seigneur Père, nous savons que votre Fils vit et qu'il domine dans toute la terre d'Égypte, aussi bien que dans toute l'étendue de votre empire. Car, conduit de la prison de la mort et des enfers sur le trône du monde et portant sur votre chevelure la couronne d'immortalité, vous avez changé la tunique de votre chair et l'avez reprise avec gloire, lorsqu'elle eut refleuri incorruptible. Car il a conquis le royaume de Pharaon et, dans un triomphe éclatant, par sa propre vertu il a pénétré dans les cieux. Et voici que, couronné de gloire et d'honneur, placé à la droite de votre majesté, il se présente pour nous devant votre face. Car il est notre chair et notre frère. Jetez la vue, Seigneur, sur la face de votre Christ, qui vous a obéi jusqu'à la mort, que ses blessures ne cessent jamais de frapper votre regard, et souvenez-vous combien il vous a donné de satisfaction pour nos péchés. Mettez, Seigneur, dans une balance, d'un côté les péchés par lesquels nous avons mérité la colère et d'un autre le supplice que votre Fils innocent a souffert pour nous, les souffrances vous paraîtront plus pesantes et vous engageront à répandre sur nous votre miséricorde beaucoup plus que nos iniquités, à retenir, dans votre colère, vos bontés pour les empêcher de venir sur nous. Que toute langue vous rende grâce, Seigneur Père, pour l'extrême étendue de votre bonté, vous qui n'avez pas épargné votre Fils unique bien-aimé : mais l'avez livré à la mort pour nous tous, afin que nous l'eussions comme un avocat fidèle, devant vous dans les cieux.

15. Et à vous, Seigneur Jésus, ami jaloux et plein de force, quelles actions de grâces vous rendrai-je, comment vous remercier dignement, moi, homme, cendre et poussière et vile image? Car, en effet, qu'avez-vous dû faire pour mon salut, que vous ne l'ayez fait? De la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, vous vous êtes plongé dans les eaux de votre passion, afin de m'en arracher entièrement, et ces eaux ont pénétré jusque dans votre âme. Car vous avez perdu votre âme dans le trépas, afin de me rendre la mienne que j'avais perdue. Et voici due vous m'avez lié par un double bienfait. Car je vous suis redevable et pour ce que vous avez donné et pour ce que vous avez perdu à cause de moi. Et en ce qui regarde mon âme que vous m'avez donnée deux fois, une fois dans la création et une autre fois dans la rédemption, je n'ai rien à vous donner plus justement que cette même âme : et en ce qui concerne la vôtre, livrée à tant de tribulations, je ne vois pas ce que l'homme vous pourrait rendre. Car lors même que je pourrais vous donner pour elle le ciel, et la terre et toute leur parure, certainement, par ce présent, je ne pourrais aucunement atteindre à la mesure de ce qui vous est dû. Et même, Seigneur, c'est par un don de votre part si je vous rends ce que je vous dois et ce que je puis vous rendre. Je dois vous aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute ma force : et je dois suivre vos pas, vous qui avez daigné mourir pour moi. Et comment cela aura-t-il lieu en moi si ce n'est par vous ? Que mon âme s'attache à vous : parce que toute sa vigueur dépend de vous. Et maintenant, Seigneur, mon Rédempteur, je vous adore comme vrai Dieu en vous j’ai confiance, en vous j’espère, je soupire après vous de tous les soupirs dont je suis capable, secourez mon imperfection. Je m'incline entièrement devant les instruments de votre passion dont vous vous êtes servi pour opérer mon salut. J'adore, ô Christ, en votre nom, l'étendard royal de votre croix victorieuse. J'adore humblement et je glorifie, ô Jésus, votre couronne d'épines, vos clous rouges de sang, la lance plongée dans votre côté sacré, vos blessures, votre sang, votre mort, votre sépulture, votre brillante et triomphante résurrection et votre glorification. Je respire en tous ces objets une odeur de vie. Par ce parfum vivifiant, Seigneur, ressuscitez mon âme de la mort du péché : par leur vertu gardez-moi des ruses de Satan et fortifiez-moi, afin que le joug de vos commandements me devienne suave et que le fardeau de la croix que vous m'ordonnez de porter après vous me devienne léger et supportable. Quelle est ma force, en effet, pour souffrir, sans être vaincu, selon que vous l'exigez, des attaques si nombreuses? Mes pieds sont-ils comme ceux des cerfs pour que je puisse suivre celui qui court si rapidement à travers les épines et les pierres aiguës des souffrances?

16. Mais écoutez ma voix et inclinez sur votre serviteur cette croix suave qui est un bois de vie pour ceux qui la saisissent : afin que je coure rapidement par l'esprit. Sans me lasser je porterai à votre suite la croix que mes ennemis me font supporter. Placez sur mes épaules cette croix très-divine qui a pour largeur la charité, pour longueur l'éternité, dont l'élévation est la toute-puissance et la profondeur une insondable sagesse. Clouez sur ce gibet mes mains et mes pieds : et conformez à votre passion votre serviteur dans tout son être, ô Seigneur. Donnez-moi, je vous en conjure, de m'abstenir des œuvres de la chair que vous détestez, d'accomplir la justice que vous aimez et de chercher par ces deux moyens votre gloire : je considère ma main gauche comme fixée à cette croix élevée par le clou de la tempérance et ma droite par le clou de la justice. Donnez à mon esprit de constamment méditer votre loi, de jeter en vous toutes mes pensées, et clouez par la prudence mon pied droit à ce bois de vie. Accordez-moi la grâce de ne pas sentir la prospérité de la vie présente qui s'écoule n'énerver mes sens, ministres de mon âme, et de ne pas voir une heureuse infortune brouiller les récompenses de la vie éternelle : et mon pied gauche sera aussi tenu à la croix par la force.

17. Et afin qu'il apparaisse en moi quelque image des épines qui percèrent votre tête, mettez, je vous en conjure, dans mon âme et la componction salutaire de la pénitence, et la compassion pour les souffrances d'autrui, et l'aiguillon du zèle qui respire d'accomplir ce qui est droit devant vous ; et enfin que dans mes chagrins je me tourne vers vous lorsqu'une triple piqûre pénétrera dans mon cœur. Il m'est agréable que vous présentiez à ma bouche une éponge à la pointe d'un roseau, et que vous me fassiez goûter l'amertume du vinaigre. Il me plaît qu'au moyen de vos écritures vous donniez à ma raison de goûter et de voir comment ce monde florissant est comme une éponge desséchée, el toute sa concupiscence plus amère que le vinaigre. Et qu'ainsi, ô Père, ce calice doré de Babylone, enivrant toute la terre, ne me séduise paE par son vain éclat, ne trouble point par sa fausse douceur, triste effet qu'il opère en ceux qui appellent ténèbres la lumière, lumière les ténèbres; l'amer, doux et doux, l'amer. Le vin de myrrhe mêlé de fiel m’inspire de la défiance, parce que vous n'avez point voulu en boire: par cette raison peut-être qu'il exprimait la trop grande cruauté de la jalousie et de la malice de ceux qui vous crucifiaient. Configurez aussi votre serviteur selon l'image de votre mort vivifiante, en le faisant mourir au péché selon la chair et vivre à la justice selon l'esprit.

18. Afin que j'aie l'honneur de porter entièrement l'image du crucifié, daignez aussi représenter en moi ce que l'insatiable malice des Juifs cruels a fait en votre corps après votre mort. Que votre parole vive et efficace, plus pénétrante que la plus aiguë des lances, atteignant jusqu’à la division de l'âme, blesse mon cœur, en fasse sortir, comme du côté droit, au lieu de sang et d'eau, votre amour, ô Seigneur, et l'amour de mes frères. Enfin, enveloppez mon âme dans le blanc suaire de mon premier vêtement, je m'y reposerai sortant et entrant dans le lieu de votre tabernacle admirable, et cachez-m'y jusqu'à ce que votre fureur soit passée. Et le troisième jour après le jour du travail, après le jour du châtiment, le matin du premier jour qui suit le sabbat ressuscitez-moi à jamais malgré mon indignité parmi vos enfants, afin que dans ma chair, je voie votre clarté et je sois rempli de la joie de votre présence. O mon Sauveur et mon Dieu, vienne, je vous en conjure, vienne le temps où je verrai à découvert ce que je crois maintenant : où je saisirai ce que j'espère présentement en le saluant de loin: j'étreindrai dans mes bras et j'embrasserai ce que je désire de toutes mes forces et où je serai absorbé tout entier dans l'abîme de votre amour, ô mon Sauveur et mon Dieu!

19. Mais en attendant cet heureux jour, ô mon âme, bénis ton Sauveur, et glorifie son nom qui est saint et plein de très-saintes délices. O Seigneur Jésus, que vous êtes bon et suave pour l'âme qui vous cherche ! Jésus libérateur des captifs, Sauveur de ceux qui sont perdus, espérance des exilés, force de ceux qui travaillent, élargissement de l'âme qui est dans l'angoisse, douce consolation et suave rafraîchissement de l’âme qui pleure et court après vous couverte de sueur, couronne de ceux qui triomphent, récompense unique et joie de tous les citoyens de la patrie d'en haut, source très-abondante de toutes les grâces, Fils illustre du Dieu souverain ! Dieu suprême, que toutes les créatures qui sont au ciel et sur la terre vous bénissent : parce que vous êtes grand, parce que votre nom est grand. O beauté du Dieu très-haut qui ne se flétrira jamais et clarté très-pure de la lumière éternelle, vie qui vivifiez toute vie, lumière éclairant toute lumière, conservant dans une vigueur qui ne faiblit jamais, mille millions de flambeaux qui brillent dès la première aurore devant le trône de votre divinité. O flux éternel et incessant, limpide et doux de la fontaine cachée aux yeux de tous les mortels, source dont les eaux sont sans commencement, dont la profondeur est sans fond, la hauteur saur, terme, l'étendue sans mesure et la pureté inaltérable ! Le cœur du Dieu très-haut vous a fait jaillir de ses abîmes impénétrables, vie vie, lumière lumière, Dieu Dieu, éternel éternel, immense immense et son égal en toutes choses; et nous avons tous puisé à votre plénitude.

20. Car, ô fontaine très-riche de tout bien, vous faites jaillir de vos trésors le fleuve précieux de la grâce aux sept formes ; par son agréable douceur, vous apaisez l'amertume de notre mer, c'est-à-dire de notre infirmité. Fleuve de l'huile de la joie, fleuve de vin très-pur, torrent de la force de feu. Par vous et par le Père, l'Esprit Paraclet votre égal est répandu dans l'univers, remplissant tout, contenant tout . Esprit venant de vous, Esprit venant du Père, un procédant de deux, vous unissant tous les deux, comme un lien indivisible , ciment qui identifie, embrassement indissoluble et paix dépassant tout sentiment. C'est là, Seigneur, le torrent de votre volupté des eaux duquel vous abreuvez constamment cette délicieuse et glorieuse cité de Jérusalem qui est en haut, la faisant tressaillir dans une joyeuse ivresse, afin que ses habitants brillants et enflammés vous chantent un hymne incessant dans les transports de l'allégresse et les joies du banquet sacré: ondes désirables dont vos peuples, Seigneur, dans leur exil réclament à grands cris quelques gouttes pour étancher la soif qui les dévore. Permettez, ô Père, que les chiens boivent les gouttes qui tombent de la table de leurs maîtres. Cieux « répandez votre rosée et que les nues pleuvent le Juste, » que vous avez fait attendre avec tant d'ardeur. Dans cette pluie de feu, puisez, nous vous en supplions renouvelez, illuminez, enflammez, réjouissez et confirmez les prémices précieuses de votre peuple et l'éclat brillant de ces solennités, et unissez-vous le cœur des croyants, afin qu'ils soient un, qu'ils n’aient qu'un goût, qu'ils courent unanimement, après vous, afin qu’ils vous saisissent, vous voient et vous bénissant, vous le Dieu des Dieux dans Sion. A l'indivisible Trinité gloire, action de grâces, honneur et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON. SUR LE TRAITÉ DE LA VIE OU DE LA PASSION, n. 4, col. 483.

L'Église fut sauvée en elle seule; que l'Église durant les trois jours de la mort de Jésus-Christ soit demeurée dans la vierge Marie seule, Alexandre de Halés, Durand dans son rational des divins offices, et d'autres auteurs que cite et suit Turrecremata, lib, I de Ecclesia chap. 31, nous l'apprennent également. Mais ce sentiment est communément rejeté. Comme le nom de l'Église est un nom collectif, dit Milichior Canot, liv. 4, des lieux théologiques, chapitre dernier, si. une seule personne croyait, l'Église ne croirait pas , trois au moins étant requis pour former une congrégation. Quant à ce que les auteurs cités apportent ici comme preuve, qui en signe de cette vérité, à l'office du samedi saint, après avoir éteint les autres cierges, on en laisse un seul d'allumé, comme si ce rite voulait dire que la foi des apôtres fut éteinte, et que, seule, la foi de la vierge resta entière; cette assertion, si elle prouve quelque chose, montre seulement que les apôtres défaillirent dans la confession de la foi véritable, ou même dans la foi vive qui opère par la charité, dit Canot, au même endroit, chap. 5. Rupert, cependant au livre v des divins offices, chap. 26, assure que les cierges éteints représentent les anciens prophètes massacrés par les Juifs, et celui qui reste allumé, le Seigneur lui-même. Voy. Duval au chap. 2, 2, Traité de la Foi, q. 1 a, 2.

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