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XIII JANVIER. L'OCTAVE DE L'EPIPHANIELe second Mystère de l'Epiphanie, le Mystère du Baptême du Christ dans le Jourdain, occupe aujourd'hui tout spécialement l'attention de l'Eglise. L'Emmanuel s'est manifesté aux Mages après s'être montré aux bergers ; mais cette manifestation s'est passée dans l'enceinte étroite d'une étable à Bethléhem, et les hommes de ce monde ne l'ont point connue. Dans le mystère du Jourdain, le Christ se manifeste avec plus d'éclat. Sa venue est annoncée par le Précurseur ; la foule qui s'empresse vers le Baptême du fleuve en est témoin ; Jésus prélude à sa vie publique. Mais qui pourrait raconter la grandeur des traits qui accompagnent cette seconde Epiphanie ? Elle a pour objet, comme la première, l'avantage et le salut du genre humain; mais suivons la marche des Mystères. L'étoile a conduit les Mages vers le Christ ; ils attendaient, ils espéraient ; maintenant, ils croient. La foi dans le Messie venu commence au sein de la Gentilité. Mais il ne suffit pas de croire pour être sauvé ; il faut que la tache du péché soit lavée dans l'eau. « Celui qui a croira et qui sera baptisé sera sauvé (1) » : il est donc temps qu'une nouvelle manifestation du Fils de Dieu se fasse, pour inaugurer le grand remède 1. Marc, XVI, 16. 216 qui doit donner à la Foi la vertu de produire la vie éternelle. Or, les décrets de la divine Sagesse avaient choisi l'eau pour l'instrument de cette sublime régénération de la race humaine. C'est pourquoi, à l'origine des choses, l'Esprit de Dieu nous est montré planant sur les eaux, afin que, comme le chante l'Eglise au Samedi saint, leur nature conçût déjà un principe de sanctification. Mais les eaux devaient servir à la justice envers le monde coupable, avant d'être appelées à remplir les desseins de la miséricorde. A l'exception d'une famille, le genre humain, par un décret terrible, disparut sous les flots du déluge. Toutefois, un nouvel indice de la fécondité future de cet élément prédestiné apparut à la fin de cette terrible scène. La colombe, sortie un moment de l'arche du salut, y rentra, ponant un rameau d'olivier, symbole de la paix rendue à la terre après l'effusion de l'eau. Mais l'accomplissement du mystère annoncé était loin encore. En attendant le jour où ce mystère serait manifesté, Dieu multiplia les figures destinées à soutenir l'attente de son peuple. Ainsi, ce fut en traversant les flots de la Mer Rouge, que ce peuple arriva à la Terre promise ; et durant ce trajet mystérieux, une colonne de nuée couvrait à la fois la marche d'Israël, et ces flots bénis auxquels il devait son salut. Mais le contact des membres humains d'un Dieu incarné pouvait seul donner aux eaux cette vertu purifiante après laquelle soupirait l'homme coupable. Dieu avait donné son Fils au monde, non seulement comme le Législateur, le Rédempteur, la Victime de salut, mais pour être aussi le Sanctificateur des eaux ; et c'était au sein de cet 217 élément sacré qu'il devait lui rendre un témoignage divin, et le manifester une seconde fois. Jésus donc, âgé de trente ans, s'avance vers le Jourdain, fleuve déjà fameux par les merveilles prophétiques opérées dans ses eaux. Le peuple juif, réveillé par la prédication de Jean-Baptiste, accourait en foule pour recevoir un Baptême, qui pouvait exciter le regret du péché, mais qui ne l'enlevait pas. Notre divin Roi s'avance aussi vers le fleuve, non pour y chercher la sanctification, car il est le principe de toute justice, mais pour donner enfin aux eaux la vertu d'enfanter, comme chante l'Eglise, une race nouvelle et sainte. Il descend dans le lit du Jourdain, non plus comme Josué pour le traverser à pied sec, mais afin que le Jourdain l'environne de ses flots, et reçoive de lui, pour la communiquera l'élément tout entier, cette vertu sanctifiante que celui-ci ne perdra jamais. Echauffées par les divines ardeurs du Soleil de justice, les eaux deviennent fécondes, au moment où la tête sacrée du Rédempteur est plongée dans leur sein parla main tremblante du Précurseur. Mais, dans ce prélude d'une création nouvelle, il est nécessaire que la Trinité tout entière intervienne. Les cieux s'ouvrent ; la Colombe en descend, non plus symbolique et figurative, mais annonçant la présence de l'Esprit d'amour qui donne la paix et transforme les cœurs. Elle s'arrête et se repose sur la tête de l'Emmanuel, planant à la fois sur l'humanité du Verbe et sur les eaux qui baignent ses membres augustes. Cependant le Dieu-Homme n'était pas manifesté encore avec assez d'éclat ; il fallait que la parole du Père tonnât sur les eaux, et les remuât jusque dans la profondeur de leurs abîmes. Alors 218 se fit entendre cette Voix qu'avait chantée David : Voix du Seigneur qui retentit sur les eaux, tonnerre du Dieu de majesté qui brise les cèdres du Liban, l'orgueil des démons, qui éteint le feu de la colère céleste, qui ébranle le désert, qui annonce un nouveau déluge (1), un déluge de miséricorde; et cette voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui f ai mis toutes mes complaisances. Ainsi fut manifestée la Sainteté de l'Emmanuel par la présence de la divine Colombe et par la voix du Père,comme sa Royauté avait été manifestée par le muet témoignage de l'Etoile. Le mystère accompli,l'élément des eaux investi de la vertu qui purifie, Jésus sort du Jourdain et remonte sur la rive, enlevant avec lui, selon la pensée des Pères, régénéré et sanctifié, le monde dont il laissait sous les flots les crimes et les souillures. Elle est grande, cette fête de l'Epiphanie, dont l'objet est d'honorer de si hauts mystères ; et nous n'avons pas lieu de nous étonner que l'Eglise orientale ait fait de ce jour une des époques de l'administration solennelle du Baptême. Les anciens monuments de l'Eglise des Gaules nous apprennent que cet usage s'observa aussi chez nos aïeux ; et plus d'une fois dans l'Orient, au rapport de Jean Mosch, on vit le sacré baptistère se remplir d'une eau miraculeuse au jour de cette grande fête, et se tarir de lui-même après l'administration du Baptême. L'Eglise Romaine, dès le temps de saint Léon, insista pour faire réserver aux fêtes de Pâques et de Pentecôte l'honneur d'être les seuls jours consacrés à la célébration solennelle du premier des Sacrements; mais l'usage se conserva et dure encore, en plusieurs lieux de 1. Psalm. XXVIII. 219 l’Occident, de bénir l'eau avec une solennité toute particulière, au jour de l'Epiphanie. L'Eglise d'Orient a gardé inviolablement cette coutume. La fonction a lieu, pour l'ordinaire, dans l'Eglise; mais quelquefois, au milieu de la pompe la plus imposante, le Pontife se rend sur les bords d'un fleuve, accompagné des prêtres et des ministres revêtus des plus riches ornements, et suivi du peuple tout entier. Après des prières d'une grande magnificence, que nous regrettons de ne pouvoir insérer ici, le Pontife plonge dans les eaux une croix enrichie de pierreries qui signifie le Christ, imitant ainsi l'action du Précurseur. A Saint-Pétersbourg, la cérémonie a lieu sur la Neva ; et c'est à travers une ouverture pratiquée dans la glace que le Métropolite fait descendre la croix dans les eaux. Ce rite s'observe pareillement dans les Eglises de l'Occident qui ont retenu l'usage de bénir l'eau à la Fête de l'Epiphanie. Les fidèles se hâtent de puiser, dans le courant du fleuve, cette eau sanctifiée ; et saint Jean Chrysostome, dans son Homélie vingt-quatrième, sur le Baptême du Christ, atteste, en prenant à témoin son auditoire, que cette eau ne se corrompait pas. Le même prodige a été reconnu plusieurs fois en Occident. Glorifions donc le Christ, pour cette seconde manifestation de son divin caractère, et rendons-lui grâces, avec la sainte Eglise, de nous avoir donné, après l'Etoile de la foi qui nous illumine, l'Eau puissante qui emporte nos souillures. Dans notre reconnaissance , admirons l'humilité du Sauveur qui se courbe sous la main d'un homme mortel, afin d'accomplir toute justice, comme il le dit lui-même ; car, ayant pris la forme du péché, il était nécessaire qu'il en portât l'humiliation 220 pour nous relever de notre abaissement. Remercions-le pour cette grâce du Baptême qui nous a ouvert les portes de l'Eglise de la terre et de l'Eglise du ciel. Enfin, renouvelons les engagements que nous avons contractés sur la fontaine sacrée, et qui ont été la condition de cette nouvelle naissance. LA MESSE DE L'OCTAVE de l'Epiphanie.L'Introït, l'Epître, le Graduel, le Verset alléluiatique, l'Offertoire, la Communion, sont les mêmes qu'au jour de la Fête. INTROÏT.IL est venu, le dominateur,
le Seigneur: le règne est dans sa main, et la puissance, et l'empire. Ps. O Dieu ! donnez au Roi
votre science du jugement, et au fils du Roi le soin de votre justice. Gloire au
Père. Il est venu. Dans la Collecte, l'Eglise demande pour ses enfants la grâce d'être rendus semblables à Jésus-Christ qui a apparu dans le Jourdain, rempli de l'Esprit-Saint, l'objet des complaisances du Père céleste, mais revêtu de notre nature, et fidèle dans l'accomplissement de toute justice. COLLECTE.O Dieu ! dont le Fils unique
est apparu sur la terre, revêtu de la substance de notre chair; faites, s'il
vous plaît, que nous méritions d'être réformés intérieurement par Celui que
nous avons reconnu semblable à nous extérieurement ; lui qui, étant Dieu, vit
et règne avec vous. ÉPÎTRE.Lecture du Prophète Isaïe. CHAP. LX. Lève-toi, Jérusalem, sois
illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur
toi. Les ténèbres couvriront la terre, une nuit sombre enveloppera les peuples
; mais sur toi le Seigneur se lèvera, et sa gloire éclatera sur toi. Et les
Nations marcheront à ta lumière, et les Rois à la splendeur de ta clarté
naissante. Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci, que
tu vois rassemblés, sont venus pour toi. Des fils te sont venus de loin, et des
filles se lèvent à tes côtés. En ce jour tu verras, et tu seras dans l'opulence , et ton cœur i sera dans l'admiration, et il se
dilatera en ce jour où la multitude des nations qui habitent les bords de la
mer se tournera vers toi. Les chameaux, les dromadaires de Madian et d'Epha arriveront chez toi comme un déluge : la foule viendra
de Saba t'apporter l'or et l'encens, en chantant la louange du Seigneur. 222 GRADUEL.La foule viendra de Saba
t'apporter l'or et l'encens, en chantant la louange du Seigneur. V/. Lève-toi, Jérusalem, sois
illuminée, parce que la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Alleluia, alleluia. V/. Nous avons vu son étoile
en Orient, et nous sommes venus, avec des présents,
adorer le Seigneur. Alleluia. EVANGILE.La suite du saint Evangile selon saint Jean. CHAP. I. En ce temps-là, Jean vit
Jésus qui venait à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu ; voici Celui qui
ôte les péchés du monde. C'est Celui duquel j'ai dit : Il vient après moi un
homme qui a été préféré à moi, parce qu'il était avant moi. Je ne le
connaissais pas ; mais je suis venu baptiser dans l'eau, afin qu'il soit connu
dans Israël. Et Jean rendit alors ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du
ciel comme une colombe, et demeurer sur lui. Pour moi, je ne le connaissais pas
; mais Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit : Celui sur qui tu
verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est Celui qui baptise dans le
Saint-Esprit. Et je l'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de
Dieu. Céleste Agneau ! vous êtes descendu dans le fleuve pour le purifier ; la divine Colombe est venue des hauteurs du ciel unir sa douceur à la vôtre, et vous êtes remonté sur la rive. Mais, ô prodige de votre miséricorde ! les loups sont descendus après vous dans les eaux sanctifiées ; et voilà qu'ils reviennent vers vous transformés en agneaux. Nous tous, immondes par le péché, nous devenons, au sortir de la fontaine sacrée, ces blanches brebis de votre divin Cantique, qui remontent du lavoir, toutes fécondes, pas une stérile ; ces pures colombes qui semblent s'être baignées dans le lait, et qui ont fixé leurs demeures auprès des claires fontaines : tant est puissante la vertu de purification que votre divin contact a donnée à ces eaux ! Conservez en nous cette blancheur qui vient de vous, ô Jésus! et si nous l'avons perdue, rendez-nous-la par le baptême de la Pénitence, qui seul peut nous restituer la candeur de notre premier vêtement. Epanchez plus encore ce fleuve d'amour, ô Emmanuel ! Que ses flots aillent chercher jusqu'au fond de leurs déserts sauvages ceux qu'ils n'ont pas touchés jusqu'ici ; inondez la terre, ainsi que vous l'avez promis. Souvenez-vous de la gloire dans laquelle vous fûtes manifesté au milieu du Jourdain ; oubliez les crimes qui depuis trop longtemps retardent la prédication de votre Evangile sur ces plages désolées ; le Père céleste ordonne à toute créature de 224 vous écouter : parlez à toute créature, ô Emmanuel ! OFFERTOIRE.Les Rois de Tharsis et des
îles lointaines lui offriront des présents ; les Rois d'Arabie et de Saba lui
apporteront leurs dons ; tous les Rois de la terre l'adoreront ; toutes les
nations lui seront assujetties. Dans la Secrète, l'Eglise proclame encore la divine Apparition, et supplie l'Agneau qui, par son Sacrifice, nous a procuré de pouvoir offrir à Dieu une hostie pure, de vouloir bien agréer cette hostie dans sa miséricordieuse clémence. SECRÈTE.Nous vous présentons ces hosties , Seigneur, en mémoire de la manifestation de votre
Fils incarné, vous suppliant que, comme il est l'auteur de ces dons, il les
reçoive avec miséricorde, Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et règne avec
vous. COMMUNION.Nous avons vu son étoile en Orient , et nous sommes venus , avec des présents , adorer
le Seigneur. En rendant grâces pour la nourriture céleste qu'elle vient de recevoir, la sainte Eglise implore le secours continuel de cette Lumière divine qui a apparu sur elle, et qui la rendra capable de contempler la pureté de l'Agneau, et de l'aimer comme sa tendresse le mérite. POSTCOMMUNION.Prévenez-nous, en tout temps
et en tout lieu de votre céleste lumière, nous vous en supplions, Seigneur;
afin que, comme vous avez voulu que nous fussions participants de ce Mystère,
nous puissions le contempler d'un œil pur et le recevoir avec une affection
digne de sa sainteté. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Chantons encore la divine Théophanie, en réunissant dans un seul concert la voix de toutes les Eglises. Saint Hilaire de Poitiers ouvrira nos cantiques par l'Hymne où il célèbre à la fois les trois Mystères de cette grande Octave. HYMNE.Le miséricordieux Rédempteur
des peuples, Jésus , brille aujourd'hui d'une triple
splendeur. Que la race entière des fidèles lui consacre ses louanges et ses
cantiques. Une étoile brillante, qui
scintille au ciel, annonce sa Naissance; elle précède les Mages et les conduit à son berceau. Ils tombent aux pieds de cet
enfant ; ils l'adorent dans les langes, ils le confessent pour un Dieu, et lui
offrent de mystiques présents. Ayant trente fois parcouru le
cycle de l'année, et avancé dans les jours de sa vie mortelle, Jésus demande
l'eau du baptême, lui qui est exempt de toute souillure. L'heureux Jean frémit à la
pensée de plonger dans le fleuve Celui dont le sang a
la vertu d'effacer les péchés du monde. La voix imposante du Père
proclame le Fils du haut des cieux, et la vertu de l'Esprit, source des dons
sacrés, descend visiblement. Vous dont les ordres
tout-puissants font rougir l'eau dans les vases du festin, ô Christ, nous vous
en supplions , étendez sur nous tous votre protection. A la souveraine Trinité,
louange, honneur, puissance et gloire, à jamais, dans tous les siècles des
siècles. Amen. L'Eglise Ambrosienne nous prête ses mélodieux accents pour honorer le Baptême du Christ, dans cette belle Préface de son Missel. PREFACE.IL est véritablement digne,
juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces partout et
toujours, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui vous êtes
manifesté à nous du haut du ciel, dans une voix tonnante, sur les eaux du
Jourdain; pour nous montrer le Sauveur céleste, et vous manifester à nous comme
le Père de la lumière éternelle, vous avez ouvert les cieux, sanctifié les
airs, purifié la fontaine, et désigné votre Fils unique par l'Esprit-Saint apparaissant sous la forme d'une colombe.
Aujourd'hui les eaux ont reçu votre bénédiction et ont enlevé notre malédiction
; elles ont reçu la vertu de produire dans les croyants la purification de tous
les péchés, et d'opérer l'adoption des enfants de Dieu pour la vie éternelle.
Ceux que la naissance charnelle avait produits pour la vie du temps, ceux que,
par suite de leur prévarication, la mort tenait en sa puissance, la vie
éternelle les a reçus et les a rappelés à la gloire du céleste royaume. Les vénérables Antiennes que nous donnons ci-après, restes précieux de l'antique Liturgie Gallicane, ont une origine orientale, et sont encore conservées au Bréviaire de Cîteaux. ANTIENNESLe Sauveur, voulant
renouveler l'homme ancien, vient au Baptême, afin de régénérer par l'eau la
nature corrompue ; il nous revêt d'un vêtement incorruptible. Vous qui, dans l'Esprit et
dans le feu, purifiez l'humaine contagion, nous vous glorifions, notre Dieu et
Rédempteur ! Jean-Baptiste tremble et
n'ose toucher la tête sacrée de son Dieu. Dans sa frayeur, il s'écrie : Sanctifiez-moi
vous-même, ô Sauveur ! Le Sauveur a brisé, dans le
fleuve du Jourdain, la tête du dragon ; il nous a arrachés tous à sa puissance. Un grand Mystère est déclaré
aujourd'hui : le créateur de toutes choses lave nos crimes dans le Jourdain. Le soldat baptise son Roi,
l'esclave son maître, Jean son Sauveur ; l'eau du Jourdain s'est émue, la
Colombe a rendu témoignage, la voix du Père s'est fait entendre : Celui-ci est
mon Fils. Les sources des eaux furent
sanctifiées au moment où le Christ apparaissait dans sa gloire. Toute la terre,
venez puiser les eaux dans la source du Sauveur ; car le Christ notre Dieu
sanctifie aujourd'hui toute créature. 129 Le moyen âge des Eglises d'Occident a produit cette Séquence, que nous empruntons aux anciens Missels de Paris. Elle chante les trois Mystères de l'Epiphanie. SÉQUENCE.Un astre au lever
merveilleux, annoncé par les Prophètes, signale aujourd'hui le lever du divin
Soleil. Cet astre vient éclairer les
Mages ; Hérode en est ébranlé ; la Gentilité aborde à Jésus, le port de la
paix. L'étoile annonce l'Enfant
créateur des astres, vengeur des crimes, le Dieu fort. Des présents mystiques le
proclament arbitre du monde , et notre Rédempteur par
sa mort. Il est plongé dans les eaux,
et dans les eaux il répand une vertu qui efface le péché d'Adam. La Colombe paraît
, la voix du Père adopte le Fils, dont la gloire éclate par ces
prodiges. La parole de Jean rend son
témoignage, et la loi d'amour prend commencement. Les conviés sont dans la
joie, quand l'eau des fontaines vient faire l'office d'un vin généreux. Au sein d'une Vierge, épouse
sans tache, le Verbe du Père contracte une alliance d'amour. Qu'il daigne laver nos
crimes, délier nos chaînes,nous protéger à jamais, par
les prières de sa Mère. Amen. L'Eglise Grecque nous fournit, dans ses Menées, ce magnifique ensemble de poésie, de doctrine et de piété, en l'honneur du Baptême de l'Agneau dans le Jourdain : VI DIE JANUARII, IN THEOPHANIA.Le Jourdain remonta un jour
vers sa source à l'attouchement de la melote
d'Elisée, lorsqu'Elie fut enlevé au ciel ; les ondes
du fleuve se divisèrent, et une voie solide s'ouvrit au Prophète, et cette voie
était à travers les eaux en figure du Baptême par lequel nous traversons le
fleuve de la vie. Le Christ est apparu : il vient renouveler toute créature. Aujourd'hui la nature des
eaux est sanctifiée, le Jourdain est divisé ; il suspend le cours de ses
sources à l'aspect du Seigneur qui vient s'y baigner. O Christ Roi ! tu es venu au fleuve comme un homme, recevoir le Baptême des
serviteurs ; tu t'empresses, ô miséricordieux, de te placer sous la main du
Précurseur, pour nos péchés, ô ami des hommes ! A la voix de celui qui crie
dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, tu es venu, Seigneur,
prenant la forme d'esclave, implorant le Baptême, toi qui ignores le péché. Les eaux t'ont vu, et elles
ont tremblé. Le Précurseur a été saisi de crainte, et il s'est écrié, disant :
« Comment la faible lampe allumera-t-elle la Lumière? Comment le serviteur imposera-t-il
la main sur le Maître? Sanctifie-moi, et sanctifie les eaux, ô Sauveur! qui effaces le péché du monde. » La main tremblait, la main du
Précurseur, du Baptiste, du Prophète, honoré plus que tous les Prophètes ; car
il contemplait l'Agneau de Dieu qui lave le péché du monde, et, dans son
trouble, il s'écriait: « O Verbe ! je n'ose mettre ma
main sur ta tête : sanctifie-moi et m'éclaire, ô miséricordieux ! car tu es la vie, la lumière, et la paix du monde. » C'était chose merveilleuse de
voirie Seigneur du ciel et de la terre, dépouillé, dans le fleuve, recevant de
sa créature le baptême pour notre salut, comme un serviteur ; et les chœurs des
Anges étaient muets dans la crainte et l'allégresse : unis à eux, nous
t'adorons; sauve-nous. Lève vers lui pour nous, ô
Baptiste, lève ta main, comme ayant puissance, cette main qui toucha la tête du
Seigneur que personne n'avait touchée, cette main dont un doigt nous désigna
l'Agneau ; car par lui tu as été déclaré le plus grand des Prophètes. Tourne aussi vers lui, ô
Baptiste, tes yeux qui ont vu l'Esprit très saint descendre en forme de colombe
; montre-toi miséricordieux envers nous, assiste-nous de ton concours dans nos
chants, et entonne le premier l'hymne de louange. Le fleuve du Jourdain t'a
reçu dans ses eaux, ô Christ, fontaine de vie ! et le
Paraclet est descendu en forme de colombe. Il incline la tête, Celui qui a
incliné les cieux; la créature, pétrie de terre, se plaint et crie à son auteur
: « Pourquoi me commander des choses au-dessus de moi? c'est
moi qui ai besoin de ton baptême, ô impeccable ! » Tu as incliné la tête devant
le Précurseur, ô Christ! Tu as brisé la tête du dragon ; tu es descendu dans le
fleuve ; tu as illuminé toutes choses pour ta gloire, ô Sauveur, lumière de nos
âmes ! Celui qui se revêt de la
lumière comme d'un vêtement a daigné, pour l'amour de nous, se faire semblable
à nous ; il s'est couvert des eaux du Jourdain comme d'un vêtement, lui qui
n'avait pas besoin de ces eaux pour se purifier, et qui répand sur nous, de son
propre fonds, la grâce de la régénération, ô prodige ! Venez, imitons les vierges
sages ; venez, allons au-devant du Seigneur manifesté ; car, en sa qualité
d'Epoux, il vient vers Jean, son ami. A ta vue, le Jourdain a remonté vers sa
source, il s'est replié sur lui-même et s'est arrêté. Jean s'écriait : « Je
n'ose toucher la tête immortelle. » L'Esprit descendait en forme de colombe
pour sanctifier les eaux, et la voix du ciel disait : « Celui-ci est mon Fils venu
dans le monde pour sauver le genre humain. » O Christ, gloire à toi ! Le Christ est baptisé, il
remonte de l'eau, relevant 'avec lui le monde entier ; il voit ouverts les
cieux qu'Adam avait fermés pour lui-même et sa postérité. L'Esprit proclame la
divinité du baptisé, la voix du ciel se fait entendre : il est déclaré Sauveur
de nos âmes. Seigneur, pour accomplir ton
décret éternel, tu as emprunté à toute créature son concours à
l'accomplissement de ton mystère. Aux Anges, tu as demandé Gabriel ; aux
hommes, la Vierge; aux cieux, l’étoile ; aux eaux, le Jourdain. Tu as pris sur
toi le péché du monde : gloire à toi, notre Sauveur ! Fleuve du Jourdain, pourquoi
es-tu ému de voir sans voile Celui qui est invisible ? Tu réponds : « Je l'ai
vu, et j'en ai été saisi de crainte. Comment n'aurais-je pas tremblé ? A cette
vue, les Anges ont frémi, les cieux ont été ébranlés, la terre a tremblé, la
mer s'est soulevée,toutes les choses visibles et
invisibles ont été dans l'agitation. » « — Qui a vu des taches sur
le soleil, sur le plus resplendissant des astres? s'écriait
le Précurseur. Comment te laverais-je dans les eaux, splendeur de la gloire,
image du Père éternel, moi qui ne suis qu'une herbe faible et desséchée !
Comment porterais-je mes mains sur les feux de ta divinité? Car tu es le
Christ, Sagesse et Vertu de Dieu. » La grande lumière, le Christ,
s'est levée sur la Galilée des nations, sur la région de Zabulon et sur la
terre de Nephtali ; une éclatante splendeur a lui en Bethlehem la lumineuse,
sur ceux qui étaient dans les ténèbres ; mais avec plus d'éclat encore, le Seigneur, le Soleil de justice, sorti de
Marie, a répandu ses rayons sur l'univers entier. Vous donc qui étiez nus dans
Adam, venez tous, revêtez-vous du Christ pour réchauffer vos membres. O Christ
! tu es venu, vêtement de ceux qui sont nus, splendeur
de ceux qui étaient dans les ténèbres ; lumière inaccessible, tu t'es
manifestée aujourd'hui. A la gloire de l'auguste Mère de l'Agneau, consacrons cette ancienne Séquence de nos vieux Missels. C'est l'imitation d'une des Proses de Notker pour la Pentecôte, longtemps attribuée au pieux roi Robert, et que nous donnerons en son lieu : SEQUENCE.Daigne nous assister la grâce
de l'Esprit-Saint, Qui, pour la rendre Mère d'un
Dieu, féconda la Vierge Marie ; Par qui l'auguste Virginité a
fleuri en Marie. Esprit d'amour, qui daignas remplir Marie, Tu répandis la rosée sacrée
sur Marie. Céleste amant, sans
l'offenser tu fécondas Marie. Ton ombre sacrée, tes
caresses divines sanctifièrent Marie. Tu veillas pour que la faute
originelle ne fût point transmise à Marie. Tu consacras l'habitation du
sein béni de Marie, Afin qu'elle devînt enceinte
et mère, Marie, Et qu'elle enfantât sans
perdre sa fleur, Marie. Tu inspiras les Prophètes qui
chantèrent qu'un Dieu serait conçu par Marie. Tu donnas ta force aux
Apôtres, afin qu'ils prêchassent ce Dieu qu'a enfanté Marie. Quand Dieu créa l'ensemble de
cet univers, il y figura Marie. La terre, vierge encore, fut
appelée à produire le premier homme, qui était vierge et pur : ainsi elle a
produit le second, Marie. Tu es l'espoir des âmes
affligées, ô douce Marie ! Délie les chaînes de tes
serviteurs, ô Marie ! Le monde tout brisé par ses
crimes, tu l'as rappelé à la vie, ô Marie ! Tu as triomphé des idoles et
des lois impies, ô Marie ! Donc, nous te supplions de
nous secourir de ta main bénigne, ô Marie ! Et de prier ton Fils pour
nous qui chantons à ta gloire : Salut, ô Marie ! Ta félicité surpasse toute
félicité, ô Marie ! Ton trône domine les chœurs
sublimes des Anges, ô Marie ! Tu as revêtu du vêtement de
la chair un homme, ô Marie! Pour lui tu devins féconde,
sans le secours humain, ô Marie ! Il est Dieu ; apaise-le pour
nous, ô Marie! |