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Nouvelles Lettres
Clefs de correspondance

 

NOUVELLES LETTRES DE BOSSUET (a).

 

 

LETTRE PREMIÈRE. BOSSUET A M. DE LAGUTÈRE, PROMOTEUR DE C0ND0M (b). Paris, 29 décembre 1669.

 

Monsieur,

Si j'eusse reçu plus tôt votre lettre du 1er novembre, vous eussiez aussi reçu plus tôt vous-même les marques de ma reconnaissance pour les bontés que vous me témoignez. La charge que

 

(a) Nous n'avons pu mettre ces lettres à la place qui les réclamait, parce que nous les avons trouvées trop tard.

(b) Rossuet fut proposé à l'évêché de Condom le 13 septembre 1669, mais le sacre n'eut lieu qu'un an plus tard, le 21 septembre 1670, parce que la mort de Clément IX retarda l'envoi des bulles.

Pendant l'intervalle, Louis XIV avait nommé Bossuet précepteur du Dauphin. Cette haute charge ne lui fit point négliger le troupeau que le vicaire du souverain Pasteur avait confié à sa sollicitude.

Les liens de la discipline s'étaient relâchés dans le diocèse de Condom. Les curés trafiquant des bénéfices, violant les lois de la résidence ecclésiastique, refusant de payer les vicaires, croupissant eux-mêmes et laissant les peuples croupir dans l'ignorance, joignant le luxe à l'avarice et la mollesse à la dureté : voilà le3 plaies que voulut guérir le nouvel évêque. Dans un synode diocésain tenu le 16 juin 1671, il fit publier plusieurs ordonnances dignes de son zèle et de son génie ; disons seulement qu'une de ces ordonnances rétablissait les conférences ecclésiastiques, et qu'une autre statuait contre la non-résidence la perte des revenus prébendaires, et la peine de la prison dans certains cas. Redoutant la sévérité de cette loi, le chapitre se pourvut devant le parlement de Bordeaux.

Bossuet voulait, lui, garder scrupuleusement la résidence pastorale ; et comme l'office de précepteur devait le tenir éloigné de son diocèse, il en fit la résignation aux pieds du souverain Pontife. Il fut remplacé sur le siège de Condom par Jacques de Matignon, grand doyen de Lisieux.

Avant la nomination de Bossuet, sous l'administration du précédent évêque, quelques membres de l'officialité, remplaçant les lois canoniques par l'arbitraire, avaient pesé despotiquement sur le diocèse : Bossuet retira leurs pouvoirs, et nomma Bernard de Bressoles officiai et Jean de Lagutère promoteur. Jean de Lagutère, prêtre dont la science égalait le zèle et la vertu, est l'auteur d'une histoire manuscrite des évêques de Condom. Bossuet lui écrivit quatre lettres, que nous allons mettre sous les yeux du lecteur; ces lettres montrent avec quelle bienveillance et quelle courtoisie, dans les temps de politesse, les dignitaires ecclésiastiques traitaient avec le clergé inférieur. Conservées religieusement dans la famille du savant promoteur, elles nous ont été communiquées par son pelit-neveu, Alexandre de Lagutère, propriétaire à Condom. Elles étaient restées inédites jusqu'à ce jour,

 

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vous exercez est tellement importante, qu'on peut dire que celui qui s'en acquitte dignement est l’âme d'un diocèse et le soutien de la discipline ecclésiastique. Plusieurs personnes, et entre autres Monseigneur de Condom l'ancien, m'ont parlé de vous avec éloge. J'espère que la présence ne diminuera rien de l'estime que j'en ai conçue, et que j'aurai sujet de vous témoigner encore plus amplement que je ne fais à présent que je suis, Monsieur, votre très-affectionné serviteur,

 

L'abbé BOSSUET, nommé à l'év. de Condom.

 

LETTRE II. BOSSUET A M. DE LAGUTÈRE, PROMOTEUR DE CONDOM. A Paris, 4 mai 1670.

 

Je vois par votre lettre du 10 avril, que l'affaire de la religieuse dévoilée (a), dont j'avais écrit, a été fort examinée. Je m'étonne seulement de ce que le couvent de Nérac n'a rien ouï d'une si importante procédure ; et cela me ferait soupçonner quelque intelligence ou quelque précipitation, si je n'étais très-résolu à ne point présumer le mal sans avoir connu les choses à fond. Je vous suis obligé de la lettre que vous m'écrivîtes le 23 février, pour me donner avis du droit que vous prétendez avoir sur l'archiprêtré de Condom. Il est malaisé que de si loin je puisse discuter le droit des contendants. Je souhaite que vous ayez satisfaction et me sens obligé de la déférence que vous avez eue pour moi.

Je suis et serai toute ma vie, Monsieur, votre très-affectionné serviteur,

 

L'abbé BOSSUET, nommé év. de Condom.

 

(a) Privée de l'habit à cause de ses désordres.

 

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LETTRE III.  BOSSUET A M. DE LAGUTÈRE, PROMOTEUR DE CONDOM. A Saint-Germain, 10 mai 1671.

 

J'ai jeté les yeux sur vous pour vous confier la charge de promoteur de la Cour épiscopale, me promettant de votre zèle que vous vous acquitterez dignement d'un emploi si important, et que vous me donnerez sujet de vous avancer dans les occasions. Ce que je souhaite, et suis,

Monsieur, votre très-affectionné serviteur,

+ J. BÉNIGNE, év. de Condom.

 

LETTRE IV. BOSSUET A M. DE LAGUTÈRE, PROMOTEUR DE CONDOM. A Saint-Germain, 19 février 1672.

 

Je vous suis obligé des avis que vous me donnez. J'ai déjà parlé de vous avec estime à votre nouveau prélat, de qui vous devez attendre beaucoup d'amitié. Je vous rendrai tout le service possible dans l'affaire de l'archiprêtré et serai toute ma vie,

Monsieur, votre très-affectionné serviteur,

+ J. BÉNIGNE, év. de Condom.

 

 

LETTRE (extrait) V. MALEBRANCHE  A  BOSSUET  (a). 1687.

 

Monseigneur, je ne puis me résoudre à entrer en conférence

 

(a) Les trois ou quatre extraits qu'on va lire feront mieux comprendre une lettre très-importante, que nous avons donnée précédemment, de Bossuet à un disciple de Malebranche.

Comme tous les philosophes inventeurs, qui n'inventent guère que des songes et des phantômes, les disciples de Malebranche répétaient sans cesse dans la discussion : Mais vous ne comprenez pas, encore une fois vous ne comprenez pas le profond métaphysicien. — Eh bien, répondit enfin Bossuet, si je ne comprends pas ses écrits, je comprendrai peut-être sa parole; procurez-nous « quelques entrevues aussi sincères de sa part qu'elles le seront de la mienne, où nous puissions voir une bonne fois si nous nous entendons les uns les autres ; s'il veut du secret dans cet entretien, je le promets : s'il y veut des témoins, j'y consens. » Et encore : « Procurez l'explication de vive voix que je vous propose, et menez-la à sa fin. » Et plus loin : « La conversation ne sera pas longue, si on veut ; quatre ou cinq réponses précises à quatre ou cinq questions que j'ai à faire, suffiront. » (Lettre indiquée tout à l'heure, vol. XXVI, p. 395.)

Mais comment soutenir en présence du simple bon sens ou de la doctrine universelle, un système fabriqué par une cervelle particulière? Fénelon refusa d'entrer en conférence pour défendre son nouveau quiétisme en face de Bossuet; Malebranche tremblait de se trouver en lice à rencontre du terrible jouteur. Son plus fervent disciple, M. d'Allemans, s'efforça vainement d'animer son courage; le philosophe qui voyait tout en Dieu si ce n'est la chose qu'on sait, resta sous la tente.

Dans l'espoir de relever l'honneur du drapeau, M. d'Allemans envoya a Bossuet une exposition de la doctrine de son maître, et Bossuet écrivit à M. d'Allemans la précieuse Lettre à un disciple de Malebranche.

Qui était ce disciple? On l'ignorait jusqu'à ce jour, mais le lecteur le sait maintenant; c'était M. d'Allemans lui-même.

Nous avons puisé les extraits qui vont suivre dans l’Etude sur Malebranche, par l'abbé Blampignon.

 

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avec vous sur le sujet que vous savez. J'appréhende, ou de manquer au respect que je vous dois, ou de ne pas soutenir avec assez de fermeté des sentiments qui me paraissent et à plusieurs autres très-véritables et très-édifiants....

 

LETTRE (extrait) VI.  M. D'ALLEMANS A MALEBRANCHE. A Champniers, le 30 mars 1667.

 

M. le comte de Boursac vous rendra ce paquet, mon très-révérend Père ; il contient l'écrit depuis si longtemps promis à M. de Meaux, et une lettre que je lui écris, où il me semble que je lui fais assez bien voir, ou qu'il n'a su ce qu'il a dit dans son Discours sur l'histoire universelle, ou qu'il faut qu'il soit de votre

 

 

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sentiment. Si j'avais simplement écrit pour des philosophes, mon écrit serait bien plus serré, plus fort et par conséquent plus court; mais écrivant pour qui vous savez que j'écris, j'ai cru devoir employer l'autorité de l'Ecriture et de saint Augustin, et dire pourtant tout ce que vous dites : voilà mon dessein. J'aurais pu facilement, en l'exécutant, faire un ouvrage plus étendu; mais j'ai cru encore le devoir faire de sorte qu'il fût facilement lu, et en même temps ne le devoir pas tout à fait dépouiller du caractère philosophique, quoique je m'y servisse d'autorité. C'est à vous à en juger, mon très-révérend Père, et surtout à voir si j'expose fidèlement vos sentiments. Il me semble l'avoir fait, mais je m'en rapporte entièrement à vous ; et vous le pouvez supprimer ou tout entier, ou en partie, tout comme vous le jugerez à propos.... Que si vous le trouvez en état d'être montré et vu, comme j'espère que vous l'y trouverez assez, vous n'aurez qu'à fermer le paquet, le remettre à M. le comte de Boursac, afin qu'il le remette à M. de Meaux. Si vous voulez, il saura que vous l'avez lu, approuvé et avoué : sinon il ne saura pas seulement qu'il a passé par vos mains ; en un mot, il ne saura sur cela que ce qu'il vous plaira.... Si cet écrit pouvait tourner à bien, ce serait à vous à voir le sort que vous voudriez lui donner.

 

LETTRE (extrait) VII. M. D'ALLEMANS A MALEBRANCHE. A Montardy, ce 1er  juin 1687.

 

.... Je suis bien aise des avances que vous fait M. de Meaux ; je sais l'estime qu'il a pour vous, combien il souhaite d'avoir commerce avec vous. Ainsi je suis sûr qu'il fera toujours toutes celles qui vous pourront approcher de lui. Apparemment vous savez présentement ce qu'il pense sur mon écrit. Pour moi, je ne le sais pas ; car depuis que je le lui ai envoyé, je n'en ai reçu nulles nouvelles. Mais cela ne m'étonne pas ; je sais qu'il est occupé et qu'il oublie facilement. Ce qui est sûr, c'est que tôt ou

 

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tard il me le fera savoir, et je vous manderai toujours ce que j'en apprendrai....

 

LETTRE (extrait) VIII. M.  D'ALLEMANS A MALEBRANCHE.  Champniers, 30 octobre 1687.

 

M. de Meaux n'a pas voulu entrer avec moi dans la discussion que je lui avais proposée, et me mande qu'en vain je m'efforce de lui apprendre la théologie ; et qu'il veut entrer dans un examen exact par la lecture de tous vos livres, puisque vous n'avez pas voulu lui en épargner la peine ; et pour cet effet il m'en demande le catalogue entier, et me mande ceux qu'il en a déjà. Il m'assure qu'il ne jugera pas sans avoir tout vu et tout entendu ; mais que si par cette lecture il n'est pas désabusé des nouveautés qu'il a cru nous devoir être imputées, il ne peut rien me promettre, sinon qu'il fera sur cela ce que devant Dieu il verra devoir être fait. Du reste il paraît toujours très-fâché du refus que vous faites de le voir, après tout ce qu'il m'a chargé de vous promettre de sa part, échauffé et entêté contre le système. Vous voilà toujours averti de tout, mon très-révérend Père ; voyez de la manière que vous devez le ménager. Je lui mande simplement que je suis ravi du dessein qu'il a pris de tout lire et de tout examiner : qu'en fait de dogme vous condamnez comme lui tout ce qui est nouveau ; mais que vous croyez avec bien d'autres que, non-seulement il a toujours été permis de donner de nouvelles preuves des vérités anciennes, mais encore que cela a été pratiqué et même ordonné de tous les temps. Je le prie de bien prendre garde à cela, et l'assure d'ailleurs que vous n'avez nul éloignement naturel de le voir et de lui complaire. Je suis même ici pour un rendez-vous, que m'y avait donné l'abbé de Fénelon. Il en partit hier.... Nous avons très-fort parlé de vous, et avec estime et sans entêtement. Il n'a presque rien lu de vos livres. En sortant, il m'a demandé la distinction de certains termes qui vous sont propres, comme de causes occasionnelles, etc....

 

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LETTRE IX. BOSSUET A M. DE VERNON, PROCUREUR DU ROI AU PRÉSIDIAL DE MEAUX.  A Paris, ce 18 novembre 1686.

 

Il n'y a rien de plus important que d'empêcher les assemblées, et de châtier ceux qui excitent les autres : ainsi je ne puis que louer votre zèle, et vous remercier de l'avis que vous me donnez de ce qui se passe. Pendant que vous prenez tant de soin de réprimer les mal convertis, je vous prie de veiller aussi à l'édification des catholiques, et d'empêcher les marionnettes, où les représentations honteuses, les discours impurs et l'heure même des assemblées portent au mal. Il m'est bien fâcheux, pendant que je tâche à instruire le peuple le mieux que je puis, qu'on m'amène de tels ouvriers, qui en détruisent plus en un moment que je n'en puis édifier par un long travail. Je suis de tout mon cœur, comme vous savez, etc.

 

LETTRE X. BOSSUET A LA MARQUISE DE LAVAL (a).  A Germigny, ce 19 août 1689.

 

Hier, Madame, je ne fus occupé que du bonheur de l'Eglise et de l'Etat. Aujourd'hui que j'ai eu le loisir de réfléchir avec plus d'attention sur votre joie, elle m'en a donné une très-sensible. M. votre père, un ami de si grand mérite et si cordial, m'est revenu dans l'esprit. Je me suis représenté comme il serait à cette

(a) Marie-Thérèse-Françoise, fille du marquis Antoine de Fénelon. Elle épousa en premières noces le marquis de Montmorenci-Laval, et en secondes noces le comte de Fénelon, son cousin germain, frère de l'archevêque de Cambray. Elle mourut en 1726.

 

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occasion, et à un si grand éclat d'un mérite qui se cachait avec tant de soin. Enfin, Madame, nous ne perdrons pas M. l'abbé de Fénelon : vous pourrez en jouir; et moi, quoique provincial, je m'échapperai quelquefois pour l'aller embrasser. Recevez, je vous en conjure, les témoignages de ma joie, et les assurances du respect avec lequel je suis, etc.

 

LETTRE XI. BOSSUET A MADAME DE MAINTENON. Paris, 9 juin 1703.

 

Je crois, Madame, que vous aurez agréable que je prenne la liberté de vous donner avis que M. Couet (a) a présenté ce matin, signé de sa main, à M. le cardinal de Noailles, à M. l'archevêque de Lyon, à M. de Rouen et à moi, l'acte que nous avions minuté la veille, M. le cardinal et moi, avec MM. de Toul, de Chartres et de Noyon. Cet acte sera utile à confondre ceux dont la désobéissance a scandalisé l'Eglise. Pour moi, Madame, je crois voir de la docilité à M. Couet, et c'est par où j'espère qu'il sera utile à défendre la vérité. C'est d'ailleurs un homme qui pourra travailler longtemps ; et c'eût été dommage qu'il se fût rendu inutile. Je souhaite, Madame, que tout se réduise à l'obéissance. L'Ordonnance de M. le cardinal reçoit beaucoup d'honneur dans l'acte nouvellement signé. Je crois que M. de Rouen aura l'honneur demain de le présenter au roi, et de recevoir les marques de la bonté ordinaire de Sa Majesté. J'espère après cela retourner bientôt à Versailles, et me présenter à vous.

 

(a) L'abbé Couet, grand-vicaire de Rouen, était soupçonné d'être l'auteur du Cas de conscience sur le jansénisme, qui fit tant de bruit en 1703, et qu'on a attribué depuis, avec plus de fondement, au docteur Petitpied. Louis XIV ne consentit à laisser cet abbé à Rouen, qu'à condition qu'il donnerait une déclaration qui pût dissiper les soupçons élevés sur sa doctrine ; et il chargea Bossuet de terminer cette affaire. L'abbé Couet signa la déclaration rédigée par l'évêque de Meaux, qui s'empressa d'en instruire Madame de Maintenon par la lettre qu'on va lire.

 

FIN DES LETTRES.

 

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