Accueil Remonter I Vendredi Saint II Vendredi Saint III Vendredi Saint IV Vendredi Saint I Pâques Jour II Pâques Jour III Pâques Jour IV Pâques Jour Pâques Jour abrg Quasimodo Pâques IIIe Dim. Pâques IIIe Dim. abr. Pâques Ve Dim. Ascension Pentecôte I Pentecôte II Pentecôte III Pentecôte abr. Trinité III Pentecôte V Pentecôte IX Pentecôte XXI Pentecôte abr. Sainte Croix I Sainte Croix II Précis Ste Croix Exh. Nvles Catholiques Vie Xtienne Ursulines Meaux I Ursulines Meaux II Ord. Ursul. Meaux Ursulines Meaux III Ursulines Meaux IV Conf. Ursul. Meaux Instr. Ursul. Meaux Profess. Ursuline Disc. Visitandines Disc. Union J-C / Epouse Pensées Xtiennes Pensées Détachées
| |
SERMON POUR
LE JOUR DE LA TRÈS-SAINTE TRINITÉ (a).
Pater agie, tereson autous en o onomati sou, ous dedokas
moi, ina osin en kathos emeis.
Pater sancte, serra eos in nomine tuo quos dedisti mihi,
ut sint unum sicut et nos.
Père saint, gardez en votre nom ceux que vous m'avez
donnés, afin qu'ils soient un comme nous. Joan., XVII, 11.
Quand je considère en moi-même
l'éternelle félicité que notre Dieu nous a préparée ; quand je songe que nous
verrons sans obscurité tout ce que nous croyons sur la terre, que cette lumière
inaccessible nous sera ouverte, et que la Trinité adorable nous découvrira ses
secrets ; que là nous verrons le vrai Fils de Dieu sortant éternellement du sein
de son Père et demeurant éternellement dans le sein du Père; que nous verrons le
Saint-Esprit, ce torrent de flamme, procéder des embrassements mutuels que se
donnent le Père et le Fils, ou plutôt qui est lui-même l'embrassement, l'amour
et le baiser du Père et du Fils ; que nous verrons cette unité si inviolable que
le nombre n'y peut apporter de division , et ce nombre si bien ordonné que
l'unité n'y met pas de confusion (b), mon âme est ravie, chrétiens, de
l'espérance d'un si beau spectacle, et je ne puis que je ne m'écrie avec le
Prophète : « Que vos tabernacles sont beaux , ô Dieu des armées ! mon cœur
languit et soupire après la maison du Seigneur (1). » Et puisque
1 Psal. LXXXIII, 1.
(a) Prêché vers 1659.
Le lecteur admirera la solide doctrine, les larges aperçus,
les profondes pensées qui distinguent ce sermon; mais il y remarquera aussi
plusieurs expressions semblables à celles-ci : « Accoutumance, chicanerie, le
divin capitaine, etc. » Il faut donc placer la date de ce discours pour ainsi
dire aux contins de la première et de la deuxième époque. On sait d'ailleurs que
Bossuet, dans cette période intermédiaire, citait quelquefois l'Ecriture sainte
dans le texte grec.
(b) Var. : N’y apporte pas.
356
notre unique consolation dans ce misérable pèlerinage ,
c'est de penser aux biens éternels que nous attendons en la vie future,
entretenons-nous ici-bas, mes Frères, des merveilles que nous verrons dans le
ciel, et parlons, quoiqu'en bégayant, des secrets et ineffables mystères qui
nous seront un jour découverts dans la sainte cité de Sion, dans la cité de
notre Dieu, « que Dieu a fondée éternellement (1). » Mais d'autant que ceux-là
pénètrent le mieux les secrets divins, qui s'abaissent plus profondément devant
Dieu, prosternons-nous de cœur et d'esprit devant cette Majesté infinie; et afin
qu'elle nous soit favorable , prions la Mère de miséricorde qu'elle nous impètre
par ses prières cet Esprit qui la remplit si abondamment, lorsque l'ange l'eut
saluée par ces paroles que nous lui disons : Ave, Maria.
Cette Trinité incréée ,
souveraine, toute-puissante , incompréhensible, afin de nous donner quelque idée
de sa perfection infinie, a fait une Trinité créée sur la terre , et a voulu
imprimer en ses créatures une image de ce mystère ineffable, qui associe le
nombre avec l'unité d'une manière si haute et si admirable. Si vous désirez
savoir, chrétiens, quelle est cette Trinité créée dont je parle, ne regardez
point le ciel, ni la terre, ni les astres, ni les éléments, ni toute cette
diversité qui nous environne ; rentrez en vous-mêmes, et vous la verrez ; c'est
votre âme, c'est votre intelligence, c'est votre raison qui est cette Trinité
dépendante en laquelle est représentée cette Trinité souveraine. C'est pourquoi
nous voyons dans les Ecritures et dans la création de cet univers , que la
Trinité n'y paraît que lorsque Dieu se résout de produire l'homme. Remarquez que
tous ses autres ouvrages sont faits par une parole de commandement, et l'homme
par une parole de consultation : « Que la lumière soit faite, que le firmament
soit fait, » Fiat lux (2); c'est une parole de commandement. L'homme est
créé d'une autre manière, qui a quelque chose de plus magnifique. Dieu ne dit
pas : Que l'homme soit fait; mais toute la Trinité assemblée prononce par un
conseil commun : « Faisons l'homme à notre image et ressemblance (3). » Quelle
est cette nouvelle façon de parler, et
1 Psal. XLVII, 9. — 2
Genes., I, 3. — 2 Ibid., 26.
357
pourquoi est-ce que les Personnes divines commencent
seulement à se déclarer, quand il est question de former Adam ? est-ce qu'entre
les créatures l'homme est la seule qui se peut vanter d'être l'ouvrage de la
Trinité? Nullement, il n'en est pas de la sorte ; car toutes les opérations de
la très-sainte Trinité sont inséparables. D'où vient donc que la Trinité
très-auguste se découvre si hautement pour créer notre premier père, si ce n'est
pour nous faire entendre qu'elle choisit l'homme entre toutes les créatures,
pour y peindre son image et sa ressemblance ? De là vient que les trois
Personnes divines s'assemblent pour ainsi dire et tiennent conseil pour former
l’âme raisonnable, parce que chacune de ces trois Personnes doit en quelque
sorte contribuer quelque chose de ce qu'elle a de propre pour l'accomplissement
d'un si grand ouvrage.
En effet comme la Trinité
très-auguste a une source et une fontaine de divinité, ainsi que parlent les
Pères grecs (1), un trésor de vie et d'intelligence, que nous appelons le Père,
où le Fils et le Saint-Esprit ne cessent jamais de puiser : de même l’âme
raisonnable a son trésor qui la rend féconde. Tout ce que les sens lui apportent
du dehors, elle le ramasse au dedans, elle en fait comme un réservoir, que nous
appelons la mémoire. Et de même que ce trésor infini, c'est-à-dire le Père
éternel, contemplant ses propres richesses, produit son Verbe qui est son image,
ainsi l’âme raisonnable, pleine et enrichie de belles idées, produit cette
parole intérieure que nous appelons la pensée, ou la conception, ou le discours,
qui est la vive image des choses. Car ne sentons-nous pas, chrétiens, que
lorsque nous concevons quelque objet, nous nous en faisons en nous-mêmes (a)
une peinture animée, que l'incomparable saint Augustin appelle « le fils de
notre cœur, » Filius cordis tui (2) ? Enfin comme en produisant en nous
cette image qui nous donne l'intelligence, nous nous plaisons à entendre , nous
aimons par conséquent cette intelligence ; et ainsi de ce trésor qui est la
mémoire, et de l'intelligence qu'elle
1 S. Athan., Epist. de Synod., n.
41, 42; S. Greg. Nazianz., Oral, XLV, n. 5. — 2 De Trinit., lib.
XI, cap. VII.
(a) Var. : A nous-mêmes.
358
produit, naît une troisième chose qu'on appelle amour, en
laquelle sont terminées toutes les opérations de notre âme. Ainsi du Père qui
est le trésor, et du Fils qui est la raison et l'intelligence, procède cet
Esprit infini qui est le terme de l'opération de l'un et de l'autre (a) :
et comme le Père, ce trésor éternel, se communique sans s'épuiser ; ainsi ce
trésor invisible et intérieur que notre âme renferme en son propre sein, ne perd
rien en se répandant ; car notre mémoire ne s'épuise pas par les conceptions
qu'elle enfante ; mais elle demeure toujours féconde, comme Dieu le Père est
toujours fécond.
Or, encore que cette image soit
infiniment éloignée de la perfection de l'original, elle ne laisse pas d'être
très-noble et très-excellente, parce que c'est la Trinité même qui a bien voulu
la former en nous; et de là vient qu'en produisant l'homme, qui par les
opérations de son âme devait en quelque façon imiter celles de la Trinité
toujours adorable, cette même Trinité d'un commun accord prononce cette parole
sacrée, si glorieuse à notre nature : « Faisons l'homme à notre image et
ressemblance. » C'est encore pour cette raison que le Fils de Dieu a voulu que
les trois divines Personnes parussent dans notre nouvelle naissance, et que nous
y fussions consacrés au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (1). Admirez
ici, chrétiens, les profonds conseils de la Providence dans le rapport
merveilleux des divins mystères. Où est-ce que l'homme a été formé? Dans la
création. Où est-ce que l'homme est réformé? Dans le saint baptême, qui est une
seconde création, où la grâce de Jésus-Christ nous donne une nouvelle naissance,
et nous fait des créatures nouvelles. Quand nous sommes formés premièrement par
la création, la Trinité s'y découvre par ces paroles : a Faisons l'homme à notre
image et ressemblance. » Quand nous sommes régénérés, quand le Saint-Esprit nous
réforme dans les eaux sacrées du baptême, toute la Trinité y est appelée. La
Trinité dans la création, la Trinité dans la régénération; n'est-ce pas afin (b)
que nous comprenions que le Fils de Dieu rétablit en nous la première dignité de
notre origine, et qu'il répare
1 Matth., XXVIII, 19.
(a) Var. : Qui est l'amour de l'un et de
l'autre. — (b) C'est afin.
359
miséricordieusement en nos âmes l'image de la Trinité
adorable que notre création nous avait donnée, et que notre péché avait
obscurcie?
Mais passons encore plus loin.
Afin que la Trinité très-indivisible éclatât plus visiblement dans les hommes,
il a plu à Notre-Seigneur Jésus-Christ que son Eglise en fût une image, comme la
suite de ce discours le fera paraître. Qui est-ce qui nous a enseigné cette
belle théologie? Chrétiens, c'est Jésus-Christ même qui nous l'a montrée dans
les paroles que j'ai citées pour mon texte. « Père saint, dit-il à son Père,
gardez ceux que vous m'avez donnés. » Qui sont ceux que le Père a donnés au
Fils? Ce sont les fidèles, qui étant unis par l'Esprit de Dieu, composent cette
sainte société que nous exprimons par le nom d'Eglise. « Gardez-les, dit-il,
afin qu'ils soient un. » Ils sont un, dit le Fils de Dieu; c'est-à-dire que leur
multitude n'empêche pas une parfaite unité. Et afin qu'il ne fût pas permis de
douter que cette mystérieuse unité, qui doit assembler le corps de l'Eglise, ne
fût l'image de cette unité ineffable qui associe les trois Personnes divines,
Jésus-Christ l'explique en ces mots : « Qu'ils soient un, dit-il (1), comme
nous; » et un peu après : « Comme vous, Père, êtes en moi et moi en vous, ainsi
je vous prie qu'ils soient un en nous (2) ; » et encore : « Je leur ai donné,
dit-il, la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un comme nous (3).
» O grandeur! ô dignité de l'Eglise! ô sainte société des fidèles, qui doit être
si parfaite et si achevée, que Jésus-Christ ne lui donne point un autre modèle
que l'unité même du Père et du Fils, et de l'Esprit qui procède du Père et du
Fils! Qu'ils soient un, dit le Fils de Dieu, non point comme les anges, ni comme
les archanges, ni comme les chérubins, ni comme les séraphins ; « mais qu'ils
soient, dit-il, un comme nous. » Entendons le sens de cette parole : comme nous
sommes un dans le même être, dans la même intelligence, dans le même amour,
ainsi qu'ils soient un comme nous; c'est-à-dire un dans le même être par leur
nouvelle nativité, un dans la même intelligence par la doctrine de vérité, un
dans le même amour par le lien de la charité. C'est de cette triple unité que
j'espère vous entretenir aujourd'hui avec l'assistance divine.
1 Joan., XVII, 11. — 2 Ibid., 21. — 3 Ibid.,
22.
360
PREMIER POINT.
Encore que la génération
éternelle, par laquelle le Fils procède du Père, surpasse infiniment les
intelligences de toutes les créatures mortelles, et même de tous les esprits
bienheureux, toutefois ne laissons pas de porter nos vues dans le sein du Père
éternel, pour y contempler le mystère de cette génération ineffable. Mais de
peur que cette lumière ne nous aveugle, regardons-la comme réfléchie dans ce
beau miroir des Ecritures divines, que le Saint-Esprit nous a préparé, pour
s'accommoder à notre portée.
La première chose que je
remarque dans la génération du Verbe éternel, c'est que le Père l'engendre en
lui-même, contre l'ordinaire des autres pères, qui engendrent nécessairement au
dehors. Nous apprenons des Ecritures, que le Fils procède du Père : « Je suis,
dit-il, sorti de Dieu ». » Tout ce qui est produit, il faut qu'il soit tiré du
néant, comme par exemple le ciel et la terre ; ou qu'il soit produit de quelque
chose, comme les plantes et les animaux. Que le Fils unique de Dieu ait été tiré
du néant, c'est ce que les ariens mêmes, qui niaient la divinité du Sauveur du
monde, n'ont jamais osé avancer (2). En effet puisque le Verbe éternel est le
Fils de Dieu par nature, il ne peut être tiré du néant ; autrement il ne serait
pas engendré, il ne procéderait pas comme Fils ; et lui qui est le vrai Fils de
Dieu, le Fils singulièrement et par excellence, et qui est appelé dans les
Ecritures le propre Fils du Père éternel, ne serait en rien différent de ceux
qui le sont par adoption. Par conséquent il est clair que le Fils de Dieu ne
peut pas être tiré du néant, et ce blasphème serait exécrable. Que s'il n'a pas
été tiré du néant, voyons d'où il a été engendré.
C'est une loi nécessaire et
inviolable, que tout fils doit recevoir en lui-même quelque partie de la
substance du père ; et c'est pourquoi quand nous parlons d'un fils à un père,
nous disons que c'est un autre lui-même. Si donc mon Sauveur est le Fils de
Dieu, qui ne voit qu'il doit être formé de la propre substance de Dieu? Mais ne
concevons rien ici de mortel; éloignons de notre esprit et de nos pensées tout
ce qui ressent la matière ; ne croyons pas
1 Joan., XVI, 27. — 2 S. Aug.,
cont. Maximin., lib. II, cap. XIV.
361
que le Fils de Dieu ait reçu seulement en lui-même quelque
partie de la substance du l'ère. Car puisqu'il est essentiel à Dieu d'être
simple et indivisible, sa substance ne souffre point de partage ; et par
conséquent si le Verbe, en cette belle qualité de Fils, doit participer
nécessairement à la substance de Dieu son Père, il la reçoit sans division, elle
lui est communiquée toute entière ; et le Père qui le produit du fond même de
son essence, la répand sur lui sans réserve. Et d'autant que la nature divine ne
peut être ni séparée ni distraite; si le Fils sortait hors du Père, s'il était
produit hors de lui, jamais il ne recevrait son essence, et il perdrait le titre
de Fils; de sorte que, afin qu'il soit Fils, il faut que son Père l'engendre en
lui-même.
C'est ce que nous apprenons par
les Ecritures. Dites-le-nous, bien-aimé Disciple, qui avez bu ces secrets
célestes dans le sein et dans le cœur du Verbe éternel. « Au commencement était
le Verbe, et le Verbe était en Dieu (1) ; » c'est-à-dire dès que le Verbe a été,
il était en Dieu : il a donc été produit en Dieu même. C'est pourquoi il procède
de Dieu comme son Verbe, comme sa conception, comme sa pensée, comme la parole
intérieure par laquelle il s'entretient en lui-même de ses perfections infinies.
Il ne peut donc pas être séparé de lui. Méditez cette admirable doctrine. Tout
ce qui engendre est vivant ; engendrer, c'est une fonction de vie ; et la vie de
Dieu, c'est l'intelligence : donc il engendre par intelligence. Or l'entendement
n'agit qu'en lui-même ; il ne se répand point au dehors : au contraire, tout ce
qu'il rencontre au dehors, il s'efforce de le ramasser au dedans. De là vient
que nous disons ordinairement, que nous comprenons une chose, que nous l'avons
mise dans notre esprit, lorsque nous l'avons entendue. Ainsi cette essence
infinie, souverainement immatérielle, qui ne vit que de raison et
d'intelligence, ne souffre pas que rien soit engendré en elle, si ce n'est par
la voie de l'intelligence; et par conséquent le Verbe éternel, la sagesse et la
pensée de son Père, étant produit par intelligence, naît et demeure dans son
principe : Hoc erat in principio apud Deum (2).
C'est ce que le grave Tertullien
nous explique admirablement
1 Joan. I, 1. — 2 Ibid., 2.
362
dans cet excellent Apologétique. « Cette parole, dit
ce grand homme », nous disons que Dieu la profère et l'engendre en la proférant.
» Car c'est une parole substantielle, qui porte en elle-même toute la vertu,
toute l'énergie, toute la substance du principe qui la produit : « Et c'est
pourquoi, dit Tertullien, nous l'appelons Fils de Dieu, à cause de l'unité de
substance. » Après il compare le Fils de Dieu au rayon que la lumière produit,
sans rien diminuer de son être, sans rien perdre de son éclat; et il conclut «
qu'il est sorti de la tige, mais qu'il ne s'en est pas retiré : » Non recessit,
sed excessit. O Dieu ! mon esprit se confond ; je me perds, je m'abîme
dans cet océan; mes yeux faibles et languissants ne peuvent plus supporter un si
grand éclat. Reprenons, fidèles, de nouvelles forces, en reposant un peu notre
vue sur des objets qui soient plus de notre portée.
Sainte société des fidèles,
Eglise remplie de l'Esprit de Dieu , chaste épouse de mon Sauveur, vous
représentez sur la terre la génération du Verbe éternel dans votre bienheureuse
fécondité. Dieu engendre, et vous engendrez. Dieu, comme nous avons dit,
engendre en lui-même ; sainte Eglise, où engendrez-vous vos en-fans? Dans votre
paix, dans votre concorde, dans votre unité, dans votre sein et dans vos
entrailles. Heureuse maternité de l'Eglise! Les mères que nous voyons sur la
terre conçoivent, à la vérité , leur fruit en leur sein ; mais elles l'enfantent
(a) hors de leurs entrailles. Au contraire la sainte Eglise, elle conçoit
hors de ses entrailles, elle enfante dans ses entrailles. Un infidèle vient à
l'Eglise, il demande d'être associé avec les fidèles; l'Eglise l'instruit et le
catéchise ; il n'est pas encore en son sein, il n'est point encore en son unité
; elle n'enfante pas encore, mais elle conçoit. Ainsi elle ne conçoit pas en son
sein ; aussitôt qu'elle nous enfante, nous commençons à être en son unité. C'est
ainsi que vous engendrez, sainte Eglise, à l'imitation du Père éternel.
Engendrer c'est incorporer; engendrer vos enfants, ce n'est pas les produire au
dehors de vous; c'est en faire un même corps avec vous. Et comme le Père
engendrant son Fils, le fait un même Dieu avec lui, ainsi les
1 Apolog., n. 21.
(a) Var. : Elles l'engendrent.
303
enfants que vous engendrez vous les faites ce que vous
êtes, en formant Jésus-Christ en eux. Et comme le Père engendre le Fils en lui
communiquant son même être, ainsi vous engendrez vos enfants en leur
communiquant cet être nouveau que la grâce vous a donné en Notre-Seigneur
Jésus-Christ : Ut sint unum sicut et nos. Ce que je dis du Père et du
Fils, je le dis encore du Saint-Esprit, qui sont trois choses et la même chose.
C'est pourquoi saint Augustin dit : « En Dieu il y a nombre, en Dieu il n'y a
point de nombre. Quand vous comptez les trois Personnes, vous voyez un nombre;
quand vous demandez ce que c'est, il n'y a plus de nombre; on répond que c'est
un seul Dieu. Parce qu'elles sont trois, voilà comme un nombre; quand vous
recherchez ce qu'elles sont, le nombre s'échappe, vous ne trouvez plus que
l'unité simple : » Quia tres sunt, tanquam est numerus : si quœris quid très,
non est numerus (1). Ainsi en est-il de l'Eglise. Comptez les fidèles, vous
voyez un nombre. Que sont les fidèles? il n'y plus de nombre; ils sont tous un
même corps en Notre-Seigneur ; « il n'y a plus ni Grec, ni Barbare, ni Romain,
ni Scythe ; mais un seul Jésus-Christ qui est tout en tous (2) : » Ut sint
unum sicut et nos.
SECOND POINT.
Contemplons dans les Ecritures
comment le Fils et le Saint-Esprit reçoivent continuellement en eux-mêmes la vie
et l'intelligence du Père. Et premièrement pour le Fils, voici comment il parle
dans son Evangile en saint Jean : «En vérité, en vérité je vous le dis, le Fils
ne peut rien faire de lui-même, et il ne fait que ce qu'il voit faire à son
Père. Et tout ce que le Père fait, le Fils le fait semblablement. Car le Père
aime le Fils, et il lui montre tout ce qu'il fait (3). » Quand nous entendons
ces paroles, aussitôt notre faible imagination se représente le Père opérant, et
le Fils regardant ses œuvres, à peu près comme un apprenti qui s'instruit en
voyant travailler son maître ; mais si nous voulons entendre les secrets divins,
détruisons ces idoles vaines et charnelles que l'accoutumance des choses
humaines élève en nos cœurs ; détruisons,
1 In
Joan., tract. XXXIX, n. 4. — 2 Coloss.,
III, 11. — 3 Joan., V, 19, 20.
364
dis-je, ces idoles par le foudre des Ecritures. Si le Père
agissait premièrement, et que le Fils le regardât faire, et après qu'il agit
lui-même à l'imitation de son Père, il s'ensuivrait nécessairement que leurs
opérations seraient séparées. Or nous apprenons par les Ecritures que « tout ce
que le Père fait est fait par son Fils : « Omnia peripsum facta sunt, et sine
ipso factum est nihil (1) : « Par lui toutes choses ont été faites, sans lui
rien n'a été fait : » Omnia per ipsum facta sunt ; et c'est pourquoi il
nous dit lui-même : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait semblablement. »
Si le Fils fait tous les ouvrages que fait son Père, leurs actions ne peuvent
point être séparées. Et il ne se contente point de nous dire qu'il fait tout ce
que fait le Père ; mais tout ce que le Père fait, dit-il, le Fils le fait
semblablement. Les caractères que la main forme, c'est la plume qui les forme
aussi ; mais elle ne les forme pas semblablement; la main les forme comme la
cause mouvante, et la plume comme l'instrument qui est mu. A Dieu ne plaise que
nous croyions qu'il en soit ainsi du Père et du Fils : « Tout ce que le Père
fait, dit Notre-Seigneur, cela même le Fils le fait semblablement, »
c'est-à-dire avec la même puissance, avec la même sagesse et par la même
opération : Hoc et Filius similiter facit.
D'où vient que vous dites, ô mon
Sauveur : Le Fils ne peut rien faire de lui-même, sinon ce qu'il voit faire à
son Père, et le Père montre à son Fils tout ce qu'il fait? Quelle est cette
merveilleuse manière par laquelle vous contemplez votre Père, par laquelle vous
voyez en lui tout ce que vous faites et tout ce qu'il fait ? Comment est-ce
qu'il vous parle et qu'il vous enseigne ? Et puisque vous êtes Dieu comme lui,
d'où vient que vous ne faites rien de vous-même? Qui nous développera ces
mystères? Ecoutons parler le grand Augustin : Le Fils, dit-il (2), ne fait rien
de lui-même , parce qu'il n'est pas de lui-même. Celui qui lui communique son
essence, lui communique aussi son opération. Et encore qu'il reçoive tout de son
Père, il ne laisse pas d'être égal au Père, parce que le Père qui lui donne
tout, lui donne aussi son égalité. Le Père lui donne tout ce qu'il est, et
l'engendre aussi grand que
1 Joan., I, 3. — 2 In
Joan., tract. XX, n. 4; De Trinit.,
lib. II, n. 3,
365
lui, parce qu'il lui donne sa propre grandeur. C'est ainsi
ô Père céleste, que vous enseignez votre Fils, parce que vous lui donnez sans
réserve la même science qui est en vous.
Mais entendons ce secret, mes
Frères, selon la mesure qui nous est donnée, et autant qu'il a plu à Dieu de
nous le révéler par les Ecritures. Il est clair que celui qui enseigne veut
communiquer sa science : par exemple, les prédicateurs, que l'Esprit de Dieu
établit pour enseigner au peuple la saine doctrine, pourquoi montent-ils dans
les chaires? N'est-ce pas afin de faire passer les lumières que Dieu leur donne,
dans l'esprit de leurs auditeurs? C'est ce que prétend celui qui enseigne. Il
ouvre son cœur à ceux qui l'écoutent, il tâche de les rendre semblables à lui,
il veut qu'ils prennent ses sentiments et qu'ils entrent dans ses pensées; et
ainsi celui qui enseigne et celui qui est enseigné doivent se rencontrer
ensemble, et s'unir dans la participation des mêmes lumières. Par conséquent la
méthode d'enseigner tend à l'unité des esprits dans la science et dans la
doctrine ; et ce que j'ai dit est très-véritable, que celui qui veut enseigner
veut communiquer sa science. Mais ni la nature ni l'art ne font qu'ébaucher cet
ouvrage ; cette communication est très-imparfaite, et cette unité n'est que
commencée. Cette entière communication de science ne se peut trouver qu'en Dieu
même. C'est là que le Père enseigne le Fils d'une manière infiniment admirable,
parce qu'il lui communique sa propre science. Là se fait cette parfaite unité
d'esprit entre le Père et le Fils, parce que la vie et l'intelligence, la raison
et la lumière du Père se trouvent tellement dans le Fils, qu'il ne se fait de
l'un et de l'autre qu'une même vie, une même intelligence et un même esprit.
C'est pourquoi le Père enseignant et le Fils qui est enseigné sont également
adorables, parce que le Fils reçoit cette même science du Père, qui ne souffre
aucune imperfection.
Et ne nous imaginons pas,
chrétiens, que lorsque le Père enseigne le Fils, il lui communique (a) la
science comme la perfection de son être. Comme il l'engendre parfait, il lui
donne tout en l'engendrant. Bien plus, si nous le savons bien entendre,
(a) Var. : Que le Père après avoir engendré
son Fils, lui communique.
366
« l'engendrer et l'enseigner, c'est la même chose : »
Hoc est eum docuisse, quod est scientem genuisse, dit saint Augustin (1).
Vous me direz qu'engendrer et enseigner sont des termes bien opposés. Il est
vrai dans les créatures, où il est certain qu'engendrer n'est pas un acte
d'intelligence; mais en Dieu dont la vie est intelligence, qui engendre
conséquemment par intelligence, il ne se faut pas étonner si en enseignant il
engendre. Car s'il enseigne son Fils éternel en lui communiquant sa propre
science, il l'engendre en lui communiquant sa propre science, parce qu'à l'égard
de Dieu, être c'est savoir, être c'est entendre, comme enseigne la théologie.
D'où il s'ensuit manifestement que cela même que le Père enseigne le Fils,
prouve l'unité du Père et du Fils dans la vie de l'intelligence. Il en est de
même du Saint-Esprit, puisqu'il procède du Père et du Fils avec la même
perfection que le Fils reçoit de son Père. Ainsi le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, même lumière, même majesté, même intelligence, vivent tous
ensemble d'entendre, et tous ensemble ne sont qu'une même vie.
« Père saint, dit le Fils de
Dieu, gardez en votre nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils soient un
comme nous; » c'est-à-dire qu'ils soient comme nous unis dans la même vie de
l'intelligence. Mais pouvons-nous bien espérer que tous les fidèles doivent être
unis dans la vie de l'intelligence? Oui, certes nous le devons espérer. Regardez
les esprits bienheureux qui règnent au ciel avec Jésus-Christ ; quelle est leur
vie, quelle est leur lumière? « Leur lumière, dit l’Apocalypse (2), c'est
l'Agneau, » c'est-à-dire le Verbe incréé qui s'est fait la victime du monde.
Donc la lumière des bienheureux, c'est ce Verbe, cette parole que le Père
profère dans l'éternité. Mais ce Verbe n'est pas une lumière qui soit allumée
hors de leurs esprits, c'est une lumière infinie qui luit intérieurement dans
leurs âmes. En cette lumière ils y voient le Fils, parce que cette lumière c'est
le Fils même. En cette lumière ils y voient le Père, parce que c'est la
splendeur du Père : « Qui me voit, dit le Fils de Dieu (3), voit mon Père. » Ils
y voient le Saint-Esprit en cette lumière, parce que le Saint-Esprit en procède.
En cette lumière ils s'y contemplent eux-mêmes, parce qu'ils se
1 In
Joan., tract. XL, n. 5. — 2 Apoc., XXI, 23.
— 3 Joan., XIV, 9.
367
trouvent en elle plus heureusement qu'en eux-mêmes; ils y
voient les idées vivantes, ils y voient les raisons des choses créées raisons
éternellement permanentes; et de même qu'en cette vie nous connaissons les
causes par les effets, l'unité par la multitude l'invisible par le visible; là,
dans ce Verbe qui est dans les bienheureux, qui est leur vie, qui est leur
lumière, ils voient la multitude dans l'unité même, le visible dans l'invisible,
la diversité des effets dans la cause infiniment abondante qui les a tirés du
néant ; c'est-à-dire dans le Verbe qui en est l'idée, qui est la raison
souveraine par laquelle toutes choses ont été faites. Dans ce Verbe, les
bienheureux voient, ils voient et ils vivent ; et ils vivent tous dans la même
vie, parce qu'ils vivent tous dans ce même Verbe. O vue ! ô vie! ô félicité!
c'est ainsi que vivent les bienheureux : Ut sint unum sicut et nos.
Mais nous qui languissons
ici-bas dans ce misérable pèlerinage, vivons-nous d'une même vie par
l'intelligence? Oui, fidèles, n'en doutez pas. Ce Fils de Dieu, ce Verbe
éternel, cette vie, cette lumière, cette intelligence, qui éclaire les esprits
bienheureux; qui en les éclairant, les fait vivre d'une vie divine, ne luit elle
pas aussi en nos cœurs? N'est-elle pas au fond de nos âmes, pour y ouvrir une
source de vie éternelle? Voulez-vous entendre cette vérité par l'action que nous
faisons en ce lieu? Chrétiens, si nous l'entendons, nous commençons ici notre
paradis; puisque nous commençons tous ensemble à vivre de cette parole vivante
qui nourrit et qui fait vivre tous les bienheureux. Je vous prêche cette parole,
selon que je puis, selon que le Saint-Esprit me l'a enseignée. Je la fais
retentir à vos oreilles; puis-je la porter au fond de vos cœurs? Nullement, ce
n'est pas un ouvrage humain. Si vous l'entendez et si vous l'aimez, c'est le
Fils de Dieu qui vous parle, c'est lui qui vous prêche sans bruit dans cette
profonde retraite, dans cet inaccessible secret de vos cœurs, où il n'y a que sa
parole et sa voix qui soit capable de pénétrer. Si vous l'entendez, vous vivez,
et vous vivez en ce même Verbe dans lequel les bienheureux vivent ; vous vivez
en lui, vous vivez de lui, et vous vivez tous d'une même vie, parce que vous
buvez tous ensemble à la même source de vie. O sainte unité des
368
fidèles ! Mon Père, qu'ils soient un comme nous dans la vie
de
l'intelligence. Chrétiens, si nous vivons tous de ce Verbe
(a).....
O sainte et admirable doctrine!
Vivons de telle sorte, fidèles, qu'elle ne soit point stérile en nos cœurs, et
ne rendons point inutiles tant de grands mystères. Si le Saint-Esprit est en
nous, s'il y opère la charité, s'il la fait semblable à lui-même, élevons nos
entendements, et apprenons dans le Saint-Esprit quelles doivent être les lois de
notre charité mutuelle. Le Saint-Esprit est un amour pur, qui ne souffre aucun
mélange terrestre. Ainsi, mes Frères, aimons-nous en Dieu, pour accomplir la
parole de notre Maître: «Père saint, qu'ils soient un en nous. » Le Saint-Esprit
est un amour constant, parce que c'est un amour éternel; ainsi, que notre
affection soit constante, que jamais elle ne puisse être refroidie, selon cette
parole de l'Ecriture : « Demeurez en la charité (1). » Le Saint-Esprit est un
amour sincère; parce qu'il procède du fond du cœur, du fond même de l'essence ;
ainsi, que notre charité soit sincère, qu'elle ne souffre ni feinte, ni
dissimulation, parce que l'apôtre saint Paul a dit : a Ne vous trompez point
les uns les autres, car vous êtes membres les uns des autres (2). «Enfin le
Saint-Esprit est un amour désintéressé, parce que ce qui fait l'intérêt c'est ce
malheureux mot de mien et de tien ; et d'autant que tout est
commun entre le Père et le Fils, leur amour est infiniment désintéressé : ainsi
considérons, chrétiens, que tout est commun entre les fidèles, et épurons
tellement nos affections qu'elles soient entièrement désintéressées : Ut sint
unum sicut et nos.
Certes, mes Frères, si le Fils
de Dieu s'était contenté de nous dire qu'il veut que nous soyons un comme
fières, nous devrions respecter les uns dans les autres ce nom sacré de sœurs et
de frères, et le nœud de la société fraternelle. S'il nous avait ordonné
simplement de vivre dans une mutuelle correspondance, comme des personnes qui
sont enrôlées dans un même corps de milice, sous l'étendard de sa sainte croix,
nous devrions rougir de honte de n'être pas tous unis ensemble sous les ordres
d'un si divin capitaine. S'il nous avait dit seulement que nous sommes membres
1 Joan.
XV, 9; Hebr., XIII, 1. — 2
Ephes., IV, 25.
(a) Mots effacés : Qui nous parle à tous, ne
restons jamais...
369
d'un même corps, nous devrions méditer jour et nuit cette
parole du saint Apôtre : « Quand une partie de notre corps souffre, toutes les
autres y compatissent (1). » Mais puisqu'il passe au-dessus des cieux et de
toutes les intelligences, et qu'il nous donne pour modèle de notre unité l'unité
même du Père et du Fils, qui pourrait nous exprimer, chrétiens, quelle doit être
notre union, et combien nous nous rendrons criminels, si nous rompons le sacré
lien de la charité fraternelle qui doit être réglée sur ce grand exemple ?
Mais comme si c'était peu de
chose de proposer à tous les fidèles le plus grand de tous les mystères pour
être le modèle de leur unité, il scelle encore cette unité sainte par un autre
mystère incompréhensible, qui est le mystère de l'Eucharistie. Nous venons tous
à la même table, nous y prenons ce même pain de vie qui est le pain de
communion, le pain de charité et de paix ; nous jurons sur les saints autels,
nous scellons par le sang de notre Sauveur notre confédération mutuelle;
cependant, ô sacrilège exécrable ! nous manquons tous les jours à la foi
promise, et nous ne laissons pas d'avoir toujours, et la médisance à la bouche
et l'envie ou l'aversion dans le cœur. Le Sauveur nous dit dans son Evangile : «
En cela on reconnaîtra que vous êtes vraiment mes disciples, si vous avez une
charité sincère les uns pour les autres (2) ; » et il prie ainsi Dieu son Père:
« Je vous demande qu'ils soient consommés en un, afin que le monde sache que
c'est vous qui m'avez envoyé (3). »
O damnable infidélité de ceux
qui se glorifient du nom chrétien! les chrétiens se détruisent eux-mêmes; toute
l'Eglise est ensanglantée du meurtre de ses enfants, que ses enfants propres
massacrent ; et comme si tant de guerres et tant de carnages n'étaient pas
capables de rassasier notre impitoyable inhumanité, nous nous déchirons dans les
mêmes villes, dans les mêmes maisons, sous les mêmes toits, par des inimitiés
irréconciliables. Nous demandons tous les jours la paix, et nous-mêmes nous
faisons la guerre. Car d'où viennent tant d'envies, tant de médisances, tant de
querelles et tant de procès? Les parents s'animent contre les
1 I Cor., XII, 26. — 2 Joan.,
XIII, 35. — 3 Ibid., XVII, 21, 23.
370
parents, et les frères contre les frères, avec une fureur
implacable ; on emploie et les médisances et les calomnies, et la tromperie et
la fraude ; la candeur et la bonne foi ne se trouvent plus parmi nous; toutes
les rues, toutes les places, tous les cabinets retentissent du bruit des procès
; infidèles si féconds en chicanerie que nous sommes, tant nous avons oublié le
christianisme, tant nous méprisons l'Evangile qui est une discipline de paix.
Cependant nous souhaitons la paix, nous avons sans cesse la paix à la bouche; et
nous faisons régner par nos dissensions le diable, qui est l'auteur des
discordes; et nous chassons l'Esprit pacifique, c'est-à-dire l'Esprit de Dieu.
Que si vous avez voulu, mon Sauveur, que la sainte union des fidèles fût la
marque de votre venue, que font maintenant tous les chrétiens, sinon publier
hautement que votre Père ne vous a pas envoyé, et que l'Evangile est une
chimère, et que tous vos mystères sont autant de fables ?
|