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LE III JUILLET. CINQUIÈME JOUR DANS L'OCTAVE DES SAINTS APOTRES PIERRE ET PAUL.Si parmi tous les Saints il n'en est pas qui ne mérite les hommages de la terre, et dont le nom ne soit puissamment secourable, le culte rendu à chacun d'eux, la confiance qui leur est témoignée, varient pourtant en la mesure de ce que nous connaissons de leur gloire. Il est donc juste, et c'est l'affirmation posée par saint Léon le Grand dans l'Office de ce jour, il est juste d'honorer davantage ceux que la grâce divine a tellement élevés entre tous, que, dans ce corps de l'Eglise qui a le Christ pour tête, ils sont établis comme les deux yeux éclairant tous les membres (1). C'est la raison qui fait qu'entre les nombreuses solennités consacrées sur le Cycle aux serviteurs de Dieu, il n'en est point qui soit supérieure à la fête des deux princes des Apôtres. Lorsque la pratique de l'Eglise inspirait les mœurs des particuliers et des peuples, la confiance des nations, la dévotion privée elle-même n'avaient pas d'autres appréciations, d'autres préférences que celles de la sainte Liturgie; et il serait long, trop long pour nous, de relever dans les histoires, chartes publiques ou simples contrats, monuments de toutes sortes, les preuves sans fin de 1. Sermo I in Nat. Apost. Lect. IIi Nocturni. 532 l'amour de nos pères pour le glorieux porte-clefs du royaume du ciel et son illustre compagnon armé du glaive. La foi était vive en ces temps. On comprenait que, de tous les biens départis par Dieu à la terre, il n'en est point qui égalent les grâces de sanctification, de doctrine, d'unité, dont Pierre et Paul avaient été, pour tous, les instruments prédestinés ; le cœur aussi s'élargissait avec l'intelligence; on voulait connaître la vie si touchante de ces pères du peuple chrétien; on leur tenait compte du dévouement avec lequel ils avaient, sans calculer, dépensé leurs sueurs et leur sang. Pourrait-on dire qu'il en est encore ainsi de nos jours? Combien de baptisés, catholiques de nom, parfois pratiquants, possèdent à peine sur le christianisme les élémentaires notions qui leur permettraient d'entrevoir, au moins confusément, l'importance du rôle qu'ont rempli dans l'humanité les fondateurs de l'Eglise ! Il en est d'autres, et, grâces à Dieu, leur nombre a grandi dans nos temps, qui tiennent à honneur d'avoir approfondi les principes sur lesquels repose la divine constitution de la société rachetée par le Sang du Seigneur.Ceux-là comprennent et ils révèrent la place auguste que Pierre et Paul ont occupée, qu'ils retiennent toujours dans l'économie du dogme chrétien. De ceux-là même néanmoins, en est-il beaucoup qui véritablement honorent comme ils doivent les deux princes des Apôtres? Ce qu'ils savent d'eux leur dit assez qu'il n'en peut être à leur égard comme pour d'autres bienheureux, dont on voit le culte s'étendre ou décroître, suivant les lieux, les temps, les circonstances : le culte de saint Pierre et de saint Paul tient par ses racines au fondement du catholicisme; soit dans 533 les peuples, soit dans les âmes,'il ne saurait s'amoindrir qu'au grand détriment du catholicisme lui-même. Mais tout culte n'est vrai, que s'il implique dévotion et amour ; et peut-on dire que, chez tous ceux dont nous parlons, la connaissance des saints Apôtres ait pénétré suffisamment de l'esprit jusqu'au cœur ? C'est que pour plusieurs cette connaissance, confinée dans la région de la théorie, demeure par trop impersonnelle aux deux Apôtres ; et que les principes les plus savamment déduits ne donnent point l'esprit de foi, qui réside au cœur et anime la vie. Qu'ils complètent donc leur science; sans perdre de vue les hauteurs du dogme, qu'ils sachent demander à la prière, à l'humble étude de l'Evangile, des Actes des Apôtres, de leurs lettres aux Eglises, des traditions ecclésiastiques, cette révélation tout intime de l'âme de Pierre et de celle de Paul qui ne peut manquer de les leur faire admirer, aimer surtout, autant et plus que leurs sublimes prérogatives. Peut-être alors s'étonneront-ils d'avoir connu si tard bien des détails précieux, et mille traits instructifs que les plus petits enfants des siècles réputés barbares eussent rougi d'ignorer. A coup sûr, ils auront joie de se sentir plus catholiques dans l'âme ; ils s'estimeront heureux d'avoir compris, de partager enfin la dévotion de l'humble femme du peuple et sa naïve confiance, mêlée de crainte, dans le portier du paradis. La belle Préface qui suit est empruntée au Missel Mozarabe. Elle chante les contrastes divins parmi lesquels aime à se jouer l'éternelle Sagesse, et qu'elle s'est plue à multiplier dans la vie des deux princes des Apôtres. 534 ILLATIO.Il est digne et juste, Père
tout-puissant, que nous vous rendions de
grandes grâces pour la multiple gloire des Apôtres Pierre et Paul; car vous les
avez gratifiés abondamment des dons les
plus divers en votre miséricordieuse
bonté. Vous avez fait d'eux les disciples de votre Fils, les maîtres des
nations. Pour la prédication de l'Evangile ils président dans le royaume des
cieux, ils sont enfermés dans d'étroits cachots. Us ont le pouvoir de délier
les péchés, ils sont liés par des chaînes de fer. Ils donnent la santé., et souffrent tous les maux. Ils commandent aux
démons, et par les hommes sont flagellés. Ils mettent en fuite chaque genre
de mort, et fuient la persécution.
Ils marchent sur la mer, et
peinent au travail; d'un mot
transportent les montagnes, et vivent du
labeur de leurs mains. Ils doivent juger les Anges, et subissent la question ; vivent avec Dieu, périclitent
sur la terre. Enfin le Christ se fait leur serviteur, lavant leurs pieds; et
leur visage est souffleté par la main de blasphémateurs. Rien n'a manqué
presque, en fait de misères, à leur patience; rien, en fait de succès, qui n'orne leur couronne de victoire. Si nous repassons
toutes les souffrances, tous les tourments qu'ils ont endurés pour attester la
foi véritable, ils l'emportèrent sur les Martyrs. Comme miracles, ils ont fait
par le Christ ce que fit le Christ même; comme passion, ils ont supporté,
devant nécessairement mourir, ce que lui a subi dans une mort volontaire : eux
par ses forces,lui par les siennes. Pour enseigner
avec autorité, entre lui et eux il y avait ressemblance, non égalité comme
docteurs. Pierre a accompli, dans son
temps, ce qu'il avait promis avant le temps. Il a donné sa vie pour celui qu'il
avait cru ne pouvoir renier autrefois. Comme, dans l'ardeur précipitée de son
très grand amour, il s'était engagé légèrement, sans comprendre que le
serviteur ne pouvait donner pour le Maître ce que le Maître n'eût auparavant
donné pour le serviteur : il ne refusa pas d'être crucifié comme lui, mais
n'eut pas la présomption d'être attaché de même. Le Maître était mort debout,
lui mourut renversé : signe de la majesté de celui qui montait dans les cieux;
marque de la fragilité de celui qui descendait vers la terre. Non inférieur en amour, Paul
se souvient de ce qu'il avait dit de lui-même : Le Christ est ma vie, et la
mort m'est un gain. Plein de joie, sous les coups du bourreau furieux, il offre
au Christ sa tête assouplie au joug; pour celui qui est la tête du corps des
élus dont il fait partie, il donne la tête de son propre corps. Les deux
soldats de Dieu se partagent la dépouille de la passion du Seigneur : l'un sur
le gibet, l'autre sous le glaive; Pierre par les clous. Paul dans le sang. Mort différente, même amour
en la mort ! Que l'Eglise catholique se réjouisse en leur enseignement, toute
piété au souvenir de cette mort, la ville de Rome à leurs tombeaux, chaque âme
chrétienne sous leur patronage. Or toutes ces choses, c'est vous qui les opérez,
ô Seigneur qui êtes désigné par les Prophètes, adoré
par les Anges, manifesté par la lumière apostolique au monde entier. C'est à
bon droit que tous les Anges et les Archanges ne cessent point de crier vers
vous, disant : Saint ! Saint ! Saint ! La même Liturgie Mozarabe emploie l'Hymne suivante, au jour de la Fête. Elle a pu être, non sans fondement, attribuée à saint Ambroise, et paraît avoir précédé dans l'usage liturgique l'Hymne d'Elpis. 537 HYMNE.Le martyre des Apôtres
consacre ce jour à jamais : c'est de Pierre le noble triomphe, c'est de Paul la
couronne. Unis et rapprochés dans le
sang de leur mort triomphante, les princes ont suivi Dieu ; ils ont reçu la
couronne de la foi du Christ. Le premier est l'Apôtre
Pierre, et Paul n'est point inférieur en grâce : le vase de sainte élection a
égalé la foi dé Pierre. La Croix tourne en terre son
sommet, Simon y rend honneur à Dieu ; il y monte et demeure suspendu,
se souvenant de l'oracle aui le concernait. Ainsi qu'il avait été dit,
ceint dans sa vieillesse et élevé par un autre, il a été où il ne voulait pas ;
mais sa volonté a vaincu la dure mort. Fondée dans un sang pareil,
ennoblie par un tel personnage, Rome alors est devenue la tête sublime de la
religion. Dans toute l'enceinte de la grande
ville, les foules se pressent en rangs serrés, pour aller dans trois directions
célébrer la fête des augustes martyrs. On dirait que le monde est
ici rassemblé, que c'est le rendez-vous des peuples de l'univers : c'est bien
ici la capitale des nations, élue pour telle comme siège du maître des nations. A Dieu le Père soit gloire,
et à son Fiis unique, ainsi qu'à l'Esprit Paraclet,
dans les siècles sans fin ! Amen. |