Lettres CCCXXII-CCCXXXIV
Précédente Accueil Remonter Suivante
Bibliothèque

Accueil
Remonter
Historique
Lettres LV - LXX
Lettres LXXI - CXXIII
Lettres CXXIV-CXLIV
Lettres CXLV-CLX
Lettres CLXI-CLXXIX
Lettres CLXXX-CXCIV
Lettres CXCV-CCXII
Lettres CCXIII-CCXXVI
Lettres CCXVII-CCXXXVII
Lettres CCXXXVIII-CCLIV
Lettres CCLV-CCLXXII
Lettres CCLXXIII-CCXCI
Lettres CCXCII-CCCIV
Lettres CCCV-CCCXXI
Lettres CCCXXII-CCCXXXIV
Lettres CCCXV-DIJON

 

528

 

LETTRE CCCXXII. BOSSUET A M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS. A Meaux, 4 août 1698.

 

Je ne vous dis rien, mon cher Seigneur, des nouvelles de Rome dont mon neveu vous rend un meilleur compte qu'à moi; cependant comme il me marque quelque chose sur la réduction des trente-huit propositions, qui semble demander quelque instruction, je vous supplie de me les renvoyer, ou d'en donner l'ordre à M. Pirot qui vous les a remises de ma part. Vous savez mon respect, mon cher Seigneur.

On répand ici, comme ailleurs, des manuscrits contre vous, contre M. de Chartres, contre moi. M. de Cambray nous va répondre. Il reviendra plus glorieux que jamais à la Cour. Ses amis, qui sont nommés, ne l'ont abandonné que de concert avec lui. Pour moi, je n'ai de ressource que dans la mort prochaine que mon âge me pronostique. Il ne faut que la mort de deux personnes, qui sont bien nommées, pour changer la persécution en triomphe. Nous savons bien le mépris qu'il faut faire de tels écrits; mais ils montrent l'acharnement du parti. Beaucoup de confesseurs me font avertir que l'erreur se répand sourdement : à Dijon, elle ne fait que couver sous la cendre. Vous savez la correspondance du curé de Seurre avec Madame Guyon. Enfin l'Eglise est terriblement menacée. Dieu ne vous a mis où vous êtes que pour résister comme vous faites.

Quand vous me l'ordonnerez, je vous enverrai mes réflexions sur l'atfaire de la religion.

Comme le capital est de mettre de bons curés, on pourrait se servir de cette occasion pour établir le concours, et M. le chancelier y est favorable.

 

529

 

LETTRE CCCXXIII. LE P. CANDIDE CHAMPY, EX-PROVINCIAL DES RÉCOLLETS D'ARTOIS,  A BOSSUET. Arras, 4 août 1698.

 

L'ordre que Votre Grandeur m'a donné de lui faire part de ce que je pourrais apprendre de ce qui se passe à Cambray, me fait prendre la liberté de lui écrire ces lignes pour l'avertir de plusieurs particularités qu'elle sera peut-être bien aise de savoir. J'étais la semaine passée dans ladite ville de Cambray, et j'y vis entre les mains d'un de mes amis une Réponse de M. l'archevêque de Cambray à la lettre de M. l'archevêque de Paris, qui n'avait été prêtée qu'à condition de la renvoyer cachetée audit Seigneur archevêque de Cambray, qui a chez lui tous les exemplaires (a).

J'appris aussi qu'il avait dessein de la supprimer, et qu'il a inséré dans une réponse qu'il fait au livre de Votre Grandeur, intitulé Relation sur le Quiétisme, la plus grande partie de ladite lettre. Cependant deux Messieurs de l'archevêché doivent partir cette semaine pour Paris, et y porteront imprimées et ladite lettre et la réponse au livre de Votre Grandeur. Je ne sais pas positivement ce que peut contenir ladite réponse; mais je sais bien que la Relation sur le Quiétisme a eu un applaudissement général et universel en tous ces pays-ci, et que chacun a approuvé votre droiture et votre zèle, si on excepte certains esprits passionnés qui ne raisonnent que par emportement.

La plupart des ouvrages de M. de Cambray ne s'impriment pas hors du royaume, comme on l'assure ; mais bien à Douai, sous la faveur de M. d'Arras, qui a indiqué, à ce qu'on m'a assuré, M. de la Verdure à M. de Cambray pour travailler avec lui. Il est vrai que ce M. de la Verdure, qui est président d'un séminaire à Douai, a traduit en latin tous les ouvrages de M. l'archevêque de Cambray,

(a) Moins ceux que l'agent de M. de Cambray, l'abbé de Cbanterac, avait répandus secrètement à Rome.

 

530

 

qui se trouvent en cette langue. La doctrine même des Maximes des Saints se répand dans cette université : Votre Grandeur en pourra juger bien mieux que moi par la thèse ci-jointe.

Il est venu un ecclésiastique de Paris, en habit déguisé, qui se disait médecin, et qui a eu de longues conférences avec M. l'archevêque. Toutes les lettres qu'on adressait à Cambray audit ecclésiastique étaient sous des noms supposés : il allait lui-même les retirer de la poste.

Je crois que Votre Grandeur n'ignore pas que Monseigneur envoie fréquemment des courriers à Bruxelles pour y porter ses ouvrages, et de là à Rome par la poste. La manière pour le faire avec moins d'éclat, est que M. de Monbron fait ouvrir fréquemment les portes de la ville vers le milieu de la nuit, soit pour faire sortir les courriers, soit pour faire entrer les livres qui viennent de Douai; mais cela s'est fait si fréquemment, que la vérité et la manière de le faire sont devenues publiques. J'ai entendu dire à quelques personnes sages, qu'il y avait en cette conduite quelque chose contre le service de Sa Majesté, étant défendu d'ouvrir pendant la nuit les portes d'une ville considérable, à moins que ce ne soit directement pour son service.

Il y a encore quelques autres petites circonstances qui ne peuvent pas se mettre si facilement sur le papier. Si Votre Grandeur souhaitait d'en être plus parfaitement instruite, nous allons tenir notre chapitre ici, après lequel j'espère être à Paris vers le 15 ou 16 de ce mois, et je pourrais lui en rendre un compte plus exact.

Je demande pardon à Votre Grandeur, si peut-être je l'ennuie à la lecture de choses qu'elle sait mieux que moi; mais j'ai un fond d'attachement pour la sainte doctrine de Votre Grandeur et pour son zèle infatigable, qui me persuade que tout le monde, même les plus petits et les plus faibles, doivent concourir chacun en leur manière pour la faire triompher sur la nouveauté qui se répand de toutes parts, et qui ne peut avoir que de très-fâcheuses suites pour le repos des consciences. Excusez au moins ce qu'il y a de défectueux dans la liberté que je prends, et n'attribuez le tout qu'au très-

 

531

 

profond respect avec lequel je suis, Monseigneur, de Votre Grandeur le très-humble et très-obéissant serviteur,

 

F. Candide Champy, ex-provincial des Récollets d'Artois.

 

Je supplie très-instamment Votre Grandeur de vouloir bien me garder le secret sur ces affaires ; car nous sommes dans un pays où les François ont des ennemis qui profiteraient de toutes choses pour rendre de mauvais services.

 

LETTRE CCCXXIV. BOSSUET  A   SON  NEVEU.  A Germigny, ce 10 août 1698.

 

Votre lettre du 22 juillet, qui m'apprend votre mal de tête, me donne en même temps la consolation de savoir que vous avez bonne espérance d'en être quitte bientôt.

Je suis bien aise que la Relation fasse son effet. Elle est traduite en italien par M. l'abbé Régnier, et très-élégamment, autant que j'en puis juger. Nous avons achevé aujourd'hui de la revoir, et aussitôt après je la ferai imprimer pour vous l'envoyer avec toute la diligence possible. Si la traduction que vous faites faire nous prévient, il vaut mieux, dans le doute où vous êtes, hasarder d'en avoir deux que d'en manquer.

Je pense que vous avez à présent la Réponse de M. de Cambray à cette Relation (a) et que le prélat n'aura pas manqué de l'envoyer à Rome, où il dépêche souvent des courriers. Mais pour nous, il nous est bien difficile d'avoir ce qu'il fait imprimer, parce qu'il se couvre d'un secret presque impénétrable. J'ai pourtant sa Réponse à ma Relation, à la réserve de quelques feuilles. Il ne fait que s'embarrasser davantage. Aussi mande-t-on qu'il n’est pas content de cette réponse, et qu'il la refait. On dit aussi qu'il a supprimé sa Réponse latine à M. de Paris, et qu'il l'insère

 

(a) Bossuet réfuta cet écrit dans les Remarques sur la Réponse de M. l'archevêque de Cambray à la Relation sur le quiétisme. Voir vol. XX, p. 171.

 

532

 

dans celle qu'il fait contre moi. Quoi qu'il en soit, envoyez-nous en diligence tout ce qui tombera entre vos mains.

Servez-vous avec prudence de mon Mémoire latin, et n'ayez égard qu'au bien de l'affaire.

On n'a jamais tant parlé d'ambassadeur à Rome qu'on fait à présent. Je ne sais quel en sera l'événement. On dit que M. le duc de Grammont s'excuse sur la dépense. On craint que M. de Monaco (a) ne soit trop ami de M. de Cambray ou plutôt des Jésuites, défenseurs ardents de ce prélat. Le premier, qui est allié si étroitement à la maison de Noailles, ne serait pas suspect de ce côté-là. Je passerai ici la fête, et aussitôt après je retournerai à Paris.

Je n'ai plus qu'un mot à vous dire : tout le Quietismus redivivus va partir ; on tire la dernière feuille.

 

LETTRE CCCXXV. M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS, A L'ABBÉ BOSSUET.  12 août 1698.

 

Comme je me disposais, Monsieur, à répondre à votre lettre du 22, j'ai reçu celle du 29 et du 30 par le courrier extraordinaire. Elle m'a été rendue très-sûrement et promptement : n'en soyez pas en peine. Je le suis des dispositions où vous avez trouvé le cardinal Nerli : la seconde partie de votre conversation me déplaît fort; je chercherai le moyen de le faire changer. Mais travaillez à soutenir ceux que vous croyez mieux disposés ; car il est à craindre qu'on ne les affaiblisse par les raisonnements que le cardinal Nerli vous a faits, qui sont spécieux pour des politiques et des gens qui aiment leur repos.

Le procédé du cardinal de Bouillon est toujours très-singulier. L'esprit lui manque : il faut bien qu'il croie la cause désespérée. Son absence ne peut être que bonne ; ainsi je ne m'y opposerai pas : je presserai même qu'on y consente, si on a besoin de l'être.

Le discours que ce cardinal vous a fait et à ceux qu'il avait

 

(a) C'est ce prince qui tut nommé, comme on le verra dans la suite, à l'ambassade de Rome.

 

533

 

appelés avec vous, est fort extraordinaire : vous avez très-bien fait de n'y rien répondre.

Grondez toujours de la longueur des examinateurs et de l'opiniâtreté qu'ils ont de ne vouloir point abréger, malgré les ordres du Pape et de la Congrégation.

Je sais bien qu'il ne faut pas aigrir les gens du pays où vous êtes, mais il est bon de les tenir en crainte ; et il est certain que si on ne fait qu'une condamnation générale ou une simple prohibition, on ne pourra éviter d'en faire davantage en France pour arrêter le cours de la mauvaise doctrine : ainsi ils ne doivent point regarder cette menace comme une terreur panique qu'on veut leur donner sans fondement.

Je viens d'écrire à M. le nonce de parler fortement dans ses lettres d'aujourd'hui : je lui en ferai donner des ordres nouveaux.

J'ai bien de la joie que votre fluxion dans la tête n'ait pas duré davantage : je vous souhaite une longue et parfaite santé, et suis à vous, Monsieur, à mon ordinaire.

 

LETTRE CCCXXVI. L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE. Rome, ce 12 août 1698.

 

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Meaux et de Paris, du 20 et 21 juillet, et en même temps tous les différens projets. Le projet provisoire sera inutile, car il n'est plus temps d'en faire usage. Le projet in globo serait de saison; mais comme il est fait, celte Cour se résoudra peut-être plus aisément à qualifier les propositions avec un respective qu'à les condamner ainsi, en s'expliquant sur le particulier de la doctrine, quoiqu'en gros. Il faut les laisser agir. Tout ce qu'on fait depuis trois mois tend à une qualification. Un si long examen avec toutes les formalités les plus pompeuses et les plus extraordinaires, les engage, malgré qu’ils en aient, à faire quelque chose de décisif et de solennel; car ils commencent à s'apercevoir que s'ils se conduisaient autrement, on se moquerait d'eux. J'ai aussi eu en vue

 

534

 

de les obliger à prendre ce parti, en les engageant à tout ce qu'il y a de plus éclatant, et ne les pressant qu'indirectement. La cabale l'a bien prévu, et n'a cessé ou de proposer des moyens pour estropier l'affaire, ou pour l'allonger à l'infini. Dieu merci, on en est venu à quelque chose de très-solennel, de très-marqué et d'assez court dans les circonstances présentes. Il les faut donc laisser continuer.

J'ai vu tous les cardinaux depuis huit jours, pour les prévenir sur la Réponse de M. de Cambray à M. de Paris, et les autres choses de cette nature ; en même temps pour leur faire remarquer l'attente générale où l'on était de quelque chose de grand, de décisif et d'honorable pour le saint Siège. Je vois bien où est l'enclouure ; mais la honte de passer pour ce qu'ils sont, les rendra hardis malgré eux. Je l'espère ainsi, quoique j'avoue que cela aura sa difficulté ; mais on ne sera pas plus de temps à se résoudre à un respective qu'à une simple condamnation générale, telle que vous la proposez. Nous profiterons de tout, et des occasions propres à obtenir le succès que nous désirons. Pour moi, si je vois qu'on veuille nous porter quelque coup fourré ou faire quelque chose de trop faible, je serai tous les jours aux pieds du Pape, pour lui représenter avec sincérité et respect ce qu'il conviendra. Au moins si on veut faire mal, je n'aurai rien à me reprocher, et c'est qu'on le voudra. Je suis persuadé que si l'on nous aide du côté du nonce pour la condamnation des propositions respective, nous l'emporterons. Jusqu'à cette heure, c'est l'intention du Pape.

On cache toujours de plus en plus la Réponse de M. de Cambray à M. de Paris, et il n'y a pas moyen d'en avoir d'exemplaire (a). Je ne sache que trois cardinaux qui l'ont, Noris, Carpegna et Bouillon : les autres sont un peu mécontents de n'en avoir pas. Ce mystère, que nous avons grand soin de faire remarquer, ne produit pas un bon effet pour M. de Cambray. Ses amis continuent à publier que la Réponse à votre Relation est faite, qu'elle est foudroyante, et que vous êtes réduit en poudre ;

 

(a) L'abbé Phelippeaux put en obtenir un pour quelques heures. Voir la deuxième note de la lettre CCCV.

 

535

 

cependant elle ne paraît pas. Vous me témoignez désirer si fort de voir promptement tout ce qui sera publié ici là-dessus, que je crois que je vous enverrai encore ces pièces par un courrier extraordinaire, surtout si je vois qu'il y ait des choses de conséquence. Leur finesse est de les faire paraître ici le plus tard qu'ils pourront, afin que vous n'ayez pas le temps d'y répondre, et d'obtenir l'effet qu'ils désirent : mais je crois qu'ils se tromperont en tout.

Leur excuse, pour ne pas publier la Réponse à M. de Paris, est la défense qu'ils disent que le roi a faite à M. de Cambray d'écrire davantage pour sa défense. Le cardinal Colloredo me demanda l'autre jour si cela était vrai : je l'en désabusai. Fabroni et les Jésuites font courir ces bruits, que M. le cardinal de Bouillon laisse répandre, aussi bien que tout ce qu'on dit sur le roi et sur Madame de Maintenon. Sans nous, je l'ose uire, cela ferait une impression très-défavorable sur des gens qui naturellement sont malins, et qui croient aisément que tout se fait par politique, parce qu'ils ont coutume d'agir par de pareils motifs (a).

Si je pouvais avoir la Réponse à votre Relation, quand le valet de chambre que M. de Torci a envoyé ici partira, je me servirai de cette occasion pour vous la faire passer ; mais elle ne paraît pas encore.

La matière, des épreuves est finie ; on a commencé à voter sur l'involontaire et les cinq propositions qui suivent : il faut encore deux congrégations pour terminer cette matière. Le reste des propositions se divisera en deux ou en trois points, et tout sera terminé dans quatre semaines; de sorte qu'à la mi-septembre les qualificateurs auront fini assurément. Si l'on veut faire quelque chose de bon, on ordonnera à nos qualificateurs de mettre les propositions en état d'être qualifiées et censurées, c'est-à-dire de les réduire sous les différents chefs, et puis les cardinaux verront ce qu'ils auront à faire.

J'attends la fin de votre vœu : nous en ferons l'usage qu'il faut, et nous tâcherons que nos qualificateurs prennent modèle dessus. Je ne sais s'ils seront assez dociles pour vouloir s'en servir; en

 

(a) Le lecteur connaît le gentil abbé qui formule toutes ces accusations.

 

536

 

tout cas, celâtes aidera toujours beaucoup. La censure de M. Pirot est bonne, mais bien embrouillée.

Q Au reste M. Charmot vous a écrit, et a envoyé sa lettre à Messieurs des Missions étrangères, qui ne lui mandent rien là-dessus : il en est en peine. Les Jésuites, et le cardinal de Bouillon sous main le persécutent. Fabroni, secrétaire de la Propagande, fait échouer, pour favoriser les Jésuites au préjudice des Missions, toutes les bonnes intentions du Pape et de la Congrégation.  Il n'y a rien à craindre du côté du duc Cesarini à mon égard. Il a avoué à un de mes intimes amis que M. le cardinal de Bouillon lui avait fait parler il y a trois mois contre moi ; mais qu'il avait répondu qu'il ne pouvait me savoir mauvais gré d'un bruit qui m'avait fait autant de peine qu'à lui, et auquel on savait que je n'avais jamais donné sujet. Le cardinal est resté couvert de honte de sa démarche, et il n'est depuis un temps infini non plus question de cela que si l'on n'en avait jamais parlé.

Tout le monde a été convaincu de la fausseté de ce mauvais bruit et de la malice de mes ennemis. Je fais semblant de tout ignorer, et je méprise tout ce qu'on peut dire. On est ici témoin de ma conduite, qui est, Dieu merci, sans reproche, sans affectation et pleine de sincérité en tout.

Les traductions en latin et en italien viendraient bien à propos, aussi bien que le Quietismus redivivus, que tout le monde demande.

J'ai oublié de vous dire dès l'ordinaire passé, que des ennemis de M. l'archevêque de Reims ont écrit ici qu'il était disgracié, et qu'on vous avait donné son bureau. Je me suis récrié, comme je devais, contre cette nouvelle.

 

LETTRE CCCXXVII. BOSSUET  A  SON NEVEU. A Jouarre, le 13 août 1698.

 

J'ai reçu ici votre lettre du 29 juillet, par un courrier extraordinaire. J'ai envoyé un récit du tout à la Cour, avec l'insinuation

 

 

537

 

de ce qu’il faudra dire à M. le nonce ; savoir, que Sa Majesté n’attend pas seulement une décision prompte, mais encore digne du saint Siège, et qui donne le dernier coup à une secte toujours renaissante; en sorte qu'il n'y ait plus rien à désirer, ni à faire ici pour l’extirper tout à fait.

Je m'étonne des raisonnements du cardinal Nerli cardinal de Janson, ni le cardinal d'Estrées ne peuvent apporter aucun remède : le dernier étant même d'avis d'une condamnation en gros pour ne point embarrasser le saint Office, d’autant plus qu'un respective n'instruit guère plus; de sorte qu'il faut se réduire à l'instruction que vous pouvez donner sur les lieux, en insistant du moins en tout cas sur le respectivè.

Je n'ajoute rien à mes précédentes observations. On vous verra le Quietismus redivivus, si le courrier s'en veut charger. On va imprimer la Relation traduite en italien par M. l’abbé Régnier, que j'ai revue avec lui : elle est si bien que je doute qu’on puisse mieux faire au pays où vous êtes. Après cela la traduction latine sera inutile pour l’Italie

 

LETTRE CCCXXVIII. BOSSUET A M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS.  A Meaux, ce 16 août 1698.

 

Voilà, Monseigneur, la réponse latine de M. de Cambray à la vôtre française. Mon neveu me l'a envoyée par un courier expès, selon l’ordre que je lui en avais donné avec la permission du roi. Il a cru que vous ne pouviez être trop tôt  averti, ainsi que moi, des impostures qu'on répand à Rome contre nous.

C'est par M. le cardinal de Bouillon que mon neveu l’a vue. Ce cardinal a fait  semblant de ne savoir ce que c’était que cet écrit, et cela par une affectation manifeste, puisque M. l’abbé de Chanterac, qui le lui avait mis en main, sortait de chez lui après une conférence de deux heures. Dans le peu de temps qu’on donna à l’abbé Bossuet pour le lire, il remarqua bien qu’il était tout plein

 

538

 

d'impostures : il s'en est convaincu de plus en plus par l'exemplaire qu'on a confié depuis à M. Phelippeaux, qui en a fait faire cette copie en diligence. Je l'ai parcourue fort légèrement; et quoiqu'elle me regarde beaucoup, néanmoins comme elle est pour vous, j'ai cru, mon cher Seigneur, que je ne pouvais trop tôt vous l'envoyer.

Si l'on n'eût pris cette voie extraordinaire, nous eussions été trop longtemps sans apprendre ce qu'on disait. Il y a eu un retardement d'un jour, parce que mon frère à qui le paquet était adressé s'est trouvé à dix lieues de Paris. On m'a éveillé de fort bonne, heure pour recevoir le paquet, qui était sous mon adresse. J'ai cru d'abord que je devais ouvrir le paquet qui était pour vous, quand ce n'eût été que pour suppléer par la lettre qui m'est adressée, ce qui pourrait manquer à la vôtre ; mais enfin le respect l'a emporté. Je serai, sans tarder, mardi au soir à Paris, et je chercherai dès le lendemain les moyens de vous voir. Je vous supplierai, quand vous aurez vu la lettre latine et que vous en aurez tiré copie, que je la puisse revoir.

L'état des choses est que, malgré les longs discours des Cambrésiens, le rapport des qualificateurs finira à la mi-septembre, et qu'il n'y aura qu'à attendre l'avis des cardinaux. Les bien intentionnés croient qu'il serait honteux au saint Siège et contraire au bien de la religion, après un si grand éclat, de ne faire aboutir un si long examen qu'à une simple prohibition, sans aucune qualification particulière avec du moins un respective, qui ôterait tout l'embarras de la discussion, et c'est à quoi il faut s'en tenir, à mon avis.

M. le nonce continue à écrire fortement. Il me semble absolument nécessaire que le roi, en lui témoignant la satisfaction qu'il en a, lui déclare qu'il s'attend non-seulement à une prompte expédition, mais encore à une décision digne du saint Siège et de l'attente de la chrétienté, et qui soit capable de mettre fin à un mal si contagieux.

On répand plus que jamais sous main le quiétisme, et les preuves que j'en ai sont démonstratives.

Je suppose qu'on vous écrira sur le sermon prononcé aux

 

539

 

Jésuites, le jour de saint Ignace (a), où l'on a prêché avec l'amour pur l'indifférence pour le salut, en comparant saint Ignace à Jésus-Christ, qui avait abandonné la béatitude pour venir sauver les hommes.

Voici sans doute une grande crise pour l'Eglise et une pressante occasion de mettre fin aux nouvelles spiritualités, qui produiront un grand mal, si l'on n'en arrête le cours.

Je vous supplie qu'en arrivant j'apprenne où je pourrai avoir, dès le lendemain, la joie de vous voir. Vous connaissez mes respects, mon cher Seigneur, et mon vif attachement.

L'abbé Bossuet me mande qu'il sait que le cardinal de Bouillon lui rend à la Cour tous les mauvais offices qu'il peut. L'abbé lui témoigne toutes sortes de respects : mais quoique ce cardinal m'écrive sur son sujet d'une manière très-obligeante, il est fâché dans son cœur de le voir si attentif à solliciter et à agir contre la cause qu'il favorise. Il est de votre bonté, en tous souvenant du passé, de pénétrer ce qui peut être de l'avenir : pourvu qu'on soit averti, l’abbé Bossuet se promet de tout détruire par preuves.

 

LETTRE CCCXXXIX. BOSSUET A  SON NEVEU. A   Meaux , ce  17 août  1698.

 

J'ai reçu, vos lettres du 12 du mois dernier par le courrier de M. le cardinal de Bouillon, celle du 22 écrite d'une autre main, celle que Madame de Foix m'a fait tenir, celle du 29 par l'ordinaire, et celle de votre courrier extraordinaire du 4 de ce mois.

Vous avez appris apparemment par M. do Paris qu'aussitôt que j'eus reçu votre paquet par le valet de chambre de M. d'Azuque, mon frère m'envoya un exprès. Je le fis repartir le plus tôt qu'on put, pour faire tenir à l'archevêché la réponse latine de M. de Cambray et le paquet qui regardait M. de Paris, avec une lettre que j'y joignis. Quoique la réponse latine n'ait été par ce moyen

 

(a) Voir plus haut la lettre CCCXI.

 

540

 

que très-peu de temps entre mes mains, et qu'on ne puisse la parcourir plus légèrement que je l'ai fait, j'y ai remarqué en gros les impudentes impostures dont elle est pleine. Ce sont à peu près les mêmes qui remplissent la réponse française à la Relation, que j'ai toute, à la sixième feuille près. J'espère que si elle vient entre vos mains, vous me l'enverrez, ainsi que vous avez fait la latine, par un courrier exprès. Quand je l'aurais déjà toute entière, vous me ferez toujours plaisir de me l'envoyer. Les changements des diverses éditions sont à observer, et il vaut mieux en avoir trop que d'en manquer.

Le Quietismus redivivus doit vous arriver par le courrier de M. le cardinal de Bouillon, qui n'a voulu se charger que d'un très-petit nombre d'exemplaires : le reste ira par la voie ordinaire. Je vous enverrai par votre courrier la version italienne de la Relation. Toutes les lettres de Rome retentissent de l'effet qu'elle y a eu (a).

Je serai mardi à Paris ; je dirai ce qu'il faudra dire sur votre compte.

J'ai reçu une lettre de M. le cardinal de Bouillon, du 22. Voici ce qu'il dit en parlant de vous : « Je souhaite que M. votre neveu soit content de moi ; au moins puis-je vous assurer qu'il en a sujet. » Et dans un post-scriptum : « M. votre neveu m'a donné votre dernier ouvrage (b), que j'ai lu avec toute l'attention et les réflexions que demandent les faits qui y sont rapportés. Je suis sûr que loin de désirer que je vous mande mes sentiments sur ce dernier ouvrage, non plus que sur les précédents, concernant cette trop malheureuse affaire, vous me prescririez de ne vous en rien faire connaître, si je voulais vous le faire savoir. »

J'avoue pourtant que ce silence sur une affaire de procédé, dont on n'est pas juge, me paraît bien sec.

(a) Elle jeta les partisans de M. de Cambray dans la consternation. « L'abbé de Chanterac, dit M. Phelippeaux dans sa Relation, part. II, p. 116, était confus d'avoir publié tant de faussetés : il protestait qu'on lui avait caché tous ces faits ; que s'il les eût sus, il aurait été le premier à condamner M. de Cambray. » Le cardinal de Bouillon tenait le même langage : « Il disait publiquement, continue M. Phelippeaux, qu'il n'avait jamais rien su de ces faits, ne voulant pas se souvenir de ce que M. de Meaux lui en avait dit en France et de ce que nous lui en avions dit à Rome. » — (b) La Relation sur le quiétisme.

 

541

 

Pour vous, vous ne sauriez faire trop d'honnêtetés à Son Eminence.

 

LETTRE CCCXXX. M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS, A L'ABBÉ BOSSUET. 18 août 1698.

 

Je commencerai par vous parler, Monsieur, de votre dernière lettre du 4. Elle est arrivée fort heureusement, aussi bien que la belle pièce (a) que vous m'envoyez. Vous m'avez fait un sensible plaisir de l'envoyer si diligemment ; je vous en remercie de tout mon cœur. Elle ne me fait point de peur : il me semble qu'elle est faible en tout, et pour les raisonnements et pour les expressions. Il convient des faits principaux de ma Réponse; je puis vous assurer que ceux qu'il y ajoute sont faux : je suis fâché d'être obligé de le dire, mais j'y suis forcé. Je ne répondrai pas néanmoins : je me suis engagé trop publiquement à ne le pas faire pour manquer à ma parole. Je pourrai seulement laisser répondre un anonyme, qui dira ce qu'il faut : je m'expliquerai davantage par le premier courrier.

Je viens à votre lettre du 29, et ne trouve pas grand'chose à y répondre, parce que c'est un abrégé de celle que vous m'aviez écrite le même jour par ce courrier extraordinaire, et que l'abbé Madot m'apporta fort ponctuellement.

Il est fâcheux que le cardinal de Bouillon ait changé la résolution qu'il avait prise : on consentait volontiers en ce pays au séjour qu'il voulait faire à la campagne.

Continuez à combattre la cabale, et à soutenir la bonne cause ; j'espère que Dieu vous y aidera; nous le ferons de notre mieux en ce pays. M. de Meaux arrive demain : nous conférerons d'abord, et nous agirons toujours avec le zèle que nous devons. Croyez-moi, je vous conjure, Monsieur, à vous très-sincèrement.

 

(a) La Réponse de M. de Cambray à M. l'archevêque de Paris.

 

 

542

 

LETTRE CCCXXXI. L'ABBÉ BOSSUET  A  SON  ONCLE. Rome, ce 19 août 1698.

 

Je vous écris par le valet de chambre de M. de Torci, que M. le cardinal de Bouillon renvoie cette nuit.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Versailles, du 28 juillet : j'ai reçu on même temps les premières feuilles du Quietismus redivivus. J'ai commencé à en donner à quelques cardinaux, et en donnerai à tous ; mais à mesure que je les pourrai rencontrer, pour leur pouvoir expliquer le tout moi-même. Vous recevrez ma lettre du 12 par le courrier ordinaire, à peu près en même temps que celle-ci ; ainsi je ne répéterai dans celle-ci que ce qu'il y avait d'essentiel dans l'autre : j'y ajouterai ce que je sais de nouveau.

Je vous parlais, dans ma lettre du 12, de ce qui regarde le duc Cesarini, et je vous disais qu'il s'était expliqué avec un de mes intimes amis, qui est aussi des siens, sur ce qui me regarde; qu'il avait déclaré que M. le cardinal de Bouillon l'avait fait tenter par des voies indirectes sur mon chapitre, pour tâcher de l'irriter contre moi, et de lui faire prendre de l'ombrage sur les bruits qui avaient couru ; que cela lui avait causé un peu de chagrin contre moi pendant quelque temps ; mais que depuis qu'il avait su les manèges du cardinal de Bouillon dans l'affaire de M. de Cambray, et l'aversion qu'il avait pour moi, il avait aisément reconnu sa malice ; qu'il avait fait dire à ce cardinal depuis quelques mois, par les mêmes gens qui lui en reparlaient, qu'il n'a-voit eu jamais aucun sujet de se plaindre de moi ; que les auteurs de ces faux bruits étaient ses ennemis autant que les miens ; et qu'il n'avait garde de s'en prendre à moi, qui en étais innocent en toutes manières.

J'ai été bien aise de savoir ces intrigues, qui me font voir ce qu'il faut attendre de l'amitié du cardinal de Bouillon. Vous devez être assuré que s'il pouvait me voir mort, ou hors de Rome,

 

543

 

rien ne lui causerait plus de joie; mais je vas toujours mon train à l'ordinaire, et le cardinal est obligé extérieurement d'avoir pour moi de grands égards. Ainsi je ne puis croire que le mal que le cardinal de Bouillon a fait dire de moi par son homme, regarde la calomnie débitée contre moi cet hiver, qui est entièrement oubliée, et sur laquelle tout le monde ici me rend justice. Mais ses propos ont infailliblement pour objet l'affaire de M. de Cambray; et à cet égard il devrait se contenter de tâcher de se justifier, sans accuser les gens qui font leur devoir en honneur et en conscience. Il s'imagine que j'écris contre lui, parce que la conscience lui reproche beaucoup de choses qu'il voudrait être ignorées. Mais je n'écris que ce qui est public, et ce que je sais à n'en pouvoir douter : je ne suis ici que pour cela. Il n'ose entrer dans aucun éclaircissement avec moi, parce qu'il sait que j'ai raison en tout, et qu'il ne m'en imposera pas. Il y a cinq ou six mois qu'il voulut me parler, mais il s'en tira très-mal. Il parle plus qu'il ne veut ; et malgré lui il montre son cœur et ses dispositions : c'est pourquoi il juge à propos à présent de n'avoir avec moi aucune discussion sur ce qui le regarde ; et je n'en suis pas fâché. Au reste je puis vous assurer que je ne me mêle de rien que de cette affaire, sur laquelle je m'exprime toujours très-modestement touchant cette Eminence, mais très-fortement sur les faussetés qu'on répand perpétuellement, et qu'on répandra jusqu'à la lin de l'affaire. Toute l'application des ennemis est à présent de faire croire que c'est une cabale de Cour qui persécute M. de Cambray, et qui veut lui imposer silence. Là-dessus on tient sur le roi et sur Madame de Maintenon, toutes sortes de discours indécents, que le cardinal de Bouillon ne prend aucune peine de détruire. Il faut que nous et nos amis le fassions.

Il ne faut plus espérer que la Réponse de M. de Cambray contre M. de Paris devienne publique : ils tâchent d'en retirer doucement les exemplaires qu'ils en ont donnés à quelques cardinaux. Aucun de ceux à qui je l'ai demandée ne me l'a voulu laisser voir, me disant qu'ils avaient promis de ne la montrer à personne. Sur les plaintes que j'ai faites hautement du procédé des agents de M. de Cambray, qui cachent ainsi un livre imprimé auquel ils

 

544

 

545

 

veulent qu'on ajoute foi, et d'après les remarques que nous avons faites sur le peu de droiture d'une pareille conduite, en nous récriant contre la fausseté du contenu de cette Réponse, M. de Chanterac est allé déclarer chez les cardinaux, et en particulier chez le cardinal Casanate, qui me l'a dit, qu'il ne publiait pas encore cette Réponse telle qu'elle était imprimée, parce qu'il y avait quelque chose à corriger, qu'elle n'était pas tout à fait exacte, qu'elle traitait un peu durement M. de Paris, qu'il voulait ménager à cause de Madame de Maintenon et du roi ; mais que bientôt elle paraîtrait corrigée avec la réponse à votre Relation, telle qu'il convenait. Voilà la manière d'agir de ces Messieurs : ils n'osent publier ce que leur maître imprime. Il leur suffit de dire qu'on a répondu, que la pièce est imprimée; après quoi ils la suppriment sous prétexte qu'ils ne veulent pas fâcher Madame de Maintenon et le roi, qui s'intéressent à ce qui regarde M. de Paris. Il est aisé de voir que ces manières ne doivent pas faire un bon effet pour eux. Néanmoins les partisans de M. de Cambray n'en publient pas moins insolemment qu'on répond à tout. On a fait remarquer toutes ces choses au Pape et aux cardinaux.

M. de Cambray veut à présent faire pitié. M. de Chanterac va supplier, en pleurant, qu'on sauve l'honneur d'un évêque dont les intentions, selon lui, sont si droites et les mœurs si irréprochables. Il n'est plus question maintenant de mettre le livre à couvert; mais on veut empêcher une qualification particulière, et même une condamnation générale du livre, comme contenant une doctrine hérétique, erronée, etc. On voudrait après tout ce qui s'est passé, après un examen aussi long et aussi solennel, qu'on se contentât de défendre le livre en général, ou bien seulement comme contenant quelques propositions équivoques, auxquelles en rigueur on peut donner un mauvais sens, et qui ont besoin d'explication.

Pour moi, je soutiens que si le saint Siège commet une pareille bassesse, il donne gain de cause à M. de Cambray, et fournit moyen de renouveler la pernicieuse doctrine des quiétistes. C'est aussi à quoi je m'oppose de toutes mes forces, et à quoi il faut que l'on s'oppose du côté de la France, et que le nonce écrive

 

545

 

fortement là-dessus. Le Pape m'a promis solennellement une décision sur la doctrine du livre, qu'on doit déclarer bonne ou mauvaise. C'est pour y parvenir qu'il a voulu qu'on fît un examen si authentique, et plus sérieux qu'on ne l'a fait dans aucune affaire de ce siècle, puisqu'on entend les examinateurs les uns après les autres, qui parlent autant qu'ils veulent, et qui laissent leur vœu par écrit. Si donc on ne faisait autre chose que de défendre le livre, sans déclarer la doctrine mauvaise, sans même qualifier les propositions, ce serait l'effet d'une ignorance trop crasse ou d'une mauvaise volonté trop publique. Je ne puis m'imaginer qu'on commette une pareille indignité : c'est pourtant la seule ressource du cardinal de Bouillon et de la cabale, qui est plus forte que jamais certainement malgré votre Relation, malgré le parjure démontré de M. de Cambray, malgré l'évidence des faits plus claire que la lumière du soleil. Et la raison est que c'est un parti pris par cabale et par engagement, dont on ne peut sortir qu'en cherchant à déshonorer le saint Siège, et qu'en mettant en péril évident la religion par une décision qui ne dise rien, et qui par conséquent laisse le quiétisme en vigueur.

Vous pouvez compter que nous n'oublierons rien pour prendre un bon parti, et j'ai lieu d'espérer qu'on s'y déterminera. Mais pour assurer la chose davantage, je serais d'avis que vous fissiez un mémoire court sur cela, où vous montreriez la nécessité de prononcer sur la doctrine en l'état où sont les choses. Il serait nécessaire que le roi le remît incessamment entre les mains du nonce ; et si l'on pouvait dépêcher ici un courrier pour le porter, cela ferait à merveille et assurerait les qualifications. Il faut de la diligence, parce que la première chose que les cardinaux feront quand les qualificateurs auront fini, ce qui arrivera à peu près à la mi-septembre, sera de s'assembler sur le modus agendi; car à cet égard on n'a pris encore aucune résolution. C'est alors qu'on déterminera si l'on qualifiera les propositions, et de quelle manière on procédera : ainsi tout dépend de cette première détermination. Vous voyez donc combien il serait nécessaire que le roi parlât sérieusement au nonce avant ce temps. Le Pape, qui est jusqu'à cette heure bien intentionné, sera jaloux de le satisfaire;

 

546

 

et si le roi témoigne désirer une décision forte et précise, on ne pourralui refuser une demande si juste. Or, pour que nous ayons gain de cause, il suffit qu'on se détermine à juger si la doctrine des propositions est bonne ou mauvaise. Toute la finesse de la cabale consiste à présent à précipiter l'affaire ; mais il est de l'intérêt de la vérité de l'empêcher : car il nous faut une bonne décision ; et pour l'obtenir, il est essentiel qu'elle soit demandée de nouveau avec instance par le roi et par le nonce.

Votre Quietismus redivivus viendra fort à propos : on souhaite il y a longtemps voir le parallèle des propositions de M. de Cambray avec celles de Molinos et des quiétistes. La préface mettra ici de mauvaise humeur les défenseurs de M. de Cambray.

Depuis huit jours on dit ici publiquement que le roi veut envoyer un nouvel ambassadeur : la plupart des lettres de France en parlent ; les avis de Venise l'assurent, et d'une manière qui a fait de la peine au cardinal de Bouillon, parce qu'on y loue fort le cardinal de Janson. On dit M. de Catinat nommé ; d'autres, le prince de Monaco : on voit bien qu'il n'y a encore rien de sûr, ou au moins que la Cour n'a pas encore déclaré son choix. Mais quoique vous ne me donniez aucune instruction sur ce fait, par tout ce qui me revient, je juge qu'il doit y avoir quelque fondement à tous ces bruits. Quoi qu'il en soit, tout le monde approuve fort la résolution du roi là-dessus ; et rien n'est plus nécessaire dans les circonstances présentes qu'un pareil changement, non-seulement pour notre affaire, mais encore pour toutes les autres. On dit actuellement plus que jamais, chez M. le cardinal de Bouillon, qu'après la Saint-Louis ce cardinal va à Frescati. Il y a quatre jours qu'il eut une légère indisposition, que les uns croyaient simulée pour avoir prétexte de changer d'air. Vous savez ce que je vous ai mandé à ce sujet dans mes précédentes. Les dispositions sont les mêmes, et tout ira bien si le cardinal part. Je ne crains que son vœu, parce qu'il est le premier du saint Office à donner son avis.

Vous ne m'avez jamais mandé si vous aviez vu Madame de Lanti : c'est une Dame d'un mérite très-grand, à qui j'ai bien des obligations, et qui sera ravie de vous voir assurément. Je ne

 

547

 

doute pas qu'elle ne vous voie, en quelque état qu'elle puisse être.

Je crois aussi avoir oublié de vous écrire une circonstance assez remarquable. Lorsque M. le cardinal de Bouillon jugea à propos de me dire, aussi bien qu'à M. de Chanterac, qu'il voulait aller à Frescati pour ne pas assister au jugement de l'affaire, M. Poussin, secrétaire de cette Eminence, vint me trouver et me dit tout ce qu'on peut imaginer contre l'imprudence du cardinal. Il m'assura qu'il n'avait nulle part à cette résolution, qui ne pouvait manquer de nuire infiniment à Son Eminence, en faisant voir au roi et à tout le public sa partialité : il me pria de vouloir bien écrire en France, que lui Poussin n'entrait pour rien dans tout ce que faisait son maître, et qu'il ne l'approuvait pas. Il faut que vous sachiez que ce secrétaire fait ici le petit ministre, et prétend voler de ses ailes. Je l'assurai qu'il ne courait aucun risque ; que je ne doutais pas que son maître ne sût bien ce qu'il faisait, et ne fût bien sûr de ne pas déplaire au roi. Tout cela fait bien voir le peu d'approbation que la conduite du cardinal trouve dans l'esprit des personnes qui lui sont le plus dévouées.

Ce même Poussin, que son maître ménage à présent, me dit il y a quelques jours, qu'il lui paraissait que les lettres du roi n'étaient pas si fortes, et qu'il avait calé là-dessus. Je le priai de s'expliquer mieux à d'autres; je lui ajoutai que si le roi ne parlait pas de cette affaire dans toutes ses lettres, c'était qu'il croyait, avoir plus que suffisamment expliqué ses intentions dans les précédentes.

Je sais de science certaine qu'on fait courir le bruit chez le cardinal de Bouillon, que l'affaire de M. de Cambray s'accommode en France, et que M. de Cambray donne une explication qui ne le condamne pas, et qui contente tout le monde. Je me suis bien moqué d'un pareil discours; mais cela est fait exprès pour adoucir ici les esprits à l'égard de M. de Cambray, et faire voir qu'il faut avoir des ménagements pour lui.

Au reste j'ai vu ces jours passés le P. Ammonio, jésuite, qui m'a dit tout ce qu'on pouvait dire pour justifier le P. de la Chaise, et qui m'a répondu de lui. Je l'ai assuré que je ne doutais pas de

 

548

 

ce qu'il me disait, surtout sachant par vous la déclaration publique qu'il avait faite là-dessus ; qu'il serait à souhaiter que les Jésuites français et italiens qui sont à Rome, fussent dans les mêmes sentiments; que je n'avais rien à lui dire là-dessus, et qu'il le voyait mieux que moi. Il est, si je ne me trompe, grand charlatan. Il m'a offert ses services pour cette affaire auprès du Pape, auquel il assure avoir dit mille biens de vous. Je l'en ai remercié et en crois ce qu'il me plaît. Il ne manquera pas d'écrire au P. de la Chaise notre conversation. Dans l'occasion témoignez, je vous prie, à ce Père ce que vous jugerez à propos : il ne coûta rien de faire semblant de croire ce qu'ils disent, quand on leur parle.

La santé du Pape m'inquiète un peu, ses jambes sont un peu enflées : il n'y a rien de dangereux ; mais il ne faut rien à son âge : Dieu sait ce qu'il veut faire là-dessus. Il faut toujours préparer les voies à une bonne condamnation, s'il y a moyen.

Je puis vous assurer qu'en conscience on doit envoyer un ambassadeur au plus tôt, ou bien tout périra.

Il est de la dernière conséquence que nous soyons assurés du cardinal Carpegna : c'est le premier à voter après le cardinal de Bouillon. Il a bon esprit, mais il veut être Pape. Il faut le soutenir du côté de la Cour contre, le cardinal de Bouillon. Le cardinal d'Estrées est de ses grands amis : une lettre de lui un peu forte à cette Eminence, produirait un bon effet. Encore une fois, il n'est question que de presser sur les qualifications, en en montrant la nécessité. On a répandu ici le bruit que M. de la Trémouille même et le général de la Minerve ont assuré que la France ne s'attend qu'à une prohibition du livre, et qu'elle en sera contente. Je leur ai parlé là-dessus fortement ; mais quoi que je puisse dire, on en croira le ministre. Je ne puis trop le répéter : une qualification leur coûtera moins avec le respective qu'une censure in globo, telle que vous me l'avez envoyée, et sera aussi plus honorable pour le saint Siège.

M. de Chanterac dit ici hautement que vous avez mis dans votre Relation plusieurs faits faux et très-faux, qu'on relèvera bien ; nous verrons. La traduction italienne imprimée ne peut venir

 

549

 

trop tôt : elle sera certainement bien faite, étant de la main de M. Régnier; je ne le nommerai pas.

Il serait encore bon que le cardinal d'Estrées, ou le cardinal de Janson, ou vous, écrivissiez au Père général de la Minerve, qu'il ne peut faire un plus grand plaisir à la Cour et à tous ceux qui aiment la religion que de porter les cardinaux à une censure honorable, en qualifiant les propositions. M. l'abbé de la Trémouille tremble : il n'a pas voulu jusqu'à cette heure faire un pas pour nous. Le cardinal de Bouillon l'a prié sans doute de ne point agir; et actuellement il est la dupe de cette Eminence, qui lui fait tirer les marrons du feu. M. de la Trémouille aurait souhaité que du côté de la Cour on l'eût chargé de quelque chose; mais il ne connaît pas le terrain : je sais qu'il s'en est plaint à M. de Torci.

J'ai sujet de craindre que le cardinal Noris ne favorise les mezzo termine; car j'ai appris depuis deux jours des choses qui me font voir qu'il a de grandes liaisons avec le cardinal de Bouillon : néanmoins on ne peut s'expliquer plus clairement qu'il l'a fait sur la doctrine. Vendredi dernier, je fus avec lui deux heures dans son cabinet à remuer saint Augustin et saint Thomas : il a les plus beaux passages du monde contre M. de Cambray et son amour pur. Il me pria même de vous mander cette conversation : mais avec cela j'ai appris depuis que le cardinal de Bouillon faisait fond sur lui, et qu'il pencherait volontiers à ne pas fulminer contre M. de Cambray. Je le verrai incessamment là-dessus, et lui parlerai fortement. Je vois qu'il évite d'entrer en matière sur cela. J'ai résolu de le faire expliquer : nous verrons qui sera plus fin, car il l'est beaucoup.

J'ai vu le cardinal Ferrari ; il me paraît qu'il ira bien : il m'a assuré que toute la solution des partisans du livre consiste à dire, que M. de Cambray n'a voulu qu'établir un état où ordinairement la charité commande les actes des autres vertus. Et sur l'exclusion du motif de l'espérance qui n'excite plus, il m'a dit bonnement ne savoir pas de réponse; ajoutant néanmoins qu'ils disaient que c'était le motif de la volonté de Dieu qui excitait principalement, qui faisait agir sans exclusion de l'autre motif. Je lui

 

550

ai montré que c'était là l'amour du quatrième état ; et franchement voilà à quoi il n'y a pas de réponse.

Je vous envoie la traduction latine du livre de M. de Cambray : il serait bien à souhaiter que vous l'eussiez eue plus tôt. M. Phelippeaux m'a toujours assuré que vous l'aviez, et qu'il vous avait écrit là-dessus; mais il vaut mieux tard que jamais. Nous vous avons envoyé les notes qu'il avait données manuscrites au commencement ; c'est substantiellement les mêmes.

Je vous adresse tout le paquet sous l'enveloppe de M. le marquis de Torci, afin que le courrier soit disculpé s'il reçoit mon paquet. J'en adresse aussi un pour M. de Paris. Je n'ai le temps que de lui écrire un mot; vous lui ferez, s'il vous plaît, part de cette lettre.

On a fini hier les cinq propositions : on commence demain la matière suivante, et en trois semaines le tout sera bien avancé.

 

LETTRE CCCXXXII. BOSSUET A SON NEVEU. Versailles, 24 août 1698.

 

Je vous apprendrai que la Réponse de M. de Cambray à la Relation en français devient publique à Paris, et je l'ai. Il y en avait une autre édition plus courte et assez différente que j'ai encore, quoique l'auteur l'ait supprimée. Tout y est plein d'impostures et de pauvretés, de répétitions et de faiblesses.

J'ai vu, entre les mains de M. le nonce, une lettre de l'archevêque de Chieti, qui semble tourner tout court sur le livre de M. de Cambray, et qui prouve par l'exemple de saint Denis d'Alexandrie et de saint Basile, que des propositions approuvées dans des gens de bonne intention sont condamnées dans des gens dont l'intention est connue mauvaise, comme la Relation le montre de M. de Cambray.

La traduction italienne de la Relation est avancée.

Je n'ai pu encore achever la réponse au nouvel écrit de M. de

 

551

 

 

Cambray, ni même faire aucun projet. Quoi qu'il en soit, nous mettrons tout en italien ou en latin.

Quand j'aurai parlé sur votre courrier, on prendra la résolution pour le renvoyer : j'espère bien que le roi le paiera.

M. le cardinal d'Estrées m'a dit que Monseigneur Giori n'avait rien contre vous; mais que comme vous voyiez souvent M. le cardinal de Bouillon qu'il n'aime pas, il avait eu quelque défiance de vous. Ce cardinal m'a assuré qu'il avait écrit à ce prélat d'une manière à lever tous ses soupçons. Souvenez-vous que c'est un homme qu'il faut ménager.

Je ne vois jusqu'ici rien contre vous : je veillerai à tout, et je dirai ce qu'il faudra.

Le cardinal de Bouillon n'est pas fort bien ici. On ne trouve pas bon qu'il n'y envoie pas ce que M. de Cambray répand en secret.

J'ai presque achevé de lire la Réponse de M. de Cambray à ma Relation. Elle est pitoyable ; et l'on s'étonne beaucoup ici que M. le cardinal de Bouillon se déclare protecteur d'un homme qui ne fait que se moquer du public. On s'étonne aussi qu'il retourne aux congrégations (a).

M. l'abbé de la Trémouille a mandé la conversation où M. de Chanterac a été appelé avec vous ; mais il ne rapporte pas que M. le cardinal de Bouillon y eût dit qu'il se retirait des congrégations, pour ne pas voir condamner ses amis.

La réponse à ma Relation, que M. de Cambray fait distribuer, a 170 pages; et celle qu'il a supprimée, dont j'ai un exemplaire, en a 143.

M. le cardinal de Janson est allé chez lui ; il a toujours pour nous toutes les bontés imaginables.

 

(a) Le cardinal de Bouillon avait déclaré, comme on le voit dans la lettre de l'abbé Bossuet, du 29 juillet, qu'il se retirait à Frescati pour ne plus assister aux congrégations; mais il ne tint point parole, et continua jusqu'à la fin d’y assister. (Les édit.)

 

552

 

LETTRE CCCXXXIII. L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET. Rome, 26 août 1698.

 

Mercredi dernier on commença à voter sur la vingt-deuxième proposition jusqu'à la vingt-huitième inclusivement. Alfaro parla seul et longuement. Hier lundi, Gabrieli, le procureur général des Augustins et Miro parlèrent sur les mêmes propositions. L'examen de toutes les propositions finira dans le mois prochain. On m'a averti ce soir qu'on entendrait les consulteurs, ce qui se fera dans peu de séances, parce que, pour éviter l'inconvénient où sont tombés les qualificateurs, qui ont fait plutôt l'office de parties que de juges, ils se contenteront de dire sommairement les qualifications convenables à chaque proposition : cela ôtera la partialité. J'espère que ces consulteurs nous seront d'un grand secours. Le général de la Minerve et le commissaire du saint Office sont à la tête : les autres sont instruits, et on continuera de les instruire.

Jeudi dernier, M. le cardinal de Bouillon déclara que le roi avait nommé pour ambassadeur le prince de Monaco ; ce qui a donné sujet à beaucoup de discours. Cela ne nuira point à notre affaire. On affecta fort de dire qu'on avait demandé un ambassadeur, et qu'on avait demandé ce prince en particulier. Quelques personnes bien intentionnées pour la France n'approuvent pas fort ce choix. Ils exagèrent la vieillesse de ce prince, son peu d'expérience dans les affaires, et la jalousie des Italiens contre lui pour s'être livré aux François qu'on craint, mais qu'on n'aime pas ici. Cela a fait redoubler les regrets qu'on a du cardinal de Janson, qui est de plus en plus aimé, estimé et regretté dans cette Cour, et regardé comme un excellent ministre.

M. le grand-duc doit vous écrire en faveur de M. Poussin, secrétaire de M. le cardinal de Bouillon, qui ne veut pas entrer chez le prince de Monaco. Il voudrait faire rétablir l'agence en sa faveur. C'est un homme qui a de l'esprit, qui est fort laborieux,

 

553

 

accoutumé aux négociations, et qu'on peut dire avoir fait l'ambassade depuis le départ du cardinal de Janson. Il s'est assez montré favorable dans nos affaires, et en cela contraire dans le secret à M. le cardinal de Bouillon. Il ne lui manquerait qu'une chose pour l'agence, qui est la connaissance des affaires ecclésiastiques, celle de la doctrine et de la discipline de l'Eglise de France, pour appuyer ses intérêts dans les occasions fréquentes qui se présentent. Il prétend que cela peut être réparé par quelque habile docteur, que l'ambassadeur peut prendre à son service : il envoie sur cela un grand mémoire à M. de Torci. C'est à eux à voir ce qui est convenable. Il a souhaité qu'on vous en informât.

La Réponse à la Relation du quiétisme est arrivée : on ne la voit point encore. La Réponse à M. de Paris n'est point encore commune : on dit qu'on l'imprime en français à Douai. Nous attendons la suite du Quietismus, qui viendra toujours un peu tard.

Les amis de M. de Cambray commencent à avouer que le livre sera défendu; mais ils ne s'attendent pas encore aux qualifications des propositions, qui doivent être une suite nécessaire de la solennité de l'examen, quand d'autres raisons ne l'exigeraient pas. Je suis avec un profond respect, etc.

 

LETTRE CCCXXXIV. L'ABBÉ BOSSUET A  SON ONCLE. Rome, 26 août 1698.

 

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Meaux le 4 août. J'attends avec impatience de vos nouvelles, et l'avis de la réception de notre courrier et des lettres que j'ai écrites par celui de M. le cardinal de Bouillon : elles étaient toutes de conséquence.

Le lendemain de ma dernière lettre partie par le valet de chambre de M. de Torci, M. le cardinal de Bouillon déclara au Pape la résolution du roi d'envoyer ici M. le prince de Monaco pour ambassadeur. En même temps il publia que le roi ne l'avait

 

554

 

fait qu'à sa prière, qu'il le tourmentait là-dessus depuis plus de six mois à cause de sa santé ; et qu'il avait même nommé au roi M. le prince de Monaco comme son intime ami. Je sais même des gens à qui il a lu quelques lignes de la prétendue lettre de Sa Majesté là-dessus, et tournée dans ce sens. Je voudrais que Rome fût à cet égard aussi crédule que moi ; mais il n'y a personne qui ne soit persuadé que le motif de ce changement est que Sa Majesté n'est pas contente de lui, notamment sur ce qui regarde M. de Cambray; car tout le monde voit sa manière d'agir. Vous croyez bien que chacun est fort curieux de me faire parler; mais comme je ne sais rien là-dessus que ce que M. le cardinal de Bouillon a dit publiquement, j'ai paru ajouter foi à ses paroles, sans me mêler de dire ce que je ne sais pas.

M. le cardinal de Bouillon a été bien aise qu'on sût encore, ou au moins qu'on crût que le roi le fera protecteur de France, comme l'ont été autrefois M. le cardinal d'Est, etc. Néanmoins on n'en croit rien pour plusieurs raisons, outre qu'il est sujet du prince, et qu'ordinairement les couronnes ne choisissent pour cet emploi que des cardinaux étrangers, qu'elles attachent par là à leurs intérêts.

Le chagrin du cardinal de Bouillon ne se peut cacher ; il sent le coup. Cette Eminence est résolue plus que jamais d'aller à Frescati. On dit qu'il viendra aux congrégations du lundi et du jeudi devant le Pape. Presque personne ne doute que sous quelque prétexte il évitera de voter ; mais il n'y a rien de sûr : ce n'est que par conjecture qu'on le présume, et par la vue de l'embarras où l'on juge qu'il doit se trouver. Pour moi, je crains tout de ses mauvaises intentions : mais on a frappé le coup essentiel, et son crédit est tombé. Je le regarde à présent comme un simple cardinal, ou comme un simple jésuite, qui cependant ne manquera pas de bonne volonté, et qui fera le pis qu'il pourra.

Au reste la joie de voir ici un ambassadeur a été universelle. Le choix de M. de Monaco fait ici faire bien des raisonnements. Comme il est Italien, les cardinaux papables et non papables ont leurs espérances ou leurs craintes. Pour moi, le connaissant pour un digne sujet et un fort honnête homme, je lui rends partout

 

555

 

la justice qui lui est due. Je crois que vous voudrez bien lui écrire sur mon sujet. Je me donnai l'honneur de lui faire mon compliment samedi à Monaco. On espère qu'il pourra être ici à la Rinfrescate.

Voilà le pauvre ambassadeur d'Espagne mort, regretté de tout le monde. Il n'avait pas encore paru en public: ses équipages sont magnifiques, et n'ont pas encore vu le jour. M. de Monaco pourrait plus mal faire que de les acheter.

Notre affaire va son train; et à la mi-septembre ou peu de jours après, les qualificateurs finiront leurs rapports. On copie leurs vœux à force, pour les mettre entre les mains de MM. les cardinaux.

J'ai parlé de nouveau à l'assesseur du saint Office et au commissaire. Le dernier se comporte avec vigueur; le premier plus mollement : Fabroni et les Jésuites sont ses amis. Il n'est pas savant, et trouve bien la doctrine périlleuse ; mais il n'en sait pas assez pour en voir l’erreur par lui-même. Dans l'état des choses, il ne nous fera ni grand bien ni grand mal : s'il était vigoureux, il pourrait faire beaucoup de bien.

La Réponse à M. de Paris se cache de plus en plus, c'est-à-dire qu'on n'en donne plus d'exemplaires; mais les émissaires de M. de Cambray la lisent et la font voir sous main et en secret à tout le monde : ils font courir sur le motif de ce procédé des bruits injurieux au roi, à Madame de Maintenon et à M. l'archevêque de Paris. J'ai cru, ne pouvant en avoir d'exemplaire imprimé, devoir faire mes efforts pour en avoir une copie authentique. Pour cela il a fallu user de manège, afin de tirer des mains de quelque cardinal son exemplaire pendant quelques heures. Je n'ai pu en venir à bout par moi-même ; mais M. le prince Vaïni s'est tant remué, qu'il m'en a procuré un pour une demi-journée. Je l'ai fait copier par quatre personnes fort exactement, en marquant soigneusement le chiffre des pages de l'imprimé. On a fait collationner cette copie par un notaire public, et elle a été légalisée ; en sorte qu'elle peut tenir lieu d'original à M. de Paris, à qui je l’envoie. J'ai cru qu'il était bon de prendre cette précaution contre des gens de si mauvaise foi. Ils débitent qu'ils font

 

556

 

réimprimer cette Réponse pour la corriger et l'adoucir, mais c'est un prétexte dont ils veulent couvrir la honte de leur procédé.

On commence à faire voir ici en secret la Réponse à la Relation du quiétisme : elle est très-sûrement arrivée, imprimée en français. Trois ou quatre personnes m'ont dit l'avoir vue imprimée et entendu lire. Je ne sache pas qu'on l'ait encore donnée à aucun cardinal, et je doute qu'on la distribue. Ainsi il y a apparence qu'il y aura encore plus de mystère sur cette pièce que sur la Réponse à M. de Paris. On ne l'a donnée qu'à des gens affligés, qui la lisent et font lire, et on ne la laissera à personne. Vous croyez bien que je ferai l'impossible pour la lire et pour vous l'envoyer : mais vous aurez vu par la Réponse à M. de Paris, sur quoi il peut appuyer sa Réponse à votre Relation ; car il en a jeté tous les fondements dans cette pièce. On m'a dit seulement que sa Réponse à votre Relation était très-faible, quoique les Jésuites disent qu'elle vous accable. Il répète souvent : Voilà ce Montan, voilà cette Priscille. Il distingue trois temps sur Madame Guyon. Le premier est celui où elle était exempte de tout soupçon ; c'est celui de sa liaison avec elle, et qui était fondée sur le témoignage que lui avaient rendu MM. de Genève et de Grenoble. Le second temps est celui où vous examinâtes cette femme : le troisième, celui qui suivit les censures des évêques. Dans les deux derniers temps, il n'a eu aucun commerce avec elle : voilà ce que j'ai pu tirer des différents récits.

J'ai cru dans toutes ces circonstances, à la veille de la fin de l'examen, au milieu des cabales furieuses qui se forment pour faire donner une décision précipitée et insuffisante, et enfin parmi les sujets de crainte que doit causer la manière dont M. de Cambray et ses agents parlent et agissent; j'ai cru qu'il était nécessaire et important d'aller aux pieds de Sa Sainteté : mais auparavant j'ai voulu voir la disposition des ministres, du cardinal Spada et du cardinal Albane. Ils m'ont confirmé qu'on faisait toutes sortes d'efforts pour avoir une décision précipitée, et qui ne fût pas forte. Le cardinal Spada m'a assuré pourtant qu'on qualifierait les propositions, et qu'on ferait bien ; mais le cardinal

 

557

 

Albane m'a dit franchement que tout était à appréhender de la cabale, de l'impatience naturelle du Pape, des lettres pressantes du nonce pour finir promptement, et qu'il croyait très à propos que je visse Sa Sainteté et lui exposasse ce que je lui disais, afin de la déterminer à ne rien précipiter, pour que les cardinaux pussent qualifier les propositions, et qu'on fit bonne et forte censure, sans néanmoins perdre de temps.

Je me rendis donc avant-hier aux pieds de Sa Sainteté : je lui témoignai la satisfaction que les évêques et les gens bien intentionnés avaient de pouvoir espérer dans peu la fin du rapport des qualificateurs, dont la division qu'on avait travaillé à procurer, était le scandale de la chrétienté. Je l'assurai que c'était ce partage causé par la cabale, qui touchait si vivement le roi et les évêques, et dont ils souhaitaient ardemment voir incessamment la fin à quelque prix que ce fût, sentiments qui répondaient à ceux de Sa Sainteté et des cardinaux ; que c'était sur ce point qu'on faisait tant d'instances en France auprès de M. le nonce. J'ajoutai que pour ce qui regarde la décision, on ne pouvait nier que les circonstances de l'affaire n'en demandassent une prompte, mais néanmoins qui ne devait pas être précipitée, c'est-à-dire qu'il convenait que MM. les cardinaux eussent le temps convenable et nécessaire pour former leur vœu sur la doctrine des propositions examinées, et pussent les qualifier; que là-dessus les évêques n'avaient jamais prétendu donner des règles ; qu'ils se contentaient de témoigner leur désir de voir partir du saint Siège une décision qui déterminât le plus tôt qu'il serait possible l'erreur et la vérité, en montrant ce qu'on devait suivre et éviter en ces matières, afin de ne laisser aucun prétexte à M. de Cambray de défendre la pernicieuse doctrine de son livre et de ceux de Madame Guyon. Je lui fis sentir qu'un mois de plus ou de moins n'était rien après un examen si long, si solennel, pour parvenir à une décision qui honorât le saint Siège et l'épiscopat; qui fût agréable à Sa Majesté et utile aux fidèles. Je lui dis là-dessus beaucoup de choses qui tendaient au même but. Sa Sainteté me témoigna beaucoup de satisfaction de tout ce que je lui disais, et de me voir persuadé, aussi bien que les évêques, de ses bonnes intentions:

 

558

 

elle m'assura du désir qu'elle avait de finir, et me déclara en même temps qu'elle sentait combien il était essentiel de ne pas précipiter, pour pouvoir faire quelque chose de bien : elle me témoigna là-dessus être très-résolue d'entrer dans le fond de la doctrine, et de faire qualifier les propositions. Le saint Père m'ajouta que la division des examinateurs ne faisait rien à cet égard ; que c'était aux cardinaux à dire leur sentiment et à lui à décider; qu'il pouvait m'assurer qu'il voulait faire bien, et pacifier le royaume par une bonne et honorable décision.

Je lui fis ensuite mes justes plaintes du procédé de M. de Cambray et de ses agens, à l'égard des Réponses à M. de Paris et à vous. Je lui rappelai l'effet de votre Relation sur l'esprit même des plus intimes amis de M. de Cambray, le témoignage authentique du roi et le décri universel où était ce prélat et sa doctrine ; en sorte qu'on avait honte à présent d'avoir été de ses amis, et que tout le monde avait reconnu ses mauvaises intentions et son peu de bonne foi dans toute sa conduite. Je lui fis observer que le procédé dont ce prélat usait, en montrant et en cachant ses Réponses, non-seulement à l'a plupart des cardinaux du saint Office, mais aux parties, à moi qui résidais à Rome et aux évêques de France, était inouï et injuste et marquait la fausseté du contenu de ses écrits; que les prétextes qu'on employait pour justifier une telle conduite étaient encore plus frivoles, et également injurieux au roi et aux évêques, à qui le roi avait rendu un témoignage si authentique. Je m'étendis sur cet article essentiel, et rapportai plusieurs choses de cette nature, que je vis bien faire impression sur l'esprit de Sa Sainteté, qui me parut fort surprise d'un procédé si artificieux. Elle me demanda si je souhaitais qu'elle fît quelque chose là-dessus. Je lui répondis que je la suppliais seulement de n'avoir aucune créance à des libelles qu'on n'osait publier, et à ceux qui tâchaient de la prévenir à cet égard.

Comme le Pape me donnait une audience favorable, je me servis de l'écrit imprimé de M. de Chartres, pour lui faire voir démonstrativement le peu de confiance que l'on devait avoir à ce que disait M. de Cambray, qui avait pris Dieu à témoin

 

559

 

d'explications dans ses précédents écrits, qu'il contredisait manifestement dans son Instruction pastorale ; et je lui démontrai ainsi le parjure (a). Je le suppliai de se ressouvenir toujours de ce fait, quand on voudrait lui parler en faveur de M. de Cambray. Il me témoigna une extrême douleur de l'obstination de cet archevêque, et me donna sa bénédiction.

Le Pape me parut un peu plus pâle qu'à son ordinaire. Il a eu une espèce de fluxion sur le nez, qui se guérit. On dit que ses jambes sont un peu enflées; je ne m'en aperçus pas : mais cela n'est pas extraordinaire à un vieillard de son âge, Il n'y a rien encore dans son état qui menace une prompte ruine.

Il est bien certain que depuis un an il est baissé, et devenu infirme : doit-on s'en étonner à quatre-vingt-trois ans ?

Par les manuscrits répandus à Paris, jugez des discours qu'on tient ici : ils sont de la dernière insolence.

Au reste les Jésuites publient avec une affectation surprenante, que M. de Monaco est tout jésuite. Je réponds à cela qu'il est et sera ce que le roi lui ordonnera d'être. Il est bon qu'il ait des instructions là - dessus. Comme apparemment je me trouverai encore ici quand il y viendra, il serait avantageux pour moi que la Cour lui recommandât de me témoigner de la bonté et de la confiance.

M. Giori a connu que j'avais raison : il a eu depuis un mois la goutte. Il parla dimanche au Pape, conformément à ce que je lui avais représenté le matin : voilà sa réponse originale que je vous envoie.

 

(a) On peut voir dans l'Instruction de M. de Chartres la preuve de ces contradictions de M. de Cambray, qui, après tous les serments dont il avait autorisé ses premières défenses, niait ou rejetait ce qu'il avait si solennellement affirmé. Voyez l’Instruction de M. de Chartres, pages 59, 64, 65, 66, 68, 69, 79. Et pour donner ici une idée de ces infidélités de M. de Cambray, si toutefois celte qualification n'est pas trop modérée, il est bon de mettre sous les yeux du lecteur ce texte de l'Instruction de M. de Chartres : « Enfin, dit ce prélat, et c'est ce qui paraît de plus étonnant, après avoir donné cette première explication en la présence de Dieu, avec des protestations bien sérieuses qu'on n'a point eu d'autres sentiments dans le cœur en faisant le livre, et que cette explication en contient le système avec toutes ses restrictions, ou ne laisse pas de se départir visiblement de celte explication dans l'Instruction pastorale, pour y en substituer une autre qui n'a aucun fondement et qui n'en peut avoir, ni dans le dessein, ni dans les termes du livre. » (Les premiers édit.)

 

560

 

Le général de la Minerve m'a promis de parler aux cardinaux dans l'occasion, comme je le souhaite. Il a su par M. Nicole que les Jésuites publiaient à Paris qu'il ne suivrait pas les sentiments de Massoulié, et du maître du sacré Palais : cela lui a fait faire bien des réflexions.

Ayez la bonté de me faire savoir comment le P. Dez a été reçu du roi. Les Jésuites publient sur ce sujet les plus belles choses du monde, le P. Dez est très-sûrement le plus dangereux de tous les hommes. Les Jésuites et le cardinal de Bouillon seront toujours les mêmes.

Je suis fâché qu'on n'ait pas encore vu à Paris et dans les provinces, et en Flandre, le Mystici et Schola in tuto. Votre première résolution, de faire de petits écrits dans les circonstances présentes, était, selon moi, la meilleure : car beaucoup de gens auraient lu volontiers ces traités l'un après l'autre, qui seront effrayés de la lecture des trois ensemble. J'attends avec impatience les dernières feuilles du Quietismus redivivus, la traduction italienne et la censure qualifiée.

La France et les évêques auront une obligation infinie au cardinal Casanate, qui, s'il en est cru, fera aussi bien que nous. La jalousie que vous me dites qu'on a eue sur l'effet de la Relation, regarde-t-elle M. de Paris? il en est bien capable : ou bien con-cerne-t-elle les Jésuites, ou la Cour en général?

Les amis de M. de Cambray sont-ils revenus de bonne foi ? Je ne parle pas des Jésuites; il ne faut pas attendre qu'ils reconnaissent jamais leurs égarements. Voici une feuille pour vous en particulier.

Il est de la dernière conséquence pour la religion et pour le roi, que le cardinal de Bouillon ne soit pas protecteur de la France. Il emploierait assurément tout son crédit en faveur des Jésuites et contre les évêques et la bonne doctrine, surtout à présent qu'il a la rage dans le cœur.

Poussin souhaite que je vous écrive en sa faveur, pour que vous rendiez témoignage à M. de Pomponne et à M. de Torci, qu'il s'est toujours bien comporté sur l'affaire de M. de Cambray, et qu'il n'est pas entré là-dessus dans les sentiments de

 

561

 

M. le cardinal de Bouillon. Effectivement je puis assurer que tout ce qu'il m'a dit a toujours répondu à cette disposition, et tout ce qui m'est revenu de ses discours et de sa conduite à cet égard a toujours justifié ses bonnes intentions.

Il croit que votre témoignage et la manière dont vous parlerez de lui sur ce sujet, lui sera utile pour parvenir à se faire nommer agent de la France ici, ne voulant pas être secrétaire de l'ambassade. Il doit vous faire recommander ses intérêts par M. le grand-duc. Je lui ai dit que vous ne vous mêliez jamais de ces sortes d'affaires, que vous n'y aviez aucun crédit ; que pour lui rendre témoignage qu'il se comportait bien sur l'affaire de M. de Cambray, je vous en prierais, puisque c'était la vérité. Vous ferez ce que vous jugerez à propos dans la circonstance.

Il est de la dernière conséquence qu'on prévienne bien l'ambassadeur sur mon chapitre, et qu'il sache que Madame de Maintenon en particulier prend intérêt à l'affaire. Car le cardinal de Bouillon ne négligera rien pour lui faire croire que j'ai tout outré ; mais je n'ai jamais écrit que la vérité très-constante et même publique. La finie démontrera encore mieux, si je ne me trompe. Encore une fois, il faut que Madame de Maintenon ait la bonté de faire quelque chose là-dessus, aussi bien que MM. de Noailles. Tout ira bien si M. de Monaco voit qu'il fera plaisir à Madame de Maintenon, en agissant d'une manière convenable avec moi, qui lui rendrai bon et sûr compte de tout.

Le cardinal Albane, à qui j'ai parlé depuis mon audience, m'a assuré que Sa Sainteté avait bien compris tout ce que je lui avais dit et était satisfaite.

Au reste la manière hautaine dont M. de Cambray traite M. de Paris a scandalisé tous les cardinaux, et le mystère qu'on fait de la Réponse les a encore plus indisposés. C'est ici le mystère d'iniquité. Communiquez ma lettre à M. de Paris, à qui je n'écris pas si au long qu'à vous.

J'apprends dans le moment qu'on dit qu'on fera parler et voter sommairement les consulteurs. Il y avait longtemps que j'avais donné cette vue, comme je vous l'ai mandé. Il n'est pas encore bien sûr qu'on la suivra ; mais je le souhaite fort, parce qu'il ne

 

562

 

peut, ce me semble, qu'être avantageux qu'on prenne ce parti. Je serai bien trompé si alors les avis des consulteurs sont partagés.

Précédente Accueil Suivante