JEAN et PAUL

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PENTECOTE III
MARCELLIN
POTHIN
CLOTILDE
FRANÇOIS CARACCIOLO
BONIFACE
NORBERT
PRIME-FÉLICIEN
MARGUERITE
BARNABÉ
JEAN DE SAHAGUN
BASILIDE
LÉON III
ANTOINE DE PADOUE
BASILE LE GRAND
VITE
CYR et JULITTE
MARC et MARCELLIEN
JULIENNE FALCONIÉRI
GERVAIS et PROTAIS
SILVÈRE
LOUIS DE GONZAGUE
PAULIN
Vig. JEAN-BAPTISTE
NATIVITÉ JEAN-BAPTISTE
GUILLAUME
JEAN et PAUL
Oct. JEAN-BAPTISTE
Vig. PIERRE et PAUL
LEON II
IRÉNÉE
PIERRE et PAUL
Comm. S. PAUL
PRÉCIEUX SANG
Oct. JEAN-BAPTISTE
VISITATION
V Oct. PIERRE et PAUL
VI Oct. PIERRE et PAUL
ZACCARIA
Oct. PIERRE et PAUL
CYRILLE et MÉTHODE
WILLIAM
ALBAN

LE XXVI JUIN. LES SS. JEAN ET PAUL, MARTYRS.

 

Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.

Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ;et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef (1). Avec l'astucieuse habileté des traîtres

 

1. I Tim. VI, 13.

 

343

 

et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement. Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.

Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial,

 

344

 

sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ? Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.

Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête. Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne , cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur

 

345

 

leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux (1), Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage : « Tu as vaincu, Galiléen ! »

De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection. C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux

 

1. 26 juin 363.

 

346

 

avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes (1).

 

1. Bern. Ep. 386, al. 333, Joannis Casae-Marii ad Bern.

 

Lisons le simple et touchant récit consacré par l'Eglise aux deux frères.

 

Jean et Paul étaient frères et Romains. Ayant servi pieusement et fidèlement Constance, fille de Constantin, ils en avaient reçu de grands biens  avec lesquels ils nourrissaient les pauvres du Christ. Julien l'apostat les invita à prendre place parmi ses familiers ; mais ils répondirent avec liberté, qu'ils ne voulaient point demeurer chez un homme qui avait abandonné Jésus-Christ.  L'empereur leur donna dix jours pour  délibérer, leur faisant savoir que si, passé ce terme, ils refusaient de s'attacher a lui et de sacrifier à Jupiter, ils mourraient sans nul doute.

 

Ce temps fut mis par eux à profit pour distribuer le reste de leur fortune aux pauvres : ainsi devaient-ils s'en aller plus librement au Seigneur ; et le nombre, s'accroîtrait de ceux qui, en retour de leurs aumônes , les recevraient dans les tabernacles éternels. Le dixième jour,Térentianus ,  préfet des prétoriens, fut envoyé vers eux ; il apportait l'image de Jupiter qu'ils devaient adorer. On leur déclare l'ordre du prince : s'ils ne rendent leur culte à Jupiter, ils mourront. Sans interrompre leur prière, ils répondent qu'ils honorent de cœur et de bouche le Christ comme Dieu, et sont prêts à mourir pour sa foi.

 

Craignant qu'une exécution publique ne produisît quelque émotion dans le peuple, Térentianus les fit décapiter là même où ils étaient, dans leur propre maison. C'était le six des calendes de juillet. Ayant pris soin qu'on les ensevelit secrètement, le préfet répandit le bruit que Jean et Paul avaient été envoyés en exil. Mais leur mort fut divulguée par les esprits impurs qui tourmentaient les corps d'un grand nombre de personnes, entre lesquelles se trouva le fils même de Térentianus. Agité par le démon, on le conduisit au tombeau des martyrs, où il trouva sa délivrance. Sa conversion fut la suite du miracle, et Térentianus son père également crut au Christ : c est lui, dit-on même, qui écrivit l'histoire des bienheureux martyrs.

 

Nous donnons à la suites Antiennes et Répons propres dont  il est pairlé plus haut, et qui

 

348

 

se trouvent quant à l'ensemble, avec quelques variantes, dans les plus anciens Responsoriaux et An-tiphonaires parvenus jusqu'à nous. Le personnage mentionné dans l'une de ces Antiennes,sous le nom de Gallicanus , est un consulaire qui fut amené par les deux frères à la foi et à la sainteté ; sa mémoire était célébrée hier même au Martyrologe.

 

ANTIENNES ET RÉPONS.

 

 

Paul et Jean dirent à Julien : Nous adorons un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre.

Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est votre maître, ayez la paix avec lui ; pour nous, il n'en est point d'autre que le Seigneur Jésus-Christ.

Jean et Paul, connaissant bien la tyrannie de Julien, se mirent à distribuer leurs richesses aux pauvres.

Esprits célestes et âmes des justes, chantez un hymne à Dieu. Alléluia.

Jean et Paul dirent à Gallicanus : Faites un vœu au Dieu du ciel, et vous serez vainqueur mieux que vous ne l'avez été.

 

Ant. de MAGNIFICAT aux premières Vêpres. Les justes se sont tenus devant le Seigneur, et n'ont point été séparés l'un de l'autre ; ils ont bu le calice du Seigneur, et on les a appelés amis de Dieu.

 

A MAGNIF. aux deuxièmes Vêpres. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés qui sont devant le Seigneur ; ils ont la puissance d'empêcher le ciel de pleuvoir, et d'ouvrir ses portes ; car leurs langues sont devenues les clefs du  ciel.

 

A BENEDICTUS. Ce sont là les saints qui, pour l'amour du Christ, ont méprisé les menaces des hommes ; saints martyrs, ils tressaillent avec les anges dans le royaume des cieux ; oh ! qu'elle est précieuse la mort des saints, qui toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point sépares l'un de l'autre !

 

R/. Ce sont là les deux hommes de miséricorde, qui se tiennent devant le Seigneur * Souverain de toute la terre. V/. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés, présents devant le Seigneur * Souverain de toute la terre.

 

R/. J'ai vu, près l'un de l'autre, des hommes couverts de vêtements resplendissants ; et un ange du Seigneur m'a dit : * Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu. V/. J'ai vu un ange de Dieu, plein de force, volant par le milieu du ciel, criant d'une voix retentissante et disant : * Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu.

 

 

35o

 

Un double triomphe  éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne.  La lutte ne fut jamais un mal pour  l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur  terre, non la paix, mais le glaive (1). Aussi, jusqu'à la fin des siècles,  proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler  votre mépris au  tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve. Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences; où, parce que le péché  proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne  abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions  dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux,  le blasphème des habitants  de la cité maudite! Nos temps ont vu s'élever une

 

1. MATTH. X, 34.

 

351

 

persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence , ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.

Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave  poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle  l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue,  en raison de sa primauté , le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur. Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de  fermer les portes  du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre: bénissez les moissons prêtes à mûrir; soyez propices aux moissonneurs,  allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent  criminelle , l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs  (1).

 

1. MATTH. V, 45.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante