VENDREDI DE PAQUES

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PRÉFACE
CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRES VII-IX
PAQUES
LUNDI DE PAQUES
MARDI DE PAQUES
MERCREDI DE PAQUES
JEUDI DE PAQUES
VENDREDI DE PAQUES
SAMEDI DE PAQUES
QUASIMODO
ANNONCIATION

LE VENDREDI DE PAQUES.

 

 

Hœc dies quam fecit Dominus : exsultemus et laetemur in ea.

 

 

C'est le jour que  le Seigneur a fait : passons-le dans les transports de l'allégresse.

 

 

 

Il y a huit jours, nous entourions la croix sur laquelle  « l'homme des douleurs » (ISAIE, LIII. 3) expirait abandonné de son Père, et repoussé comme un faux Messie par le  jugement solennel de la Synagogue, et voici que le  soleil se lève aujourd'hui pour la sixième fois, depuis que le cri de l'Ange, proclamant la  Résurrection de l'adorable victime, s'est  fait  entendre. L'Epouse  qui naguère ,  le front  dans  la poussière ,  tremblait  devant  cette justice d'un Dieu qui se montre ennemi du péché, jusqu'à « ne pas épargner même son propre Fils» (Rom. VIII, 32), parce que ce Fils divin en portait la ressemblance, a relevé tout à coup la tète pour contempler le triomphe subit et éclatant de son Epoux qui la convie lui-même a la joie. Mais s'il est un jour dans cette Octave où elle doive exalter le triomphe d'un tel vainqueur, c'est assurément le Vendredi, où elle avait vu expirer,  «  rassasié d'opprobres » (Thren. III, 3o), celui-là même dont la victoire retentit présentement dans le monde

entier.

Arrêtons-nous donc aujourd'hui à considérer la Résurrection de notre Sauveur comme l'apogée de sa gloire personnelle, comme l'argument principal

 

338

 

 sur lequel repose notre foi en sa divinité. Si le Christ n'est pas ressuscite, nous dit l'Apôtre, notre foi est vainc « (I Cor. XV. 17) ; mais parce qu'il est ressuscite, notre foi est assurée. Jésus nous devait donc d'élever sur ce point notre certitude au plus haut degré; voyez s'il a manqué de le faire; voyez si, au contraire, il n'a pas porte en nous la conviction de cette vérité capitale jusqu'à la plus  souveraine évidence de fait. Pour cela deux choses étaient nécessaires  :  que sa mort fût lapins réelle, la mieux constatée, et que le témoignage qui atteste sa Résurrection fût le plus irréfragable à  notre raison. Le  Fils de Dieu n'a manqué à aucune de ces conditions ; il les a remplies avec un divin scrupule : aussi le  souvenir du triomphe qu'il a remporté sur la mort ne saurait-il s'effacer de la pensée des hommes ; et de là vient que nous éprouvons encore aujourd'hui, après dix-neuf siècles, quelque chose de ce frisson de terreur et d'admiration que ressentirent les témoins qui eurent à  constater ce passage subit de la mort à la vie.

Certes, il était bien réellement devenu la proie de la mort, celui que, vers la dixième heure du jour, Joseph d'Arimathie et Nicodème descendaient de la croix, et dont ils déposaient les membres roidis et sanglants entre les bras de la plus désolée des mères. L'affreuse agonie de la veille, lorsqu'il luttait avec les répugnances de son humanité, à la vue du calice qu'il était appelé à épuiser ; le brisement qu'avait éprouvé son cœur par suite de la trahison de l'un des siens et de l'abandon des autres; les outrages et les violences dont il fut assailli durant de longues heures ; l'effroyable flagellation que Pilate lui fit subir, dans le but d'apitoyer un peuple altéré de meurtre; la

 

339

 

croix, avec ses clous ouvrant quatre sources d'où le sang s'échappait à grands flots; les angoisses du cœur de l'agonisant, à la vue de sa mère éplorée à ses pieds ; une soif ardente qui consumait rapidement les dernières ressources de la vie ; enfin le coup de lance traversant la poitrine, et allant atteindre le cœur et faire sortir de son enveloppe les dernières gouttes de sang et d'eau : tels furent les titres de la mort pour revendiquer une si noble victime. C'est afin de vous glorifier, ô Christ, que nous les rappelons aujourd'hui : pardonnez à ceux pour lesquels vous avez daigné mourir , de n'oublier aucune des circonstances d'une mort si chère. Ne sont-elles pas aujourd'hui les plus solides assises du monument de votre résurrection ?

Il avait donc véritablement conquis la mort, ce vainqueur d'une nouvelle espèce qui s'était montré à la terre. Un fait surtout restait acquis à son histoire : c'est que sa carrière, passée tout entière dans une obscure contrée, s'était terminée par un trépas violent, au milieu des acclamations de ses indignes concitoyens. Pilate adressa à l'ibère les actes du jugement et du supplice du prétendu Roi des Juifs ; et dès ce moment l'injure fut toute prête pour les sectateurs de Jésus. Les philosophes, les beaux esprits, les esclaves de la chair et du monde, se les montreront du doigt, en disant : « Voila ces gens étranges qui adorent un Dieu mort sur une croix ». Mais si pourtant ce Dieu mort s'est ressuscité, que devient sa mort, sinon la base inébranlable sur laquelle s'appuie l'évidence de sa divinité? Il était mort et il s'est ressuscité ; il avait annoncé qu'il mourrait et qu'il ressusciterait ; quel autre qu'un Dieu peut tenir entre ses mains « les clefs de la mort et du tombeau » ? (Apoc. I, 17.)

 

340

 

Or il est ainsi. Jésus  mort est sorti  vivant du tombeau.  Comment  le savons-nous? — Par le témoignage de ses Apôtres,  qui L'ont vu vivant après sa mon. auxquels il s'est donne a toucher, avec Lesquels il a conversé durant quarante jours. Mais  ces  Apôtres, devons-nous les en croire? — Et qui pourrait douter du témoignage le plus sincère que le monde  entendit jamais ? Car quel intérêt auraient  ces  hommes à publier la gloire du maître auquel ils s'étaient donnés, et qui leur avait promis qu'après sa mort il ressusciterait, s'ils savaient qu'après avoir péri dans un supplice ignominieux pour eux aussi bien que pour lui, il n'a pas rempli sa promesse ? Que les princes des Juifs, pour décrier le témoignage de ces hommes,  soudoient les  gardes du  tombeau, afin de leur faire dire que, pendant qu'ils dormaient, ces pauvres  disciples  que la frayeur avait dispersés, sont venus durant la nuit enlever le corps ; on est en droit de leur répondre par cet éloquent sarcasme de saint Augustin : « Ainsi donc les témoins que vous produisez sont des témoins qui dormaient! Mais n'est-ce pas vous-mêmes qui dormez, quand vous vous épuisez à chercher une telle défaite (1) ? » Mais où les Apôtres auraient-ils pris le motif de prêcher une résurrection qu'ils auraient su n'être pas arrivée ? « A leurs yeux, remarque saint Jean Chrysostome, leur maître ne doit plus être qu'un faux prophète et un imposteur; et ils iront défendre sa mémoire  contre  une  nation tout entière ! Ils se dévoueront à tous  les mauvais traitements pour un homme qui les aurait trompés! Serait-ce dans l'espérance des promesses qu'il leur  avait faites? Mais s'ils savent qu'il n'a pas rempli  sa

 

1. Enarrat. In Psalm. LXIII.

 

341

 

promesse de ressusciter, quel fond peuvent-ils faire sur les autres (1)? » Non, il faut nier la nature humaine, ou reconnaître que le témoignage des Apôtres est un témoignage sincère.

Ajoutons maintenant que ce témoignage fut le plus indépendant de tous :  car il ne procurait d'autres avantages aux témoins que les supplices et la mort ; qu'il révélait dans ceux qui l'émettaient une assistance divine: car il faisait voir en eux, si timides la veille, une fermeté que rien ne fit jamais faiblir, et dans des hommes du peuple une assurance humainement inexplicable, et qui les  accompagna jusqu'au  sein  des capitales les plus civilisées, où ils firent de nombreuses conquêtes. Disons encore que les prodiges les plus frappants venaient confirmer leur témoignage, et réunir autour d'eux dans la foi de la Résurrection de leur maître des multitudes de toute langue et de toute nation; qu'enfin,  lorsqu'ils disparurent de la terre, après avoir scellé de leur sang le grand fait dont ils étaient  dépositaires,  ils avaient répandu dans toutes les régions du monde, et bien au-delà des frontières de l'Empire romain, la semence de leur doctrine, qui germa promptement et produisit une moisson dont la terre entière se vit bientôt couverte. Tout ceci n'engendre-t-il pas la plus ferme de toutes les certitudes sur le fait étonnant dont ces hommes étaient porteurs? Les récuser, ne serait-ce pas récuser en même temps les lois de la raison? O Christ! votre résurrection est certaine  comme votre mort ; la vérité a pu seule faire parler vos Apôtres ; seule elle peut expliquer le succès de leur prédication.

Mais le témoignage des Apôtres a cessé ; et un

 

1. In Matth. Homil. LXXXIX.

 

342

 

autre témoignage non moins imposant, celui de l'Eglise, est venu continuer le premier, et il proclame avec non moins d'autorité que Jésus n'est plus parmi les morts. L'Eglise attestant la résurrection de Jésus, c'est la voix de toutes ces centaines de millions d'hommes qui. chaque année depuis dix-huit siècles, ont fêté la Pâque. En face de ces milliards de témoignages de foi, y a-t-il place pour le doute ? Qui ne se sent écrasé sous le poids de cette acclamation qui n'a pas fait défaut une seule année, depuis que la parole des Apôtres est venue l'ouvrir? Et clans cette acclamation, il est juste de distinguer la voix de tant de milliers d'hommes doctes et profonds qui ont aimé à sonder toute vérité, et n'ont donne leur adhésion à la foi qu'après avoir tout pesé dans leur raison; de tant de millions d'autres qui n'ont accepté le joug d'une croyance si peu favorable aux passions humaines, que parce qu'ils ont vu clairement que nulle sécurité après cette vie n'était possible en dehors des devoirs qu'elle impose; enfin, de tant de millions d'autres qui ont soutenu et protégé la société humaine par leurs vertus, et qui ont été la gloire de notre race, uniquement parce qu'ils ont fait profession de croire au Dieu mort et ressuscité pour les hommes.

Ainsi s'enchaîne d'une façon sublime l'incessant témoignage de l'Eglise, c'est-à-dire de la portion la plus éclairée et la plus morale de l'humanité, à celui des premiers témoins que le Christ daigna se choisir lui-même : en sorte que ces deux témoignages n'en font qu'un seul. Les Apôtres attestèrent ce qu'ils avaient vu; nous, nous attestons, et nous attesterons jusqu'à la dernière génération, ce que les Apôtres ont prêché. Les Apôtres s'assurèrent par eux-mêmes du fait

 

343

 

qu'ils avaient à annoncer; nous nous assurons de la  véracité de leur parole. Après expérience, ils crurent; et après expérience, nous aussi nous croyons. Ils ont été  assez heureux pour voir, dès ce monde, le Verbe de vie, pour l'entendre, pour le toucher de leurs mains (I JOHAN. I) ; nous, nous voyons et nous entendons l'Eglise qu'ils avaient établie en tous lieux, mais qui ne faisait encore que sortir du berceau, lorsqu'ils furent enlevés de la terre. L'Eglise est le complément du Christ, qui l'avait annoncée aux Apôtres comme devant couvrir le  monde, bien que sortie du faible grain de sénevé. Sur ce sujet, saint Augustin, dans un de ses Sermons sur la Pâque, dit ces admirables paroles : « Nous ne voyons pas encore le Christ; mais nous  voyons  l'Eglise; croyons donc au Christ. Les Apôtres, au contraire, virent le Christ ; mais ils ne voyaient l'Eglise que par  la foi. L'une des deux choses leur était montrée, et l'autre était l'objet de  leur croyance ; il en est de même pour nous. Croyons au Christ que nous ne voyons pas encore; et en nous tenant attachés à l'Eglise que nous voyons, nous arriverons à celui dont la vue ne nous est que différée (1).  »

Ayant donc, ô Christ, par une si magnifique attestation, la certitude de votre Résurrection glorieuse, comme nous avons celle de votre mort sur l'arbre de la croix, nous confessons que vous êtes le grand Dieu, l'auteur et le souverain Seigneur de toutes choses. Votre mort vous a abaissé, et votre résurrection vous a élevé ; et c'est vous-même qui avez été l'auteur de votre abaissement et de votre élévation. Vous aviez dit devant vos

 

1. Sermo CCXXXVII. In diebus Paschalibus, X.

 

344

 

ennemis : « Personne ne m'ôte la vie; c'est moi-même qui la dépose; j'ai le pouvoir de la quitter, et j'ai aussi celui de la reprendre » (JOHAN. X. 18) ; un Dieu pouvait seul réaliser cette parole: vous l'avez accomplie dans toute son étendue ; en confessant voue Résurrection, nous confessons donc votre Divinité: rendez digne de vous l'humble et heureux hommage de notre foi.

 

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Sainte-Marie ad Martyres. Cette Eglise est l'ancien Panthéon d'Agrippa, dédié autrefois à tous les faux dieux, et concède par l'empereur Phocas au pape saint Boniface IV, qui le consacra à la Mère de Dieu et à tous les Martyrs. Nous ignorons eu quel sanctuaire de Rome avait lieu auparavant la Station d'aujourd'hui. Quand elle fut fixée à cette Eglise, au VII° siècle, les néophytes, réunis pour la seconde fois de cette Octave dans un temple dédié à Marie, devaient sentir combien l'Eglise avait à cœur de nourrir dans leurs âmes la confiance filiale en celle qui était devenue leur Mère, et qui est chargée de conduire elle-même à son Fils tous ceux qu'il appelle par sa grâce à devenir ses frères.

 

A LA MESSE.

 

L'Introït, tiré des Psaumes, rappelle aux néophytes le passage de la mer Rouge, et la puissance de ses eaux pour la délivrance d'Israël. Ces grands souvenirs continuent d'attirer l'attention de l'Eglise durant toute l'Octave de la Pâque.

 

INTROÏT.

 

Le Seigneur les a fait sortir  pleins d'espérance, alleluia ; et la mer a submergé leurs ennemis. Alleluia, alleluia, alleluia.

Ps. Mon peuple, écoute ma loi : incline ton oreille aux paroles de ma bouche. Gloire au Père. Le Seigneur.

 

 

La Pâque est la réconciliation de l'homme avec Dieu ; car le Père ne peut rien refuser a un vainqueur tel que son Fils ressuscité. L'Eglise demande , dans la Collecte, que nous demeurions toujours dignes d'une si belle alliance, en conservant fidèlement en nous le cachet de la régénération pascale.

 

COLLECTE.

 

Dieu tout-puissant et éternel, qui par le mystère de la Pâque avez formé un pacte de réconciliation avec l'humanité; accordez-nous de reproduire dans nos actions les vérités que nous professons en cette fête. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

On  ajoute  ensuite l'une des  deux Collectes ci-dessus, à la Messe du Mercredi, page 290.

 

ÉPÎTRE.

 

Lecture de l'Épître de saint Pierre, Apôtre. I Chap. III.

 

Mes bien-aimés, le Christ est mort une fois pour nos péchés, le juste pour les injustes, afin qu'il pût nous offrir à Dieu, étant mort en sa chair, mais ayant été ressuscité par l'Esprit. C'est par cet Esprit qu'il alla prêcher aux âmes qui étaient retenues en prison, et qui autrefois avaient été incrédules, lorsque aux jours de Noé ils s'attendaient à la patience de Dieu, pendant la fabrication de l'Arche, dans laquelle si peu de personnes, savoir huit seulement, furent sauvées au milieu des eaux. C'était la figure du baptême auquel vous devez d'être maintenant sauvés ; lequel ne consiste pas dans la purification des souillures du corps, mais dans la réponse que vous faites quand on vous demande si vous voulez garder en Dieu une conscience pure; et ce salut vous est donné par la résurrection de Jésus-Christ notre Seigneur, qui est à la droite de Dieu.

 

 

C'est encore l'Apôtre saint Pierre que nous entendons aujourd'hui dans l'Epître ; et ses enseignements sont d'une haute importance pour nos néophytes. L'Apôtre leur rappelle d'abord la visite que fit naguère l'âme du Rédempteur à ceux qui étaient captifs dans les régions inférieures de la terre, et parmi lesquels elle rencontra plusieurs de ceux qui autrefois avaient été victimes des eaux du déluge, et qui avaient trouvé leur salut sous ces vagues vengeresses; parce que ces hommes, incrédules d'abord aux menaces de Noé, mais bientôt abattus par l'imminence du fléau, regrettèrent leur faute, et en implorèrent sincèrement le pardon. De là l'Apôtre élève la pensée des auditeurs vers les heureux habitants de l'Arche, qui représentent nos néophytes, auxquels nous avons vu traverser l'eau, non pour périr sous cet élément, mais pour devenir, ainsi que les fils de Noé, les pères d'une

 

347

 

nouvelle génération d'enfants de Dieu. Le Baptême n'est donc pas, ajoute l’Apôtre,  un bain vulgaire; il est la purification des âmes, à la condition que ces âmes auront été sincères dans rengagement solennel qu'elles ont pris,  sur les bords de la  fontaine sacrée, d'être fidèles  au Christ qui les sauve, et de renoncer h Satan et à tout ce qui est de lui. L'Apôtre termine en nous montrant le mystère de la Résurrection de Jésus-Christ comme la source de la grâce du Baptême, dont l'Eglise a, pour cette raison, attaché l'administration solennelle à la célébration même de la Pâque.

 

GRADUEL.

 

C’est le jour que le Seigneur a fait : passons-le dans les transports de l'allégresse.

V/. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Le Seigneur Dieu a répandu sur nous sa lumière.

Alleluia, alleluia.

V/. Dites parmi les nations: Le Seigneur règne par le bois.

 

On chante ensuite la Séquence de la Messe du jour de Pâques, Victimae Paschali, page 194.

 

ÉVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXVIII.

 

En ce temps-là, les onze disciples s'en allèrent en Galilée, sur la montagne où Jésus leur avait commandé de se trouver. Et le voyant ils l'adorèrent; mais quelques-uns éprouvèrent du doute. Et Jésus s'approchant, leur parla et leur dit : Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre : allez donc et instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; leur enseignant à garder tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation du monde.

 

Dans ce passage de l'Evangile, saint Matthieu, celui des Evangélistes qui a raconté le plus brièvement la Résurrection du Sauveur, résume en quelques mots les relations de Jésus ressuscité avec ses disciples en Galilée. Ce fut là qu'il daigna se taire voir non seulement aux Apôtres, niais encore à beaucoup d'autres personnes. L'Evangéliste ne manque pas de remarquer qu'il y en eut plusieurs qui d'avance étaient disposés à croire, et quelques-uns qui passèrent d'abord par le doute. Il nous montre ensuite le Sauveur donnant à ses Apôtres la mission d'aller prêcher sa doctrine dans le monde entier ; et comme il ne doit plus mourir, il s'engage à demeurer avec eux jusqu'à la fin des temps. Mais les Apôtres ne vivront pas jusqu'au dernier jour du monde : comment donc s'accomplira la promesse ? C'est que les Apôtres, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure, se continuent dans l'Eglise; le témoignage des Apôtres et celui de l'Eglise s'enchaînent l'un à l'autre d'une manière indissoluble ; et Jésus-Christ veille à ce que ce témoignage unique soit aussi fidèle qu'il est incessant. Nous avons

 

349

 

aujourd'hui même sous les yeux un monument de sa force invincible. Pierre, Paul. Jean, ont prêché dans Rome la Résurrection de leur maître, et ils y ont jeté les fondements du christianisme; et cinq siècles après, l'Eglise, qui n'a cessé de continuer leurs conquêtes, recevait en hommage des  mains  d'un  empereur le temple vide et dépouillé de tous les faux dieux, et le successeur  de Pierre le dédiait à Marie, Mère de Dieu, et à toute cette légion de témoins de la Résurrection que l'on appelle les Martyrs. L'enceinte de ce vaste temple réunit en  ce  jour l'assemblée des fidèles. A la vue de ce superbe édifice qui a vu le feu des sacrifices païens s'éteindre faute d'aliment, et qui, après trois siècles d'abandon, comme pour expier son passé impie, maintenant purifié par l'Eglise, reçoit dans ses murs le peuple chrétien, comment nos néophytes ne diraient-ils pas : «  Il est vraiment ressuscité, le Christ qui, après être mort sur une croix, triomphe ainsi des Césars et des dieux de l'Olympe ? »

 

L'Offertoire est formé des paroles de l'Exode, dans lesquelles le Seigneur fait à son peuple le commandement de célébrer, chaque année, le jour anniversaire de son Passage. S'il en est ainsi pour un événement qui n'avait qu'une portée terrestre et figurative, avec quelle fidélité et quelle allégresse les chrétiens doivent-ils célébrer l'anniversaire de cet autre Passage du Seigneur, dont les conséquences embrassent l'éternité tout entière, et dont l'heureuse réalité a mis au néant toutes les figures !

 

OFFERTOIRE.

 

Ce jour vous demeurera en mémoire, alleluia  ; et vous en ferez une fête solennelle au Seigneur dans toutes vos générations, un jour de précepte à jamais. Alleluia, alleluia, alleluia.

 

La sainte Eglise, dans la Secrète, offre à Dieu le Sacrifice qui s'apprête, en faveur de ses nouveaux enfants ; elle demande qu'il serve au rachat de leurs pèches. Mais leurs pèches n'existent plus ? Il est vrai qu'ils ont été laves dans la fontaine du salut; mais la science divine prévoyait cette offrande d'aujourd'hui, et c'est en vue d'elle que la miséricorde a été octroyée, avant même que la condition eût été remplie dans le temps.

 

SECRETE.

 

AGRÉEZ, s'il vous plait, Seigneur, les hosties que nous vous offrons pour l'expiation des pèches de nos nouveau-nés, et pour hâter l'envoi du secours céleste. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

On ajoute une des Secrètes ci-dessus, page 297.

 

L'Antienne de la Communion proclame en triomphe le commandement du Sauveur à ses Apôtres et à son Eglise, d'enseigner toutes les nations, et de baptiser tous les peuples; c'est là le titre de leur mission; mais l'usage que les Apôtres en ont fait et que l'Eglise continue d'en faire, depuis dix-huit siècles, montre assez que celui qui a parlé ainsi est vivant et qu'il ne mourra plus.

 

COMMUNION.

 

Toute puissance m'a  été  donnée au ciel et sur la terre, alleluia ; allez et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Alleluia, alleluia.

 

L'Eglise, après avoir nourri ses enfants du pain de l'éternité, continue dans la Postcommunion à demander pour eux la rémission de ces fautes que l'homme commet dans le temps, et qui le perdraient pour toujours, si les mérites de la mort et de la Résurrection du Seigneur n'étaient pas sans cesse présents aux yeux de la divine justice.

 

POSTCOMMUNION.

 

Daignez, Seigneur, jeter un regard sur votre peuple ; et puisque, dans votre bonté, vous venez de le renouveler par le mystère éternel, veuillez aussi lui faire rémission des offenses qu'il a commises dans le temps. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

On ajoute une des deux Postcommunions ci-dessus, page 299.

 

Le sixième jour est arrivé, le jour qui vit la main du Fils de Dieu façonner avec l'argile le corps de l'homme, et d'un souffle de vie animer cette créature appelée à régner sur l'univers visible. Un seul commandement du Verbe divin avait suffi pour faire sortir de la terre tous les animaux qui vivent sur sa surface ; mais lorsque, vers la fin de cette grande journée, le Créateur se fut dit : « Faisons l'homme à notre image », il sembla se recueillir, et ce ne fut plus seulement le commandement qu'il employa ; il daigna se taire l'artisan de son ouvrage. Adorons cette souveraine bonté envers notre race, et, dans notre reconnaissance, célébrons le Vendredi comme le jour dans lequel le Fils de Dieu mit le complément à l'œuvre qu'il avait commencée le Dimanche, en installant dans ses honneurs le roi de la Création. Cependant ce jour a vu le Verbe divin faire plus encore pour l'homme. Il l'a vu revêtu de cette même humanité, ouvrage de ses mains, mourir attaché à une croix, pour sauver l'homme révolté et perdu par sa révolte. Jour sacré dans lequel s'unissent notre création et notre rédemption, tu nous parles de l'amour du Fils de Dieu pour nous plus éloquemment encore que de sa puissance! Exprimons nos sentiments en ce jour, par cette touchante prière que la Liturgie mozarabe emploie le Vendredi de l'Octave de Pâques.

 

CAPITULA.

 

O Dieu , Fils de Dieu, qui avez racheté par votre sang, au sixième âge du monde, l'homme que vous aviez tiré du néant le sixième jour; qui, créé dans le bien, se précipita dans le mal ; et qui a été en ces jours régénéré dans le mieux : faites que nous soyons si sincèrement pénétrés du mystère de notre rédemption, que nous méritions de nous glorifier toujours dans votre mort et dans votre résurrection. Daignez enfin, vous qui, au jour marqué pour le salut, êtes venu au secours de ce monde, et avez vaincu notre  mort en mourant vous-même, nous délivrer de l'éternelle damnation du jugement.

 

Ecoutons aujourd'hui les accents de l'Eglise arménienne célébrant la Résurrection du Sauveur. Sa voix retentit à travers treize siècles, dans ces strophes qu'une main fraternelle a bien voulu extraire et traduire, pour l'embellissement de notre œuvre, du livre des Hymnes de cette antique Eglise qui est désigné sous le nom de Charagan. Le sentiment est le même que celui qui s'exprime dans les autres Liturgies ; mais on y trouve le cachet du génie arménien, avec Le parfum de l'antiquité, et un lyrisme mâle et imposant qui surpasse en beauté celui de l'Eglise grecque.

 

IN RESURRECTIONE DOMINI.

 

Aujourd'hui est ressuscité d'entre les morts l'Epoux immortel et céleste : à toi la nouvelle joyeuse, ô Epouse, Eglise de la terre! Bénis ton Dieu, ô Sion, avec une voix d'allégresse.

 

Aujourd'hui l'ineffable Lumière de lumière a illuminé tes enfants, illumine-toi, Jérusalem ; car le Christ, ta lumière, est ressuscité.

 

Aujourd'hui les ténèbres de l'ignorance ont été dissipées par la triple lumière; et la lumière de la science s'est levée, le Christ ressuscitant d'entre les morts.

 

Aujourd'hui est notre Pâque, par l'immolation du Christ; nous tous, renouvelés du vieil homme et du péché, faisons fête avec transport ; disons : Le Christ est ressuscité d’entre les morts.

 

Aujourd'hui l'Ange descendu du ciel et tout éclatant de splendeur a effrayé les gardes : il a parlé aux saintes femmes, et leur a dit : Le Christ est ressuscité d'entre les morts.

 

Aujourd'hui la grande nouvelle a été apportée à Adam le premier créé : Toi qui dors, fève-toi ; le Christ, Dieu de nos pères, vient l'éclairer.

 

Aujourd'hui la voix de ses filles qui portent des parfums retentit aux oreilles d Eve : Nous avons vu ressuscité celui qui est ta résurrection, le Christ Dieu de nos pères.

 

Aujourd'hui les Anges descendant du ciel disent aux hommes : Le crucifié est ressuscite, et il vous fait ressusciter avec lui.

 

Aujourd'hui, par ta sainte résurrection, ô Christ, tu as changé la Phase des misères d'Israël dans la Pâque qui sauve les âmes.

 

Aujourd'hui, en place du sang des agneaux sans raison, tu nous as donné, ô Agneau de Dieu, ton sang qui opère le salut.

 

Aujourd'hui, à la place du rachat des premiers-nés, tu as substitue le rachat des captifs, toi qui es le premier-né d'entre les morts, les prémices de la vie à ceux qui dormaient.

 

Aujourd'hui les Anges dans les cieux partagent la joie des hommes ; ils descendent des régions célestes, et viennent dire à ce monde: Triomphez maintenant ; le Christ est ressuscité d'entre les morts.

 

Aujourd'hui l'Ange qui veille  assis sur la pierre, faisait entendre sa voix éclatante  aux saintes femmes qui portaient leurs parfums; il leur ordonnait d'aller dire aux disciples : Triomphez maintenant ; le Christ est ressuscité d'entre les morts.

 

Aujourd'hui celui qui est la Pierre de la foi et Jean le bien-aimé couraient ensemble au sépulcre du ressuscité ; et racontant ce qu'ils ont vu, ils disent : Le Christ est ressuscité d'entre les morts.

 

Aujourd'hui, nous aussi, dans notre allégresse, illuminons-nous des splendeurs d'une telle fête; Dieu est apaisé; donnons-nous le baiser avec amour, et crions ensemble : Le Christ est ressuscité d'entre les morts.

 

Nous terminons cette journée par une Séquence tirée du répertoire d'Adam de Saint-Victor, dont nous n'avons pas encore épuisé toutes les richesses. Plusieurs des traits que renferme cette pièce la désignaient à notre choix pour le Vendredi de l'Octave.

 

356

 

SÉQUENCE.

 

Au sixième jour le Christ avait souffert ; au troisième jour il ressuscite. Victorieux, il se lève ; et il associe à sa gloire ceux qu'il aime.

 

Pour son peuple fidèle, il s'immole sur le gibet de la croix; on l'enferme dans le tombeau, et il ressuscite au point du jour.

 

La croix du Christ et sa passion, c'est là notre sauvegarde, si nous sommes fermes dans La foi; la résurrection du Christ nous don ne de sortir du péché.

 

Mourant pour nos crimes, le Christ fut notre hostie de réparation ; son sang versé est pour nous le bain qui purifie ; sa force terrasse notre ennemi.

 

Il est mort une fois; c'en est assez pour nous arracher à notre double mort ; il nous fraie le sentier de la vie, apaisant pour toujours nos gémissements et nos lamentations.

 

Ce fort Lion montre aujourd'hui sa puissance en sortant du tombeau, en renversant par les armes de la justice le  prince d'iniquité.

 

 

C'est le Seigneur lui-même qui a l'ait ce jour, dans lequel il lave notre crime, dans lequel la mort succombe, la vie est restituée et l'ennemi abattu.

 

Chantons d'un cœur pur un double Alleluia ; car en ce jour le péché est effacé, et la vie nous est promise dans le siècle futur.

 

Quand le soir du monde sera venu, daignez, ô Christ, ressusciter vos fidèles ; en attendant, rendez-leur salutaire ce jour consacré à vos grandeurs. Amen.

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante