PSAUME CXVIII-XXVIII
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VINGT-HUITIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.

LE PLUS JEUNE PEUPLE.

 

Le Prophète pleure sa faute à cause de la justice de Dieu, et dans la ferveur de son amour il veut le faire partager à ceux qui lui rendent le mal pour le bien ; il veut leur faire goûter les délices de sa pénitence. Il semble regretter que ses ennemis plus avancés en âge, et qui sont la figure de l’ancien peuple, aient oublié la loi de Dieu, tandis que lui, peuple nouveau, est resté fidèle à cette loi de Dieu au milieu des persécutions. Au milieu de ses angoisses, il demande l’intelligence, c’est-à-dire de connaître combien est méprisable ce que la persécution peut lui enlever; alors il vivra pour rendre témoignage à Dieu.

 

1. Celui qui chante notre psaume avait dit plus haut: « Mes yeux ont versé des torrents  de larmes, parce que je n’ai point gardé votre loi 1». Ce qui nous montre combien il a pleuré sa prévarication. Puis afin de nous donner raison de cette abondance de larmes, et de cette vive douleur due à son péché, il s’écrie : « Vous êtes juste, Seigneur, et votre jugement est droit. Vous avez imposé des préceptes qui sont la justice, et la plus sainte vérité 2 ». C’est donc cette justice de Dieu, qui est irréfragable jugement et vérité, que doit craindre tout pécheur. C’est par elle que sont damnés tous les damnés, et nul ne peut rejeter sa perte sur ce Dieu qui est justice. Voilà ce qui légitime les larmes du pénitent car tout coeur condamné pour son impénitence, est damné par la plus stricte justice. Le Prophète a raison de donner à la justice de Dieu le nom de témoignage, car Dieu se montre juste en nous imposant la justice. Il l’appelle aussi vérité, puisque Dieu se fait connaître aux hommes par de semblables témoignages.

2. Mais que dit ensuite le Prophète? « Mon zèle m’a consumé 3 » ; ou, comme on lit en d’autres exemplaires, « votre zèle ». Ailleurs on lit : « Le zèle de votre maison m’a dévoré 4 », et non « m’a desséché» ,ce qui est cité dans l’Evangile, comme on le sait 5. Toutefois, votre zèle m’a desséché, ressemble assez à: votre zèle m’a dévoré. Et cette version, « mon zèle », qu’on lit en plusieurs exemplaires, ne soulève aucune difficulté ; y a-t-il en effet rien d’étonnant qu’un homme soit desséché par zèle? Mais cette autre version:

« Votre zèle », nous indiquerait un homme

 

1. Ps. CXVIII, 136.— 2. Id. 137, 138.— 3. Id. 139.—  4. Id. LXVIII, 10. — 5. Jean, II, 17.

 

qui a du zèle pour Dieu et non pour lui-même. Cependant rien n’empêche de dire, « mon zèle ». L’Apôtre ne dit-il pas en effet: « Je vous aime de jalousie en Dieu, de tout le zèle de Dieu 1? » Dire : Je vous aime de jalousie, qu’est-ce que cela, sinon montrer son propre zèle? Mais quand il dit « en Dieu», il montre qu’il n’aime point pour lui, mais pour Dieu; de là cette parole : « Du zèle de Dieu ». C’est Dieu qui, par son Esprit, forme cette émulation dans le coeur des fidèles, émulation d’amour et non d’envie. Quelle sollicitude, en effet, mett0it dans la bouche de l’Apôtre cette parole? « Je vous ai fiancés », nous répond-il, « à cet unique époux, Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure. Mais je crains que comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits ne se corrompent, et ne dégénèrent de la simplicité, qui est selon Jésus-Christ 3 ». Il était dévoré du zèle de la maison de Dieu, non pour lui, mais pour le Christ. Car si l’époux aime l’épouse d’un amour de jalousie, l’ami de l’époux doit aimer cette épouse non pour lui-même, mais pour l’époux. On doit donc prendre en bonne part le zèle du Psalmiste; et il nous en indique la cause en disant: « Parce que mes ennemis ont oublié vos paroles ». Ils lui rendaient donc le mal pour le bien, puisqu’il les aimait en Dieu d’un zèle si saint et si violent, que ce zèle, selon son aveu, l’avait desséché; tandis que pour ce motif ils le poursuivaient de leurs inimitiés, car le zèle dont il les aimait le poussait à leur faire aimer Dieu. Dans sa reconnaissance pour cette grâce divine qui d’ennemi qu’il était, l’avait réconcilié avec Dieu, il aimait ses ennemis, et se sentait une sainte

 

1. II Cor. XI, 2. — 2. Id. 3.

 

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jalousie de les gagner à Dieu; il s’affligeait, il séchait de dépit de leur voir oublier ses paroles.

3. Considérant ensuite cette flamme d’amour qu’allume dans son coeur la parole de Dieu: « Votre parole est un feu ardent, et votre serviteur l’a aimée 1 ». C’est donc avec raison que le coeur impénitent de ses ennemis stimulait son zèle: ils avaient, eux, oublié la parole de Dieu, et il brûlait de les amener à ce qu’il aimait lui-même avec tant d’ardeur.

4. « Je suis plus jeune et méprisé », dit le Prophète, « mais je n’ai point oublié vos préceptes 2 » ; contrairement à mes ennemis qui ont oublié vos paroles. Plus jeune par l’âge, et n’ayant point oublié les préceptes de Dieu, il semble regretter que ses ennemis qui sont ses aînés, les aient oubliés. Que signifie, en effet, «je suis plus jeune, et toutefois je n’ai point oublié», sinon que ces anciens ont oublié? Il y a en effet dans le Neoteros, qu’on lit aussi dans le passage où il est dit: « En quoi le plus jeune redresse-t-il sa voix? » Ce mot « plus jeune», est un terme de comparaison, et dès lors est relatif aux plus âgés. Nous reconnaissons donc ici ces deux peuples qui luttaient jadis dans les entrailles de Rébecca: « Quand sans égard pour leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui appelle, il lui fut répondu : L’aîné servira le plus jeune 3 ». Mais ici le plus jeune se dit méprisé, et c’est en cela qu’il est devenu le plus grand; car Dieu a choisi ce qu’ il y a de plus bas et de plus méprisable dans le monde, et même les choses qui ne sont point, pour anéantir ce qu’il y de plus grand 4. Et voilà derniers ceux qui étainet premiers, et premiers ceux qui étaient derniers 5.

5. Or, ce n’est pas sans raison qu’ils ont oublié les paroles de Dieu, eux qui, dans l’ignorance

 

1. Ps. CXVIII, 140. — 2. Id. 141. — 3. Gen . XX, 22 23 ; Rom IX, 12, 13. — 4. I Cor. I, 28. — 5. Matth. XX, 16.

 

de la justice de Dieu, ont voulu établir leur propre justice 1; mais il ne les a point oubliées, ce plus jeune qui a voulu avoir, non sa propre justice, mais celle de Dieu, dont il dit maintenant : « Votre justice est justice pour, l’éternité, et votre loi est la vérité  même 2». Comment ne serait-elle point vérité, cette loi qui fait connaître le péché, et qui rend témoignage à la justice de Dieu? Voici en effet ce que dit l’Apôtre: «La justice de Dieu a été manifestée, affirmée par la loi et les Prophètes 3».

6. C’est pour cette loi que le plus jeune a souffert la persécution de la part de l’aîné, en sorte que ce plus jeune a pu dire: « La tribulation et l’angoisse ont fondu sur moi; vos préceptes sont toujours ma méditation 4 ». Qu’ils sévissent, qu’ils persécutent, pourvu que l’on n’abandonne point les commandements, et que selon ces commandements, on aime jusqu’aux persécuteurs.

7. « Vos jugements sont la justice éternelle : donnez-moi l’intelligence et je vivrai 5 ». Ce plus jeune demande l’intelligence, et pourtant, s’il ne l’avait point, il ne comprendrait pas mieux que les vieillards ; mais il la demande au milieu des angoisses et des tribulations, afin de comprendre combien il doit mépriser ce que peuvent lui enlever les persécutions de ses ennemis, dont il se dit méprisé. C’est pour cela qu’il ajoute : « Et je vie vrai », car si la tribulation et l’angoisse étaient poussées par ses persécuteurs jusqu’à lui ôter la vie, il vivrait néanmoins éternellement, lui qui préfère aux biens du temps, cette justice qui dure éternellement. Or, dans la tribulation et l’angoisse, cette justice devient le martyre de Dieu, ou le témoignage qui a valu aux martyrs la couronne glorieuse.

 

1. Rom. X, 9.— 2. Ps. CXVIII, 142.— 3. Rom. III, 20, 21.— 4. Ps. CXVIII, 143 — 5. Id. 144.

 

 

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