ORAISON DOMINICALE
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EXPOSITION DE L'ORAISON DOMINICALE.

Elle a paru récemment, venant de la bibliothèque de Dunes. Elle est du même auteur que le traité qui précède; il en est parlé au n° 3.

1. « Notre Père. » Il y a sept demandes, comme il y a sept dons du Saint-Esprit, et sept vertus. Ces demandes conduisent aux dons, les dons aux vertus, les vertus aux béatitudes. Ces demandes différeront selon qu'elles se rapportent à la vie temporelle ou à la vie céleste. De la vie temporelle on passe à la vie céleste, si pourtant on emploie bien le temps de son pèlerinage sur la terre, et ne s'attachant jamais à ce monde, bien plus s'en délivrant. Enfin les trois dernières appartiennent à la vie temporelle, et les trois premières se réaliseront dans le ciel; celle qui est au milieu, bien qu'elle touche aux choses célestes, s'accomplit néanmoins ici-bas, car nous demandons le pain céleste pour jouir présentement de lui, et en être fortifiés. Mais avant d'en venir aux demandes, on met d'abord dans notre bouche ces paroles ; « Notre Père, » afin de capter la bienveillance du Seigneur. Le chrétien dit donc : « Notre Père. » Donnant à Dieu le titre de Père, il doit être son Fils, ne point dégénérer d'un Père si noble, qui, par sa bienveillance et sa bonté, est réellement Père. En lui parlant ainsi, nous indiquons que nous ne sommes pas ses esclaves, mais ses enfants. Quand nous disons «Notre, » nous marquons que ce n'est pas un seul, mais plusieurs qui l'ont pour Père. N'ayant qu'un Fils, selon la nature, ce grand Dieu a voulu en avoir d'autres, selon la grâce et par adoption. Il est notre Père à nous tous, ce qui nous donne à comprendre la fraternité et l'unanimité qui doivent exister entre nous. Que le riche, que le noble, que le maître ne s'enorgueillisse pas, car le pauvre, le roturier et l'esclave sont pareillement fils de Dieu. Nous sommes conséquemment tous frères. En disant : «Qui êtes aux cieux, » comme enseveli dans les profondeurs de la terre, le fidèle semble demander à son Père qui est dans les cieux, c'est-à-dire dans l'immutabilité, dans l'éternité et l'impassibilité, de pouvoir monter jusqu'à lui et d'être immuable et impassible avec lui.

2. Après cette formule de nature à attirer la bienveillance, viennent les demandes : dans le texte de la prière, elles sont disposées d'une manière différente de l'ordre selon lequel elles s'accomplissent dans l'homme. En avant se trouvent placées celles qui seront consommées dans la vie future, attendu qu'elles sont plus dignes : viennent ensuite celles qui appartiennent à la vie présente comme moins nobles. C'est la marche que suivit le prophète Isaïe, qui énuméra d'abord les dons du Saint-Esprit les plus relevés, pour descendre aux moindres; l'ordre que suivit Moïse lorsqu'il parla de l'amour de Dieu, avant l'amour du prochain, bien que cet amour soit postérieur, si on fait attention au temps. Afin donc de mieux voir la dignité des demandes et la relation qui fait naître l'une de l'autre, suivons d'abord la suite naturelle, comme elle se réalise en nous, et revenons ensuite à l'ordre de la prière lui-même.

3. La dernière demande est celle-ci . « Mais délivrez-nous du mal; » en nous cependant, elle est la première. En effet, l'homme qui veut monter au ciel, voyant qu'il n'y peut arriver qu'autant qu'il est délivré des maux de cette vie, s'écrie : « délivrez-nous du mal, » c'est-à-dire du péché originel et actuel, et des désirs de ce monde, afin que je puisse me quitter moi-même, avec lesbiens temporels et devenir pauvre d'esprit. J'obtiendrai cette pauvreté totale par l’esprit de crainte, comme il a été développé davantage dans le Traité des vertus . « Et ne nous induisez point en tentation. » Quand on a quitté tous les biens de la Terre, il faut que les tentations attaquent à l’intérieur et à l’extérieur. Le chrétien a donc besoin de suavité pour être doux, humble envers tous ceux qui lui nuisent, et n'être ému par une colère ou aigreur, résultat qui s'obtient par l'esprit de piété. Il ne demande pas de n'être point tenté, mais de n'y être pas induit. Être induit en tentation, c'est y succomber et y être plongé. « Et remettez-nous nos offenses, » quoiqu'il soit délivré du mal, bien qu'il ne soit pas brisé par la tentation, il ne peut encore éviter d'offenser Dieu en beaucoup d'occasions, comme il faut, qu'en traversant la mer, le navire reçoive l'eau par les fentes ainsi la tristesse lui est nécessaire, c'est elle qui lave les péchés ; pour obtenir la rémission de ses fautes, le chrétien doit pardonner aux autres et gémir des misères de ce monde : ce qui se réalise par l'esprit de sagesse. La science fait pleurer l'homme, elle lui fait voir en quelle grande misère il vit sur la terre, et après lui avoir montré ses péchés, elle lui arrache ce cri « pardonnez-nous nos offenses, » c'est-à-dire les manquements que nous devons pleurer, « comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Nos débiteurs sont ceux qui nous doivent de l'argent, et qui nous ont fait subir quelque injure. Si votre prochain vous doit de l'argent, si vous êtes parfait, remettez-lui sa dette; si vous êtes imparfait, vous pouvez licitement la réclamer, s'il a de quoi la payer; s'il n'en a pas les moyens, vous devez lui en faire remise. S'il vous a injurié et s'il s'est humilié devant vous, pardonnez-lui : s'il ne veut pas, soyez prêt à pardonner, et pardonnez autant qu'il est en vous. Ce que vous faites ne lui profitera en rien s'il ne vous demande pardon, mais vous, vous avez dégagé votre âme.

4. « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien. » Les trois demandes qui précèdent appartiennent à la vie terrestre, la préservation du mal, la tentation, les larmes versées sur le péché sont de cette terre, et s'appellent séparation du monde, Notre prière passe maintenant aux choses célestes, et d'abord, elle demande que le pain céleste soit donné à l'âme pour lui fournir la force de bien travailler et pour la fortifier, de crainte qu'elle ne défaille en route. C'est du ciel qu'on sollicite ce pain, mais afin de le manger ici-bas, et aussi cette demande se trouve sur les confins de la vie temporelle et de la vie céleste, puisqu'on y demande qu'un bien d'en haut descende et devienne notre possession en cette vie présente. Ce pain est Dieu qui nourrit les anges. Et comme le pain, mangé par la mère se change en lait, afin que l'enfant en ,jouisse, ainsi ce Dieu, dont les anges jouissent tel qu'il est, se change en lait, afin que nous puissions jouir de lui. Car il a pris une forme visible, afin d'instruire l'homme et afin que nous le reconnaissions au moins ainsi. Nous le mangeons donc toujours sous quelque apparence dans le sacrement de l'autel, dans les Écritures et sous les formules de la prédication et sous tous les accidents qui le révèlent à nous. Nous goûtons cet aliment, lorsque nous mangeons le pain terrestre, qui nous soutient pour mieux travailler à le servir. On l'appelle «supersubstantiel (Matth. VI. 11), » parce qu'il est au-dessus de toutes les substances. Saint Luc le nomme « quotidien, » parce qu'il n'est point de jour où nous ne le recevions sous l'une des formes indiquées plus haut. « Aujourd'hui, » c'est le temps de la vie présente, par ce pain nous avons faim et soif de la justice à venir : car la justice présente est imparfaite, et peut se comparer à la faim. C'est de cet appétit qu'il est dit : « Je serai rassasié lorsque votre gloire se montrera (Psalm. XVI. 14). Voilà le désir de la justice céleste qui est parfaite. Ce pain s'obtient par le don de force.

5. « Que votre volonté s'accomplisse. » Les trois demandes qui restent ne peuvent être accomplies parfaitement que dans le ciel. En Dieu se trouvent deux volontés : l'une de miséricorde, qui ne force pas, qui n'enlève rien au libre arbitre, par laquelle « il a fait tout ce qu'il a voulu (Psal. CXIII. 11). » Nul ne peut leur résister « Qui a résisté à leur volonté ? » L'une s'accorde constamment avec la Providence, l'autre ne s'y accorde pas toujours. Si dans sa bonté le Seigneur veut qu'un méchant devienne juste, il lui accorde sa grâce, et si néanmoins ce méchant résiste, en vertu de son libre arbitre, et ne donne pas son consentement à la grâce, la vérité ne s'accorde point avec cette providence, parce que, bien qu'elle accorde cette grâce par douceur et bienveillance, elle sait que le méchant n'y acquiescera pas. Quant à celle qui se rapporte aux effets, l'une est permissive, l'autre approbative. La permissive laisse faire à l'homme le mal parce qu'il veut le commettre. L'approbative consiste en ce que l'homme accomplisse le bien quand il veut: toutes les deux procèdent de la justice. C'est pourquoi les hommes résistent à la volonté qui veut la justice quant aux effets. En saint Paul, la volonté du Seigneur semble nécessitante, mais elle ne l'est point, bien qu'il fût renversé, cependant sa volonté était libre et pouvait résister si elle voulait. Dans le ciel, toutes les volontés de Dieu s'accomplissent, nul ne leur résiste : mais sur la terre, beaucoup font opposition à la volonté du Seigneur, au moins à celle qui est de la miséricorde elle voudrait sauver les méchants s'ils le voulaient, et eux s'opposent par leurs œuvres à cette volonté. Le fidèle prie donc, que comme la volonté divine se réalise dans tous les citoyens du ciel, elle dispose de tous les mortels de telle sorte qu'ils ne lui résistent en aucune manière effet qui ne s'obtient réellement que dans le paradis. Néanmoins, cela s'accomplit en quelque manière en cette vie dans les saints, mais non en toutes choses, parce que nul ne peut vivre sans tache. « Comme au ciel et sur la terre, » ces paroles peuvent avoir des sens divers, on peut dire, « comme au ciel, » c'est-à-dire en Jésus-Christ, Homme-Dieu eu qui réside la divinité, et jamais cet homme n'a contredit sa volonté « et sur la terre, » c'est-à-dire, qu'elle s'accomplisse dans l'Église, ou bien « comme au ciel,» c'est-à-dire dans les anges; et « sur la terre, » c'est-à-dire dans les hommes, ou bien « comme au ciel, » c'est-à-dire dans l'âme du juste, et « sur la terre, » c'est-à-dire, dans la chair, en sorte qu'en aucune manière elle ne s'oppose à l'esprit, mais s'accorde avec lui dans les mêmes désirs. Ou encore « comme au ciel, » c'est-à-dire, dans les saintes âmes; et « sur la terre, » c'est-à-dire dans les pécheurs. Tout cela s'opère par l'esprit de conseil, qui nous donne le conseil excellent par lequel nous pouvons obtenir cette miséricorde « bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. (Matth. V. 7).

6. « Que votre royaume arrive. » Après avoir obtenu la miséricorde de ne point résister à la volonté de Dieu, le fidèle demande un don plus élevé, c'est-à-dire de voir Dieu, clairement, toutes les ombres disparaissant : chose qui ne s'obtient complètement que dans la vie future. Et quoique ces faveurs ne se donnent pas par ordre dans le ciel, néanmoins on les sollicite d'après l'ordre de leur dignité ; et bien qu'elles ne s'accordent pas pleinement sur la terre, néanmoins les saints les y reçoivent avec ordre. Cette demande se trouve la sixième, parce que l'homme fut créé à l'image de Dieu, le sixième jour, c'est-à-dire, dans l'état parfait, car le nombre six marque la perfection : plus tard, cette image fut altérée parle péché. Actuellement, il demande à être refait, selon le même modèle, c'est-à-dire d'après la même intelligence, afin de comprendre clairement le Seigneur, image qui s'appelle «le royaume de Dieu » : en effet, voir le souverain bien, c'est le royaume des cieux. L'établissement de cette ressemblance est la même chose que la pureté du cœur : aussi il est dit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu (Matth. V. 8) : on l'obtient en quelque manière sur la terre. Cette demande est complétée par l'esprit d'intelligence.

7. « Que votre nom soit sanctifié. » Voilà la septième demande; après celle-là il n'y en a pas d'autre; elle vient naturellement après la vision de Dieu, ce serait peu à l'homme de voir, s'il ne trouvait ses délices dans cette vision. Cette jouissance et ce loisir ont été figurés dans le septième jour, dont il est dit qu'alors le Seigneur entra dans son repos. On dit aussi: « Dieu sanctifia le jour du Sabbat (Exod. XVI. 23). » Parce que les fidèles, véritablement saints, seront dans le repos futur. Voilà la paix dont il est. écrit : « Bienheureux les pacifiques parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu. » Lorsqu'ils seront semblables à Dieu, immortels, impassibles, à l'abri de toute inquiétude, vivant dans l'éternelle paix, qui est Dieu lui-même, alors ils seront enfants de Dieu, et même dieux par participation. Voilà ce que demande ce passage. « Que votre nom soit. sanctifié » en nous, que vous soyez appelé Père, et nous enfants et même dieux; comme si l'on disait : notre sainteté ne sera pas nôtre, ce sera la vôtre qui sera en nous, ainsi qu'il « soit sanctifié, » c'est-à-dire que votre sainteté se réalise et éclate en nous, et que votre saint nom soit glorifié par la dignité des enfants qui le portent. Cette demande s'obtient par le don de sagesse. La sagesse et l'intelligence diffèrent, ainsi que nous pouvons le voir entra nous. Car l'intelligence est l'exercice qui consiste à scruter et sonder les Ecritures, la sagesse est la jouissance que cause la connaissance, lorsque, ne cherchant plus, nous connaissons tout pour ainsi dire et nous nous arrêtons pour en jouir dans cette science. Il en est ainsi dans le ciel de l'acte de comprendre et de voir, non qu'au ciel il y ait à cela quelque travail; la sagesse y consiste à se délecter en ce que l'on voit. Ainsi monte au ciel celui qui est sur la terre, et par cet enchaînement. sont remplies ces sept demandes : voyons à présent comme elles sont disposées.

8. Celui qui prie, connaissant Dieu le Père, qui règne dans le ciel, met en avant la demande qui se rapproche le plus de ce Père et qui se rapporte à cette paix en vertu de laquelle les hommes deviennent enfants de Dieu, comme s'il disait : « Notre Père qui êtes aux cieux, » donnez nous que votre nom soit sanctifié en nous, afin que nous demeurions avec vous dans le ciel et que nous devenions vos enfants. Nous ne pouvons avoir cette jouissance que si vous réformez votre image qui a été altérée en nous. « Que votre règne arrive. Cette image et la pureté du cœur ne peuvent être rétablies en nos âmes, que si nous acquiesçons à votre volonté, « que votre volonté s'accomplisse » donc « sur la terre comme au ciel. » Et comme nous ne pouvons obéir en tout à la volonté de Dieu, si le pain ne vient nous fortifier : « donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. » Et parce que nous sommes indignes du corps du Seigneur, tant que nous sommes souillés par le péché « pardonnez-nous nos offenses, etc.» Et afin que nous puissions comprendre et déplorer nos péchés, nous avons à demander par la prière que les tentations de l'ennemi ne nous renversent pas, aussi faut-il dire : « Et ne nous induisez point en tentation. » Nous ne pouvons résister à ces attaques si nous ne quittons pas les biens de la terre, aussi avons-nous à ajouter: Mais délivrez-nous du mal.» Si vous pardonnez aux hommes les offenses qu'ils ont commises contre vous, votre Père céleste vous remettra les péchés commis contre lui. Mais encore, le Seigneur posait une condition qui était lourde à remplir, c'est-à-dire : «pardonnez-nous comme nous pardonnons; » pour nous exciter à l'accomplir, il nous la présente comme médecine de nos péchés, disant qu'il nous pardonnera si nous voulons pardonner aux autres les manquements commis envers nous, que si nous refusons, il refusera de nous pardonner. Remarquez qu'il dit « aux hommes » et non vous hommes, parce que ceux à qui il faut pardonner sont des pécheurs.

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