Rosaire
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SERMON
POUR
LA FÊTE  DU ROSAIRE  (a).

 

Dixit Jesus matri suae: Mulier, ecce filius tuus ; deinde dicit discipulo : Ecce mater tua.

Jésus dit à sa mère : Femme, voilà votre fils ; après il dit à son disciple : Voilà votre mère. Joan., XIX, 26, 27.

 

L'antiquité a fort remarqué l'action d'un certain philosophe qui ne laissant pas en mourant de quoi entretenir sa famille, s'avisa de léguer par son testament le soin de sa femme et de ses enfants au plus intime de ses amis, se persuadant, à ce qu'on nous dit (1), qu'il ne pouvait faire plus d'honneur à la générosité de celui auquel il donnait, en mourant, ce témoignage de sa confiance. A la vérité, chrétiens, il paraît quelque chose de beau dans cette action, si elle a été faite de bonne foi et si l'affection a été mutuelle ; mais nous savons que les sages du monde ont ordinairement bien plus travaillé pour l'ostentation que pour la vertu, et que la plupart de leurs belles sentences ne sont dites que par parade et

 

1 Eudamidas de Corinthe. Lucian., Dialog., Toxar. seu Amicit.

 

(a) Prêché en 1657, au collège de Navarre, dans la confrérie du Rosaire.

L'abbé Ledieu écrivait, dans ses Mémoires, en 1701 : « Un dimanche, fête du Rosaire, à l'occasion de cette fête, l'abbé Bossuet fit, en 1657, un  discours dont on parle encore avec admiration. » Ce discours admiré de souvenir durant un demi-siècle, Bossuet le prononça très-probablement à la chapelle du collège de Navarre, devant la confrérie du Rosaire dont il avait été le directeur; il dit dans l'exorde : « ... La sainte solennité du Rosaire, pour laquelle nous sommes ici assemblés; » et : « La dévotion à la Vierge, pour laquelle nous sommes ici assemblés. »

D'un autre côté, la première ligue de l'exorde, pour ne signaler que cet indice, révèle l'époque de Metz ; car elle commence le récit d'un fait pris dans l'histoire profane.

Le manuscrit original est à la bibliothèque du séminaire de Meaux.

 

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par une gravité affectée. Laissons donc les histoires profanes, et allons à l'Evangile de Jésus-Christ.

Pardonnez-moi, Messieurs, si je dis que ce que la nécessité a fait inventer à ce philosophe, une charité infinie l'a fait faire en quelque sorte à notre Sauveur d'une manière toute divine. Il regarde du haut de sa croix et Marie et son cher disciple, c'est-à-dire ce qu'il a de plus cher au monde ; et comme il leur veut laisser en mourant quelque marque de sa tendresse, il donne premièrement saint Jean à sa Mère ; après il donne à saint Jean (a) sa Mère, et il établit par ce testament la dévotion pour la sainte Vierge. C'est, mes Frères, pour cette raison qu'on lit cet évangile en l'Eglise, dans la sainte solennité (b) du Rosaire, pour laquelle nous sommes ici assemblés. C'est pourquoi, pour édifier votre piété, j'espère vous faire voir aujourd'hui que, par ces divines paroles, Marie est la Mère de tous les fidèles, après que je lui aurai adressé celles par lesquelles on lui annonça qu'elle serait Mère de Jésus-Christ même : Ave, Maria.

 

C'est un trait merveilleux de miséricorde, que la promesse de notre salut se trouve presque aussi antienne que la sentence dé notre mort, et qu'un même jour ait été témoin de la chute de notre nature et du rétablissement de notre espérance (c). Nous voyons en la Genèse l que Dieu nous condamnant à la servitude, nous promet en même temps le Libérateur ; en prononçant la malédiction contre nous, il prédit au serpent qui nous a trompés que sa tête sera brisée, c'est-à-dire que son empire sera renversé et que nous serons délivrés de sa tyrannie. Les menaces et les promesses se touchent ; la lumière de la faveur nous paraît dans le feu même de la colère, afin que nous entendions, chrétiens, que Dieu se fâche contre nous ainsi qu'un bon père, qui dans les sentiments les plus vifs d'une juste indignation , ne peut oublier ses miséricordes, ni retenir les effets de sa tendresse. Mais ce qui me paraît le plus admirable dans cette conduite de la Providence, c'est

 

1 Genes., III, 15.

 

(a) Var. : Il donne après sa Mère à son bien-aimé. — (b) Cérémonie. — (c) Ait été témoin de la chute de nos premiers parents et du rétablissement de leur espérance.

 

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qu'Adam même qui nous a perdus, et Eve qui est la source de notre misère, nous sont représentés dans les Ecritures comme des images vivantes des mystères qui nous sanctifient. Jésus-Christ ne dédaigne pas de s'appeler le nouvel Adam; Marie, sa divine Mère, est la nouvelle Eve, et par un secret merveilleux notre réparation nous est figurée même dans les auteurs de notre ruine.

C'est sans doute dans cette vue que saint Epiphane a considéré un passage de la Genèse (1), où Eve est nommée Mère des vivants, il a doctement remarqué que c'est après sa condamnation qu'elle est appelée de la sorte ; et voyant qu'elle n'avait pas ce beau nom lorsqu'elle était encore dans le paradis, il s'étonne avec raison que l'on commence à l'appeler Mère des vivants, seulement après qu'elle est condamnée à n'engendrer plus que des morts. En effet ne jugez-vous pas que ce procédé extraordinaire nous fait voir assez clairement qu'il y a ici du mystère ? Et c'est ce qui faire dire à ce grand évêque qu'elle est nommée ainsi en énigme et comme figure de la sainte Vierge, qui étant associée avec Jésus-Christ à la chaste génération des enfants de la nouvelle alliance, est devenue par cette union la vraie Mère de tous les vivants, c'est-à-dire de tous les fidèles. Voilà une belle figure de la sainte maternité de l'incomparable Marie, que j'ai à vous prêcher aujourd'hui, et j'en reconnais l'accomplissement à la croix de notre Sauveur et dans l'évangile de cette fête.

Car que voyons-nous au Calvaire, et qu'est-ce que notre évangile nous y représente? Nous y voyons Jésus-Christ souffrant, et Marie percée de douleurs, et le disciple bien-aimé , du Sauveur des âmes, qui remis de ses premières terreurs , vient recueillir les derniers soupirs de son Maître mourant pour l'amour des hommes. O saint et admirable spectacle ! Toutefois ce n'est pas là, chrétiens, ce qui doit aujourd'hui arrêter vos yeux. Mais considérez attentivement que c'est en cet état de souffrance que Jésus engendre le peuple nouveau ; et admirez que dans les douleurs de cet enfantement du Sauveur, dans le temps que nous naissons de ses plaies et qu'il nous donne la vie par sa mort, il veut aussi que sa Mère engendre et il lui donne saint Jean pour son fils : « Femme ,

 

1 Lib. III, Hœres. LXXVlll.

 

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lui dit-il, voilà votre fils. » Et ne vous persuadez pas qu'il regarde saint Jean, en ce lieu, comme un homme particulier. Tous ses disciples l'ont abandonné , et son Père ne conduit au pied de sa croix que le bien-aimé de son cœur ; tellement que dans ce débris de son Eglise presque dissipée , saint Jean, qui est le seul qui lui reste, lui représente tous ses fidèles et tous les enfants de la croix (a). C'est donc tout le peuple nouveau, c'est toute la société de l'Eglise que Jésus recommande à la sainte Vierge en la personne de ce cher disciple ; et par cette divine parole elle devient non-seulement Mère de saint Jean, mais encore de tous les fidèles. Et par là ne voyez-vous pas, selon la pensée de saint Epiphane, que la bienheureuse Marie est l'Eve de la nouvelle alliance et la mère de tous les vivants, unie spirituellement au nouvel Adam pour être la mère de tous les élus?

C'est, fidèles, sur cette doctrine toute évangélique que j'établirai aujourd'hui la dévotion de la sainte Vierge , pour laquelle nous sommes ici assemblés. Et pour expliquer clairement et par une méthode facile cette vérité importante, je réduis tout ce discours à deux points, que je vous prie d'imprimer en votre mémoire. Deux grandes choses étaient nécessaires pour faire naître le peuple nouveau, et nous rendre enfants de Dieu par la grâce : il fallait que nous fussions adoptés, il fallait que nous fussions rachetés. Car puisque nous sommes étrangers à Dieu, comment deviendrions-nous ses enfants, si sa bonté ne nous adoptait? Et puisque le crime du premier homme nous avait vendus à Satan , comment serions-nous rendus au Père éternel, si le sang de son Fils ne nous rachetait? Et donc pour nous faire les enfants de Dieu, il faut nécessairement qu'un Dieu nous adopte, et il faut aussi qu'un Dieu nous rachète. Comment sommes-nous adoptés? Par l'amour du Père éternel. Comment sommes-nous rachetés ? Par la mort et les souffrances du Fils. Le principe de notre adoption, c'est l'amour du Père éternel, et la raison en est évidente. Car puisque ce n'est pas la nature qui nous donne à Dieu comme enfants, il s'ensuit manifestement que c'est son amour qui nous a choisis. Mais si nous avons besoin de l'amour du Père pour devenir enfants d'adoption,

 

(a) Var. : Et toute l'universalité des enfants de Dieu.

 

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les souffrances du Fils nous sont nécessaires, parce que nous sommes enfants de rédemption ; et ainsi nous sommes nés tout ensemble de l'amour infini de l'un, et des cruelles souffrances de l'autre.

Nouvelle Eve, divine Marie , quelle part avez-vous en ce grand ouvrage, et comment contribuez-vous à la chaste génération des enfants de Dieu ? Chrétiens, voici le mystère ; et afin que vous l'entendiez, il faut vous prouver par les saintes Lettres que le Père et le Fils l'ont associée, le premier à la fécondité de son amour, le second à celle des souffrances ; tellement qu'elle est notre Mère, premièrement par un amour maternel, secondement par ces souffrances fécondes qui déchirent son âme au Calvaire. C'est le partage de ce discours ; et sans sortir de mon Evangile, j'espère vous faire voir ces deux vérités accomplies au pied de la croix, et établir sur ce fondement une dévotion fructueuse pour la bienheureuse Marie.

 

PREMIER POINT.

 

Jésus-Christ, notre Rédempteur, n'avait rien qui le touchât davantage que le désir miséricordieux de s'unir à notre nature , et d'entrer en société avec nous. C'est pourquoi il est né d'une race humaine, afin que nous devenions par la grâce une race divine et spirituelle ; il se joint à nous par un double nœud , lorsqu'en se faisant fils d'Adam, il nous rend en même temps les enfants de Dieu ; et par celle alliance redoublée , pendant que notre Père devient le sien , il veut que le sien devienne le nôtre. C'est ce qui lui fait dire dans son Evangile : Ascendo ad Patrem meum et Patrem vestrum (1) : « Je retourne à mon Père et au vôtre ; » afin que nous comprenions par cette parole qu'il veut que tout lui soit commun avec nous, puisqu'il ne nous envie pas cet honneur d'être les enfants de son Père.

Or, Messieurs, cette même libéralité qui fait qu'il nous donne son Père céleste, fait qu'il nous donne aussi sa divine Mère; il veut qu'elle, nous engendre selon l'esprit, comme elle l'a engendré selon la chair ; et qu'elle soit en même temps sa Mère et la nôtre,

 

1 Joan., XX, 17.

 

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pour être notre frère en toutes façons. C'est dans cette pieuse pensée que vous recourez aujourd'hui à la sainte protection de Marie, et vous êtes persuadés que les véritables enfants de Dieu se recon-noissent aussi les enfants de la Vierge ; si bien que je me sens obligé , afin d'échauffer en vos cœurs la dévotion de Marie, de rechercher par les saintes Lettres de quelle sorte elle est unie au Père éternel pour être Mère de tous les fidèles. Toutefois je n'ose pas entreprendre de résoudre cette question de moi-même ; mais il me semble que saint Augustin nous donne une admirable ouverture pour connaître parfaitement cette vérité (a). Ecoutez les paroles de ce grand évêque, dans le livre qu'il a composé de la sainte Virginité. C'est là que parlant admirablement de la très-heureuse Marie, il nous enseigne que « selon la chair elle est la Mère de Jésus-Christ, et aussi que selon l'esprit elle est la Mère de tous ses membres : » Carne Mater capitis nostri, spiritu Mater membrorum ejus; « parce que, poursuit ce grand homme, elle a coopéré par sa charité à faire naître en l'Eglise les enfants de Dieu : » Quia cooperata est charitate, ut filii Dei nascerentur in Ecclesià (1). Vous voyez la question décidée ; et saint Augustin nous dit clairement que Marie est Mère de tous les fidèles, parce qu'elle les engendre par la charité. Suivons donc les traces que nous a marquées cet incomparable docteur, et expliquons par les Ecritures cette fécondité bienheureuse par laquelle nous sommes nés de la charité de Marie.

Pour cela il nous faut entendre qu'il y a deux fécondités : la première dans la nature, la seconde dans la charité. Il est inutile de vous expliquer quelle est la fécondité naturelle, qui se montre assez tous les jours par cette éternelle multiplication qui perpétue toutes les espèces par la bénédiction de leur Créateur. Mais après avoir supposé la fécondité naturelle, faisons voir par les saintes Lettres que non-seulement la nature, mais encore que la charité est féconde. Et qui peut ne voir pas cette vérité, entendant le divin Apôtre lorsqu'il dit si tendrement aux Galates : « Mes petits

 

1 De sanctà Virginit., n. 6.

 

(a) Var.: ... De résoudre cette question de moi-même, et il faut que nous apprenions cette vérité par la bouche de saint Augustin.

 

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enfants, que j'enfante encore, pour lesquels je ressens encore les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en vous? » Filioli mei, quos iterùm parturio, donec formetur Christus in vobis (1). Ne voyez-vous pas, chrétiens, la fécondité merveilleuse de la charité de saint Paul? Car quels sont ces petits enfants que cet Apôtre reconnaît pour les siens, sinon ceux que la charité lui donne ? Et que signifient ces douleurs de l'enfantement de saint Paul, sinon les empressements de sa charité et la sainte inquiétude qui la travaille pour engendrer les fidèles en Notre-Seigneur? Et par conséquent, concluons que la charité est féconde. C'est pourquoi la même Ecriture, qui nous enseigne qu'elle a des enfants, lui attribue aussi en divers endroits toutes les qualités des mères.

Oui, cette charité maternelle qui se fait des enfants par sa tendresse, elle a des entrailles où elle les porte, elle a des mamelles qu'elle leur présente, elle a un lait qu'elle leur donne. Et c'est ce qui fait dire à saint Augustin que « la charité est une mère, et que la même charité est une nourrice : » Charitas mater est (2), charitas nutrix est (3). La charité est une mère, qui porte tous ses enfants dans le cœur et qui a pour eux ces entrailles tendres, ces entrailles de compassion que nous voyons si souvent dans les Ecritures : Chantas mater est. Cette même charité est une nourrice, qui leur présente les chastes mamelles, d'où distille ce lait sans fraude de la sainte mansuétude et de la sincérité chrétienne : Sine dolo lac, comme parle l'apôtre saint Pierre (4). Tellement qu'il est véritable qu'il y a deux fécondités : la première dans la nature , la seconde dans la charité. Or cette vérité étant supposée, il me sera maintenant facile de vous faire voir clairement de quelle sorte la Vierge sacrée est unie au Père éternel, dans la chaste génération des enfants du Nouveau Testament.

Et premièrement, remarquez que ces deux fécondités différentes , que nous avons vues dans les créatures, se trouvent en Dieu comme dans leur source. La nature de Dieu est féconde, son amour et sa charité l'est aussi. Je dis que sa nature est féconde;

 

1 Gal., IV, 19. — 2 De Catechiz. rudib., cap. XV, n. 23. — 3 Ad Marcel., epist. CXXXIX, n. 3. — I Petr., II, 2.

 

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et c'est elle qui lui donne ce Fils éternel, qui est son image vivante. Mais si sa fécondité naturelle a fait naître ce divin Fils dans l’éternité, son amour lui en donne d'autres qu'il adopte tous les jours dans le temps. C'est de là que nous sommes nés, et c'est à cause de cet amour que nous l'appelons notre Père ; par conséquent le Père céleste nous paraît doublement fécond. Il l'est premièrement par nature, et par là il engendre son Fils naturel ; il l'est secondement par amour, et c'est ce qui fait naître les adoptifs. Mais après que nous avons vu que ces deux fécondités différentes sont en Dieu comme dans leur source, voyons si nous pouvons découvrir qu'elles soient communiquées à Marie. Je vous prie, renouvelez vos attentions.

Et déjà il semble (a) qu'elle participe en quelque manière à la fécondité naturelle par laquelle Dieu engendre son Fils. Car d'où vient, ô très-sainte Vierge, que vous êtes Mère du Fils de Dieu même? Est-ce votre fécondité propre qui vous donne cette vertu? Non, dit-elle, c'est Dieu qui l'a fait et c'est l'ouvrage de sa puissance : Fecit mihi magna qui potens est (1). Elle n'est donc pas Mère de ce Fils par sa propre fécondité. Au contraire ne voyons-nous pas, fidèles (b), qu'elle se condamne elle-même à une stérilité bienheureuse par cette ferme résolution de garder sa pureté virginale? Quomodo fiet istud (2) ? « Comment cela se pourra-t-il faire? » Puis-je bien concevoir un fils, moi qui ai résolu de demeurer vierge? Si donc elle confesse sa stérilité, de quelle sorte devient-elle mère, et encore Mère du Fils du Très-Haut? Ecoutez ce que lui dit l'ange : Virtus Altissimi obumbrabit tibi (3) : « La vertu du Très-Haut vous couvrira toute. » Pénétrons le sens de cette parole. Sans doute le Saint-Esprit nous veut faire entendre que la fécondité du Père céleste se communiquant à Marie, elle sera Mère du Fils de Dieu même; et c'est pourquoi l'ange, après avoir dit que la vertu du Très-Haut l'environnera, il ajoute aussitôt après ces beaux mots : Ideoque et quod nascetur ex te sanctum, vocabitur Filius Dei : « Pour cela il sera nommé Fils de Dieu; » comme s'il avait dessein de lui dire : O sainte et divine

 

1 Luc., I, 49. — 2 Ibid., 34. — 3 Ibid., 35.

 

(a) Var. : Il est évident. — (b) Nous voyons, fidèles.

 

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Marie, le fruit de vos bénites entrailles sera appelé le Fils du Très-Haut, parce que vous l'engendrerez, non par votre fécondité naturelle, mais par une bienheureuse participation de la fécondité du Père éternel qui sera répandue sur vous.

N'admirez-vous pas, chrétiens, cette dignité de Marie? Mais encore n'est-ce pas assez (a) qu'elle soit associée au Père éternel comme Mère de son Fils unique : celui qui lui donne son propre Fils, qu'il engendre par sa nature, lui refusera-t-il les enfants qu'il adopte par sa charité? Et s'il veut bien lui communiquer sa fécondité naturelle, afin qu'elle soit Mère de Jésus-Christ, ne doit-il pas, pour achever son ouvrage , lui donner libéralement la fécondité de son amour pour être Mère de tous ses membres? Et c'est pour cela, chrétiens, que mon évangile m'appelle au Calvaire : c'est là que je vois la très-sainte Vierge s'unissant, devant son cher Fils, à l'amour fécond du Père éternel. Ah ! qui pourrait ne s'attendrir pas à la vue d'un si beau spectacle?

Il est vrai qu'on ne peut assez admirer cette immense charité de Dieu , par laquelle il nous choisit pour enfants. Car comme remarque admirablement l'incomparable saint Augustin (1), nous voyons que, parmi les hommes, l'adoption n'a jamais lieu que lorsqu'on ne peut plus espérer d'avoir de véritables enfants. Alors, quand la nature n'en peut plus donner, les hommes ont trouvé le secret de s'en faire par leur amour; tellement que cet amour qui adopte n'est établi que pour venir au secours et pour suppléer au défaut de la nature qui manque. Mais il n'est pas ainsi de notre grand Dieu : il a engendré dans l'éternité un Fils qui est égal à lui-même, qui fait les délices de son cœur, qui rassasie parfaitement son amour, comme il épuise sa fécondité. D'où vient donc qu'ayant un Fils si parfait, il ne laisse pas de nous adopter? Ce n'est pas l'indigence qui l'y oblige, mais les richesses immenses de sa charité. C'est la fécondité infinie d'un amour inépuisable et surabondant, qui fait qu'il donne des frères à ce Premier-né, des compagnons à cet Unique, et enfin des cohéritiers à ce Bien-aimé de son cœur. O amour ! ô miséricorde ! Mais il passe encore plus loin.

 

1 De Consens. Evang., lib. II, cap. III.

 

(a) Var. : Toutefois encore ce n'est pas assez.

 

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Non-seulement il joint à son propre Fils des enfants qu'il adopte par miséricorde, mais il livre son propre Fils à la mort pour faire naître les adoptifs. C'est ainsi que sa charité est féconde. Nouvelle sorte de fécondité. Pour produire, il faut qu'il détruise; pour engendrer les adoptifs, il faut qu'il donne le véritable. Et ce n'est pas moi qui le dis ; c'est Jésus qui me l'enseigne dans son Evangile : « Dieu a tant aimé le monde, dit-il, qu'il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient ne périssent pas, mais qu'ils aient la vie éternelle (1). » Ne voyez-vous pas, chrétiens, qu'il donne son propre Fils à la mort pour faire vivre les enfants d'adoption ; et que cette même charité du Père qui le livre, qui l'abandonne, qui le sacrifie, nous adopte, nous vivifie et nous régénère?

Mais après avoir contemplé la charité infinie de Dieu, jetez maintenant les yeux sur Marie, et voyez comme elle se joint à l'amour fécond du Père éternel. Car pourquoi son Fils l'a-t-il appelée à ce spectacle d'inhumanité? Est-ce pour lui percer le cœur et lui déchirer les entrailles? Faut-il que ses yeux maternels soient frappés de ce triste objet et qu'elle voie couler devant elle, par tant de cruelles blessures, un sang qui lui est si cher? N'y a-t-il pas de la dureté de ne lui épargner pas cette peine ? Chrétiens, ne le croyez pas et comprenez un si grand mystère. Il fallait qu'elle se joignît à l'amour du Père éternel ; et que, pour sauver les pécheurs, ils livrassent leur commun Fils, d'un commun accord, au supplice : si bien qu'il me semble que j'entends Marie, qui parle ainsi au Père éternel d'un cœur tout ensemble ouvert et serré; serré par une extrême douleur, mais ouvert en même temps au salut des hommes par la sainte dilatation de la charité : Puisque vous le voulez, ô mon Dieu, dit-elle, je consens à cette mort ignominieuse à laquelle vous abandonnez le Sauveur. Vous le condamnez, j'y souscris; vous voulez sauver les pécheurs parla mort de notre Fils innocent, qu'il meure afin que les hommes vivent. Voyez, mes Frères, comme elle s'unit à l'amour fécond du Père éternel ; mais admirez qu'en ce même temps elle reçoit aussi sa fécondité. « Femme , dit Jésus, voilà votre fils. » Son amour lui ôte un Fils bien-aimé, son amour lui en rend un autre; et en la

 

1 Joan., m, 16.

 

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personnelle ce seul disciple, elle devient par la charité l'Eve de la nouvelle alliance el la Mère féconde de tous les fidèles. Car qui ne voit ici un amour de mère? Donnerait-elle pour nous son cher Fils, si elle ne nous aimait comme ses enfants? Que reste-t-il donc maintenant, sinon que nous lui rendions amour pour amour, et qu'au lieu du Fils qu'elle perd elle en trouve un en chacun de nous?

Mais il me semble que vous me dites : Quel échange nous conseillez-vous, et que rendrons-nous à Marie? Quoi! des hommes mortels pour un Dieu, des pécheurs pour un Jésus-Christ ! Est-ce ainsi qu'il nous faut réparer sa perte? — Non, ce n'est pas là ma pensée. C'est un Jésus-Christ qu'elle donne, rendons-lui un Jésus-Christ en nous-mêmes, et faisons revivre en nos âmes ce Fils qu'elle perd pour l'amour de nous. Je sais bien que Dieu le lui a rendu glorieux, ressuscité, immortel; mais encore qu'elle le possède en sa gloire, elle ne laisse pas, chrétiens, de le chercher encore dans tous les fidèles. Soyons donc chastes et pudiques, et Marie reconnaîtra Jésus-Christ en nous. Soyons humbles et obéissants, comme Jésus l'a été jusqu'à la mort. Ayons des cœurs tendres et des mains ouvertes pour les pauvres et les misérables. Oublions toutes les injures, comme Jésus les a oubliées jusqu'à laver (a) dans son propre sang même le crime de ses bourreaux. Quelle sera la joie de Marie, quand elle verra vivre Jésus-Christ en nous, dans nos âmes par la charité, dans nos corps par la continence, sur les yeux même et sur les visages par la retenue, par la modestie et par la simplicité chrétienne ! C'est alors que reconnaissant en nous Jésus-Christ par la pratique exacte de son Evangile, ses entrailles seront émues de cette vive représentation de son bien-aimé; et touchée jusque dans le cœur de cette sainte conformité, elle croira aimer Jésus-Christ en nous , et elle répandra sur nous toutes les douceurs de son affection maternelle. En est-ce assez pour nous faire voir qu'elle est notre Mère par la charité, et pour nous donner un amour de fils? Que si nous ne sommes pas encore attendris ; si le lait de son amour maternel ne suffit pas pour nous amollir, et qu'il faille du sang et des souffrances pour briser la dureté de nos cœurs, en voici, je vous en prépare ; et c'est ma seconde partie,

 

(a) Var. : En lavant.

 

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où vous verrez les douleurs amères et les tristes gémissements parmi lesquels elle nous engendre.

 

SECOND   POINT.

 

Saint Jean nous représente la très-sainte Vierge, au chapitre XII de l'Apocalypse, par une excellente figure : « Il parut, dit-il, un grand signe aux cieux, une femme environnée du soleil, qui avait la lune à ses pieds et la tête couronnée d'étoiles, et qui allait enfanter un fils (1). » Saint Augustin nous assure, dans le livre du Symbole aux Catéchumènes (2), que cette femme de l'Apocalypse c'est la bienheureuse Marie, et on le pourrait aisément prouver par plusieurs raisons convaincantes; mais une parole du texte sacré semble s'opposer à cette pensée. Car cette femme mystérieuse nous est représentée en ce lieu dans les douleurs de l'enfantement. « Elle criait, dit saint Jean, et elle était tourmentée pour enfanter : » Clamabat parturiens, et cruciabatur ut pareret (3). Que dirons-nous ici, chrétiens? Cette femme ainsi tourmentée peut-elle être la très-sainte Vierge? Avouerons-nous à nos hérétiques que Marie a été sujette à la malédiction de toutes les mères, qui mettent leurs enfants au monde au milieu des gémissements et des cris? Au contraire, ne savons-nous pas qu'elle a enfanté sans douleur, comme elle a conçu sans corruption? Quel est donc le sens de saint Jean, dans cet enfantement douloureux qu'il attribue à la sainte Vierge, et comment démêlerons-nous ces contrariétés apparentes?

C'est le mystère que je vous prêche, c'est la vérité que je vous annonce. Nous devons entendre, mes Frères, qu'il y a deux enfantements en Marie. Elle a enfanté Jésus-Christ, elle a enfanté les fidèles : c'est-à-dire elle a enfanté l'Innocent, elle a enfanté les pécheurs. Elle enfante l'Innocent sans peine, mais il fallait qu'elle enfantât les pécheurs parmi les tourments (a) et les cris; c'est pourquoi je vois dans mon évangile qu'elle les enfante à la croix, ayant le cœur rempli d'amertume et saisi de douleur, le visage

 

1 Apoc., XII, 1. — 2 Serm. IV, De Symbol, ad Catech., cap.  I. — 3 Apoc.,

XII, 2.

 

(a) Var.: Les douleurs.

 

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noyé de ses larmes. Et voici la raison de tout ce mystère, que je vous prie de bien pénétrer pour l'édification de vos âmes.

Puisque, ainsi que nous l'avons dit, les fidèles devaient renaître de l'amour du Père éternel et des souffrances de son cher Fils, afin que la divine Marie fût la Mère du peuple nouveau, il fallait qu'elle fût unie non-seulement à l'amour fécond par lequel le Père nous a adoptés, mais encore aux cruels supplices par lesquels le Fils nous engendre. Car n'était-il pas nécessaire que l'Eve de la nouvelle alliance fût associée au nouvel Adam? Et de là vient que vous la voyez (a) affligée au pied de la croix, afin que de même que la première Eve a goûté autrefois sous l'arbre avec son époux désobéissant la douceur empoisonnée du fruit défendu, ainsi l'Eve de mon évangile s'approchât de la croix de Jésus, pour goûter avec lui toute l'amertume de cet arbre mystérieux. Mais mettons ce raisonnement dans un plus grand jour ; et posons pour premier principe, que c'était la volonté du Sauveur des âmes que toute sa fécondité fût dans ses souffrances. C'est lui-même qui me l'apprend, lorsqu'il se compare dans son Evangile à ce merveilleux grain de froment qui se multiplie en tombant par terre, et devient fécond par sa mort : Nisi granum frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manet; si autem mortuum fuerit, multum fructum affert (1).

En effet tous les mystères du Sauveur Jésus sont une chute continuelle. Il est tombé du ciel en la terre, de son trône dans une crèche; de la bassesse de sa naissance il est tombé par divers degrés aux misères qui ont affligé sa vie; de là il a été abaissé jusqu'à l'ignominie de la croix; de la croix il est tombé au sépulcre, et c'est là que finit sa chute, parce qu'il ne pouvait descendre plus bas. Aussi n'est-il pas plutôt arrivé à ce dernier anéantissement, qu'il a commencé de montrer sa force ; et ce germe d'immortalité qu'il tenait caché en lui-même sous l'infirmité de sa chair, s'étant développé (b) par sa mort, on a vu ce grain de froment se multiplier avec abondance, et donner partout des enfants à Dieu. D'où je tire cette conséquence infaillible,

 

1 Joan., XII, 24.

 

(a) Var. : Que vous voyez la très-sainte Vierge. — (b) Dégagé.

 

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que cette fécondité bienheureuse par laquelle il nous engendre à son Père, est dans sa mort et dans ses souffrances. Venez donc, divine Marie ; venez à la croix de votre cher Fils, afin que votre amour maternel vous unisse à ces souffrances fécondes par lesquelles il nous régénère.

Qui pourrait vous exprimer, chrétiens, cette sainte correspondance qui fait ressentir à Marie toutes les douleurs de son Fils? Elle voyait cet unique et ce bien-aimé attaché à un bois infâme, qui étendait ses bras tout sanglants à un peuple incrédule et impitoyable, ses yeux meurtris inhumainement et sa face devenue hideuse (a). Quelle était l'émotion du sang maternel, envoyant le sang de ce Fils, qui se débordait avec violence de ses veines cruellement déchirées ! Saint Basile de Séleucie voyant la Cananée aux pieds du Sauveur et lui faisant sa triste prière en ces mots : « Fils de David, ayez pitié de moi, car ma fille est tourmentée par le démon (1), » paraphrase ainsi ses paroles : « Ayez pitié de moi, car ma fille souffre; je suis tourmentée en sa personne; à elle la souffrance, à moi l'affliction. Le démon la frappe, et la nature me frappe moi-même; je ressens tous ses coups en mon cœur, et tous les traits de la fureur de Satan passent par elle jusque sur moi-même (2). » Voyez la force de la nature et de l'affection maternelle. Mais comme le divin Jésus surpasse infiniment tous les fils, la douleur des mères communes est une image trop imparfaite de celle qui perce le cœur de Marie. Son affliction est comme une mer dans laquelle son âme est toute abîmée. Et par là vous voyez comme elle est unie aux souffrances de son cher Fils, puisqu'elle a le cœur percé de ses clous et blessé de toutes ses plaies.

Mais admirez la suite de tout ce mystère. C'est au milieu de ces douleurs excessives, c'est dans cette désolation par laquelle elle entre en société des supplices et de la croix de Jésus, que son Fils l'associe aussi à sa fécondité bienheureuse. « Femme, lui dit-il, voilà votre fils. » Femme qui souffrez avec moi, soyez aussi féconde avec moi, soyez Mère de ceux que j'engendre par mon

 

1 Matth., XV, 22. — 2 Orat. XX, in Chanan.

 

(a) Var.: Défigurée.

 

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sang et par mes blessures. Qui pourrait vous dire, fidèles, quel fut l'effet de cette parole? Elle gémissait au pied de la croix, et la force de la douleur l'avait presque rendue insensible. Mais aussitôt qu'elle entendit cette voix mourante du dernier adieu de son Fils, ses sentiments furent réveillés par cette nouvelle blessure; il n'y eut goutte de sang en son cœur qui ne fût aussitôt émue, et toutes ses entrailles furent renversées. « Femme, voilà votre fils : » Ecce filius tuus (1). Quoi! un autre en votre place, un autre pour vous! Quel adieu me dites-vous, ô mon Fils! Est-ce ainsi que vous consolez votre Mère? Ainsi cette parole la tue ; et pour accomplir le mystère, cette même parole la rend féconde.

Il me souvient ici, chrétiens, de ces mères infortunées à qui on déchire les entrailles pour en arracher leurs enfants, et qui meurent pour les mettre au monde. C'est ainsi, ô bienheureuse Marie, que vous enfantez les fidèles. C'est par le cœur que vous enfantez, puisque, ainsi que nous avons dit, vous engendrez parla charité. Ainsi ces paroles de votre Fils étant entrées au fond de votre âme à la façon d'un glaive tranchant (a), on peut dire que vous nous avez enfantés d'un cœur déchiré par la violence d'une affliction sans mesure. Et lorsque nous paraissons devant vous pour vous appeler notre Mère, vous vous souvenez de ces mots sacrés par lesquels Jésus-Christ vous établit telle, de sorte que vos entrailles s'émeuvent (b) sur nous comme sur les enfants de votre douleur.

Souvenons-nous donc, chrétiens, que nous sommes enfants de Marie, et que c'est à la croix qu'elle nous engendre. Méditons ces belles paroles que nous adresse l’Ecclésiastique : Gemitus matris tuœ ne obliviscaris (2) : « N'oublie pas les gémissements de ta mère, o Quand le monde t'attire par ses voluptés, pour détourner l'imagination de ses délices pernicieuses, souviens-toi des pleurs de Marie et n'oublie jamais les gémissements de cette Mère si charitable : Ne obliviscaris gemitus. Dans les tentations violentes, lorsque tes forces sont presque abattues, quêtes pieds chancellent

 

1 Joan., XIX, 20. — 2 Eccli., VII, 29.

 

(a) Var. : Tout de même qu'un glaive tranchant. — (b) Et vos entrailles s'émeuvent.

 

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dans la droite voie; que l'occasion, le mauvais exemple ou l'ardeur de la jeunesse te presse, n'oublie pas les gémissements de ta Mère, souviens-toi des pleurs de Marie et des incroyables douleurs qui ont déchiré (a) son âme au Calvaire. Misérable, que veux-tu faire? Veux-tu élever encore une croix pour y attacher Jésus-Christ? Veux-tu faire voir à Marie son Fils crucifié encore une fois, couronner sa tête d'épines, fouler aux pieds à ses yeux (b) le sang du Nouveau Testament, et par un si triste spectacle rouvrir encore toutes les blessures de son amour maternel?

Ah! mes Frères, ne le faisons pas; souvenons-nous des pleurs de Marie, souvenons-nous des gémissements parmi lesquels elle nous engendre. C'est assez qu'elle ait souffert une fois, ne renouvelons pas ses douleurs. Au contraire expions nos fautes par l'exercice de la pénitence. Songeons que nous sommes enfants de douleurs, et que les plaisirs ne sont pas pour nous. Jésus-Christ nous enfante en mourant, Marie est notre Mère par l'affliction; et nous engendrant de la sorte, tous deux nous consacrent à la pénitence. Ceux qui aiment la pénitence sont les vrais enfants de Marie. Car où a-t-elle trouvé ses enfants? Les a-t-elle trouvés parmi les plaisirs, dans la pompe, dans les grandeurs et dans les délices du monde? Non, ce n'est pas là qu'elle les rencontre; elle les trouve avec Jésus-Christ, et avec Jésus-Christ souffrant; elle les trouve au pied de sa croix, se crucifiant avec lui, s'arrosant de son divin sang et buvant l'amour des souffrances aux sources sanglantes de ses blessures. Tels sont les enfants de Marie. Ah! mes Frères, nous n'en sommes pas, nous ne sommes pas de ce nombre. Nous ne respirons que l'amour du monde, son éclat, son repos et sa liberté : liberté fausse et imaginaire, par laquelle nous nous trouvons engagés à la damnation éternelle.

Mais, ô bienheureuse Marie, nous espérons que, par vos prières, nous éviterons tous ces maux qui menacent notre impénitence. Faites donc, Mère charitable, que nous aimions le Père céleste qui nous adopte par son amour, et ce Rédempteur miséricordieux qui nous engendre par ses souffrances. Faites que nous aimions la croix de Jésus, afin que nous soyons vos enfants; afin que vous

 

(a) Var. : Percé. — (b) Devant elle.

 

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nous montriez un jour dans le ciel le fruit de vos bénites entrailles et que nous jouissions avec lui de la gloire que sa bonté nous a préparée. Amen.                                                               

 

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