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ABRÉGÉ D'UN SERMON
POUR
LE SAMEDI DE LA IIIe SEMAINE DE CARÊME (a).
Lire l’évangile
de la femme adultère.
Exposition. — Jésus-Christ
effraie et éloigne les coupables : que ne doit-elle craindre (b), quand
il ne restera que l'innocence ? Voici celui qui peut juger parce qu'il est
juste; mais il peut aussi justifier parce qu'il est juste. Pour condamner, il
faut être juste ; mais aussi pour justifier, il faut être juste. Vous tremblez
pour cette femme adultère, parce qu'elle est devant le juste; espérez pour elle
et pour vous, parce qu'elle est devant le juste qui justifie.
Qui est cette femme adultère?
L’âme chrétienne; son image au chapitre seizième d'Ezéchiel. Née dans ton
impureté, dans ton sang, on ne t'a point lavée, on ne l'a point coupé le
nombril; les péchés sont sur toi; ni la chair ni ses désirs ne sont retranchés.
Elle a été jetée en terre en naissant dans des désirs terrestres et sensuels.
Elle a crû; et ses mamelles se sont enflées : la chair a pris de nouvelles
forces. Elle est venue, permettez-moi de le dire dans les paroles du prophète,
elle est venue à l'âge des amants. Je l'ai aimée, dit le Seigneur, j'ai étendu
sur elle mon vêtement, je l'ai épousée, je lui ai donné ma foi, j'ai reçu la
sienne, je l'ai reçue dans ma couche. Est-ce qu'elle était belle ? Non, elle
était encore dans son impureté. Je l'ai lavée. Le baptême. Elle n'avait point
été ointe d'huile : je l'ai ointe de l'huile céleste ; je lui en ai fait un
signe sur le front, signe qu'elle était rachetée par la croix de Jésus-Christ;
elle a été faite mienne, une chair avec moi par l'Eucharistie : corps à corps,
cœur à cœur, esprit à
(a) Ecrit de la main de Bossuet, au commencement du
manuscrit: «A Claye» c'est un bourg près de Meaux. D'un autre côté le projet de
notre sermon développe plusieurs idées qui se trouvent dans l'esquisse d'un
autre sermon pour la quatrième semaine de Carême. Or ce dernier sermon a été
prêché pendant l'époque de Meaux : donc aussi le premier. — (b) La femme
adultère.
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esprit. Elle est devenue belle. Ses ornements, des
colliers, des pendants d'oreilles. Elle était belle, sa beauté célébrée aux
environs. Etait-elle belle par elle-même? Non, dit le prophète, belle de la
beauté que je lui avais donnée. Elle m'a quitté, la déloyale. Voyez les degrés;
d'abord elle n'a eu qu'un amant : commerce de l’âme pécheresse ; plus de
semblance ; confession aussitôt ; mais on s'endurcit dans le crime. Elle s'est
abandonnée et prostituée à ceux qu'elle aimait, à ceux qu'elle ne connaît pas.
Sa volonté lui a fait commettre certains crimes, sa complaisance lui en fait
commettre certains autres. Au commencement elle se laissait corrompre par les
récompenses; elle corrompt les autres maintenant. Voyez comme elle descend dans
la profondeur de l'iniquité.
Ah! malheureuse, qui te pourra
purifier de ton crime? Elle va encore plus avant : Aedificasti tibi lupanar
: « Un lieu déshonnête : » une conscience entièrement corrompue, profession
publique du crime, repos dans le crime, nul reproche de la conscience, repos
dans l'opprobre; on n'a honte que de n'être pas assez impudente; on ne rougit
que de conserver quelque reste de pudeur. Ah ! malheureuse, tu as élevé le signe
de la prostitution, les enseignes de la vanité, du luxe. Les Chaldéens, les
Egyptiens. Prostituée et abandonnée sans mesure. Je te livrerai à tes amants,
afin qu'ils te perdent, qu'ils te ravagent : tes mauvaises inclinations.
Mais voici le comble. Tu es
semblable à ta mère, à la gentilité dont tu es sortie. Tu as justifié Sodome, ta
sœur aînée; le judaïsme, «Jérusalem, Sodome spirituelle où leur Seigneur a été
crucifié (1) ; » et Samarie ta jeune sœur, l'hérésie toujours postérieure à
l'Eglise. Dites-moi qui de mes prédécesseurs.... Vous méprisez cette chaîne de
la succession : — C'est assez d'avoir Dieu, non la succession de la doctrine.— O
faiblesse! comme qui dirait : Je veux garder les eaux, je ne me soucie pas du
canal. Tu as justifié Sodome ta sœur aînée : le judaïsme, le Juif a crucifié le
Seigneur de la gloire; mais « s'ils l'avoient connu, dit saint Paul (3), ils ne
l'auraient jamais fait. » Tu le crucifies le sachant et le connaissant pour tel.
Fidèles à Moïse, qui est loué dans toutes les synagogues,
1 Apoc., XI, 8. — 2 I Cor.,
II, 8.
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qui leur a imposé un joug de fer « que ni nos pères ni nous
n'avons pu porter (1) ; » et nous infidèles à Jésus, dont le joug est si doux et
le fardeau si léger.
Mais comment, Samarie la
cadette? Elle a méprisé l'Eglise, séparée de sa communion; grand crime, mais tu
l'as justifiée. Croire l'Eglise, et ne point vivre selon l'Eglise! Elle a
méprisé le carême ; et toi, ou tu ne le fais pas le croyant d'obligation, ou tu
le fais judaïquement ; tu l'as justifiée. Car est-ce que ces viandes sont
impures? Non, il fallait s'abstenir des jeux, des plaisirs, du moins des péchés,
des médisances. Elle a retranché la confirmation contre, etc., tu la justifies;
l'extrême-onction pour ne pas mourir comme entre les mains des apôtres, tu la
justifies; le sacrement de pénitence contre, etc., tu la justifies; le sacrement
de l’Eucharistie : —Je ne veux croire que ce que je vois, etc. ; — tu l'as
justifiée, le croyant et le profanant. On devrait connaître sa présence à ton
respect, comme le roi où l'on voit la Cour découverte et respectueuse, tu l'as
justifiée. (Appuyer sur l'un et sur l'autre, sur le tort de l'hérésie et le plus
grand tort des catholiques qui méprisent. Tout parcouru) : Quelle espérance pour
toi? Ah! dit le Seigneur, je me souviendrai des jours de ta jeunesse; je
renouvellerai mon pacte, ma foi que je t'ai donnée. Ce n'est pas elle qui
revient, c'est Dieu. Exhortation à écouter sa voix. Plus distinguer les anciens
et les nouveaux catholiques, abolir ces restes de division. Je ne me relâcherai
pas, je reviendrais du tombeau. J'ai un second, le Roi. Humble sujet partout
ailleurs : dans la religion j'ose dire que le prince ne va que le second.
1 Act., XV, 10
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