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PREMIER SERMON
POUR
LE IIe DIMANCHE DE CARÊME (a).
Hic est Filius meus dilectus, in quo mihi bene
complacui; ipsum audite.
Celui-ci est mon Fils bien-aimé dans lequel je me suis plu;
écoutez-le. Matth., XVII, 5.
C'est une doctrine fondamentale
de l'Evangile de Jésus-Christ, que le chrétien véritable ne se conduit point par
les sens ni par la
(a) Premier point. — Dieu seul nous peut
conduire à la vérité. Deux moyens pour y parvenir : intelligence, autorité :
Tertullien. L'un et l'autre appartient à Dieu, non aux hommes : le dernier pour
cette vie, l'autre pour la future. Mérite, récompense. Pourquoi Moïse et Elie
disparaissent, quand on dit : Ipsum audite (Matth., XVII, 5). Deux
manières de savoir : 1° par nous-mêmes; 2° scienti conjungi : yeux de la
foi.
Second point. — La foi exige les œuvres. Fondement,
donc édifice. Hic homo cœpit œdificare, et non potuit consummare (Luc,
XIV, 30).
Le fondement a deux qualités : commencement, soutien.
L'exemple de Jésus-Christ lève les difficultés. Deux choses
pour cela : inspirer du courage, donner de la force. Le premier, en marchant
devant; le second, in eo enim in quo passus est ipse et tentatus, potens est
et iis qui tentantur auxiliari (Hebr., II, 18).
Marche devant, nous tend la main. Incarnation, infirmité de
notre Seigneur Jésus-Christ. Vérités diminuées parmi les enfants des hommes:
Diminutœ sunt veritates ( Psal. XI, 1). Chacun retranche l'Evangile à
sa mode.
Comment il faut entendre Jésus-Christ : Optimus minuter
tuus est, qui non magis intuetur hoc à te audire quod ipse voluerit, sed potius
hoc velle quod à te audierit (S. August., Confess., lib. X, cap. VI).
Troisième point. — Différence entre le commandement
et la promesse : commandement, ce que nous devons faire à l'égard de Dieu ;
promesse, ce que Dieu s'engage de faire à notre égard. La promesse est déjà une
espèce de don. Pourquoi? Celui qui promet se dessaisit, en tant qu'il s'ôte la
liberté de disposer autrement.
Dans la promesse, deux choses : ni douter, ni se lasser.
De toutes les paroles de Jésus-Christ, celle de la promesse
est la moins entendue : Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit
(Matth., X, 22).
Prêché probablement dans le Carême de 1660, aux Minimes de
la Place-Royale.
L'analyse de ce sermon est écrite, comme celle du sermon
suivant, sur le dos d'une lettre imprimée. Pendant les premières années de son
séjour à Paris, Bossuet s'était chargé de défendre les intérêts du chapitre de
Metz, qui avait souvent des procès pour des affaires de fruits, de prébendes,
«le bénéfices, de collation. Il avait fait imprimer comme une lettre circulaire,
qu'il adressait aux chapitres du royaume, dans l'espoir d'en obtenir des
renseignements utiles sur leur discipline et leurs coutumes. Cette lettre était
ainsi conçue : « MM. du chapitre de Metz croient avec raison qu'il importe de ne
permettre pas que l'on donne atteinte aux coutumes anciennes des églises, et que
cela va au renversement de l'ordre et des statuts des chapitres. C’est pourquoi
ils se promettent, Messieurs, de recevoir instruction de vous sur les pratiques
de votre église qui peuvent favoriser les leurs. Ils ne doutent pas qu'ils ne
puissent prendre un bon conseil sur vos exemples, et qu'il ne leur soit
avantageux et même nécessaire d'en être informés. Accordez-leur donc, s'il vous
plait, cette grâce, et à moi celle de recevoir avec mes très-humbles respects, »
etc. La réponse devait être adressée « à M. l'abbé Bossuet, chanoine et grand
archidiacre de l'église de Metz, logé au doyenné de Saint-Nicolas du Louvre,
vis-à-vis de l'église collégiale de ce nom. » Bossuet écrivait quelquefois sur
ces lettres, dans tout l'espace qui n'était pas occupé par l'impression, les
analyses ou le commencement de ses sermons.
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raison naturelle; mais qu'il règle tous ses sentiments par
l'autorité de la foi, suivant ce que dit le divin Apôtre : Justus autem meus
ex fide vivit (1) : « Le juste vit par la foi (a). » C'est pourquoi,
entre tous les sens que la nature nous a donnés, il a plu à Dieu de choisir
l'ouïe pour la consacrer à son service. « Un peuple, dit-il, s'est donné à moi,
il s'est soumis par la seule ouïe : » In auditu auris obedivit mihi (2).
Et le Sauveur nous prêche dans son Evangile que
1 Hebr., X, 38; Habac, II, 4. — 2 Psal. XVII,
45.
(a) Var.: Mais qu'il règle tous ses
sentiments par l'autorité de la toi: Justus autem meus ex fide vivit : «
Le juste vit par la foi, » comme dit saint Paul après le Prophète.
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« ses brebis écoutent sa voix et qu'elles le suivent »
aussitôt qu'il parle : Oves meœ vocem meum audiunt..., et sequuntur me
(1) afin, mes frères, que nous entendions que dans l'école du Fils de Dieu il ne
faut point consulter les sens ni faire discourir la raison humaine, mais
seulement écouter et croire.
Je ne m'étonne donc pas
aujourd'hui si Dieu fait retentir, ainsi qu'un tonnerre, aux oreilles des saints
apôtres, cette parole que j'ai rapportée : « C'est ici mon Fils bien-aimé dans
lequel je me suis plu; écoutez-le : » Ipsum audite; c'est-à-dire qu'après
Jésus-Christ il n'y a plus de recherche à faire : Nobis curiositate opus non
est post Christum Jesum, nec inquisitione post Evangelium, dit le grave
Tertullien (2). Ce divin Maître nous ayant parlé, toute la curiosité de l'esprit
humain doit être à jamais arrêtée, et il ne faut plus songer qu'à l'obéissance :
Ipsum audite : « Ecoutez-le. » Mais afin que vous sachiez mieux ce que
signifie cet oracle, et pourquoi le Père céleste a voulu nous le prononcer dans
la glorieuse transfiguration de notre Seigneur Jésus-Christ, remarquez s'il vous
plaît, avant toutes choses, qu'il nous a envoyé son Fils pour nous apporter
trois paroles qu'il est nécessaire que nous écoutions : la parole de sa doctrine
pour nous enseigner ce qu'il faut croire, la parole de ses préceptes pour nous
montrer comme il faut agir, la parole de ses promesses pour nous apprendre-ce
qu'il faut attendre (a).
Le vieil homme a cinq sens,
l'homme renouvelé n'a plus que l'ouïe; il ne juge point par la vue; Dieu lui a
en quelque sorte arraché les yeux : Non contemplantibus nobis quœ videntur
(3). Ni le toucher ni le goût ne le règlent; il lui est seulement permis
d'écouter, et cette liberté est restreinte à écouter Jésus-Christ tout seul; et
encore doit-il l'écouter non pour examiner sa doctrine, mais pour la croire
simplement sur son témoignage. Car comme l'esprit humain s'égarait dans ses
jugements par son ignorance, dans ses mœurs par ses désirs déréglés, dans la
recherche de son bonheur par ses espérances mal fondées, pour donner remède à
1 Joan., X, 27. — 2 De Prœscript., advers. Hœres.,
n. 8. — 3 II Cor., IV, 18.
(a) Var. : La parole de sa doctrine qui nous
enseigne ce qu'il faut croire, la parole de ses préceptes qui nous montre comme
il faut agir, la parole de ses promesses qui nous apprend ce qu'il faut
attendre.
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de si grands maux, il fallait que ce divin Maître entreprît
de former notre jugement parla certitude de sa doctrine, de diriger nos mœurs
dépravées par l'équité de ses préceptes, de régler nos prétentions par la
fidélité de ses promesses. C'est ce qu'il a fait, chrétiens ; et il y a
travaillé principalement dans sa glorieuse transfiguration. De quelle sorte et
par quels moyens? C'est ce qu'il faut vous proposer en peu de mots.
Sachez donc et pesez
attentivement que l'effet de ces trois paroles que le Fils de Dieu nous annonce,
est traversé par trois grands obstacles. Vous nous enseignez, ô Maître céleste,
et rien n'est plus assuré que votre doctrine ; mais elle est obscure et
impénétrable, et l'esprit a peine à s'y soumettre. Divin Législateur, vous nous
commandez, et tous vos préceptes sont justes; mais cette voie est rude et
contraire aux sens, et il est malaisé de s'y ranger. Enfin vous nous promettez
des biens éternels, et il n'y a rien de plus ferme que vos promesses ; mais que
l'exécution en est éloignée ! vous nous remettez à la vie future, et notre âme
est fatiguée par cette attente. Voilà, mes frères, trois grands obstacles qui
nous empêchent d'écouter le Sauveur Jésus et de nous soumettre à sa parole. Sa
doctrine est certaine, mais elle est obscure ; ses préceptes sont justes, mais
difficiles ; ses promesses infaillibles, mais fort éloignées. Chrétiens, allons
au Thabor pour y voir Jésus-Christ transfiguré ; considérons qui l'y accompagne,
de quoi il y parle, comme il y paraît. Moïse et Elie sont à ses côtés;
c'est-à-dire, si nous l'entendons, que la loi et les prophètes lui rendent
hommage. Un maître en qui il paraît tant d'autorité, quoique sa doctrine soit
obscure, mérite bien qu'on l'en croie sur sa parole : Ipsum audite. Mais
de quoi s'entretient ce divin Sauveur avec ces deux hommes que Dieu lui envoie?
« De sa mort, dit l'Evangéliste, et du supplice cruel qu'il devait souffrir en
Jérusalem : » Dicebant excessum ejus, quem completurus erat in Jerusalem
(1). Chrétiens, ne parlons plus des difficultés des choses qu'il nous a
commandées, après que nous voyons les travaux pénibles de celles qu'il a
lui-même accomplies. Enfin il paraît, nous dit l’Ecriture, plein de gloire et de
majesté, et il nous donne comme un
1 Luc., IX, 31.
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avant-goût de la félicité qu'il nous prépare. Par
conséquent ne nous plaignons pas que la gloire qu'il nous promet soit si
éloignée, puisqu'il nous la rend déjà en quelque sorte présente. Que reste-t-il
donc maintenant, sinon que nous entendions le Père éternel qui nous avertit
d'écouter son Fils : Ipsum audite. Ecoutons humblement ce divin Maître;
écoutons sa doctrine céleste, sans que l'obscurité nous arrête; écoutons ses
commandements, sans que leur difficulté nous étonne; enfin écoutons ses
promesses, sans que leur éloignement nous impatiente. C'est ce que je me propose
de vous faire entendre avec le secours de la grâce.
PREMIER POINT.
La première chose, mes frères,
que le Père éternel exige de nous lorsqu'il nous ordonne d'écouter son Fils,
c'est que nous soyons convaincus que sur toutes les vérités qu'il est nécessaire
que nous connaissions, il s'en faut rapporter à ce qu'il en dit et l'en croire
sur sa parole sans examiner davantage. C'est ce qu'il nous faut établir comme le
fondement immuable de toute la vie chrétienne, et pour cela supposons,
Messieurs, une chose connue de tous, qui nous donnera de grandes lumières, si
nous en savons comprendre les .suites ; que les hommes peuvent parvenir à la
vérité en deux manières différentes, ou bien par leurs propres lumières
lorsqu'ils la connaissent eux-mêmes, ou par la conduite des autres lorsqu'ils en
croient un rapport fidèle. C'est une chose connue et qui n'a pas besoin
d'explication, mais les suites en sont admirables, et je vous prie de les bien
entendre.
Et pour commencer, chrétiens, à
développer ce mystère, je dis qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de nous conduire
à la vérité par l'une et par l'autre de ces deux voies. Non, les hommes ne le
peuvent pas; c'est folie de l'attendre d'eux. Celui qui entreprend de nous
enseigner doit ou nous faire entendre (a) la vérité, ou du moins nous la
faire croire. Pour nous la faire entendre, il faut nécessairement beaucoup de
sagesse ; pour nous la faire croire, il
(a) Var. : Pour être capable d'enseigner les
hommes, il faut ou leur faire entendre la vérité, ou du moins la leur faire
croire; il faut pour l'un beaucoup de sagesse, et pour l'autre beaucoup
d'autorité.
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faut beaucoup d'autorité; et c'est ce qui ne se trouve
point parmi les hommes. C'est pourquoi Tertullien disait dans cet admirable
Apologétique : Quanta est prudentia hominis ad demonstrandum quid verè bonum
? quanta auctoritas ad exigendum (1) ? « La prudence des hommes est trop
imparfaite pour découvrir le vrai bien à notre raison, et leur autorité est trop
faible pour pouvoir rien exiger de notre créance. » La première, c'est la
prudence, est peu assurée; et la seconde, c'est l'autorité, peu considérable (a)
: Tam illa falli facilis, quàm ista contemni. Par conséquent nous devons
conclure qu'il ne faut pas attendre des hommes la connaissance certaine de la
vérité, parce que leur autorité n'est pas assez grande pour nous la faire croire
sur ce qu'ils en disent (b), et que leur sagesse est trop courte pour
nous en donner l'intelligence.
Mais ce qui ne se trouve point
parmi les hommes, il nous est aisé, chrétiens, de le rencontrer en notre Dieu;
et vous le comprendrez aisément, si vous considérez avec attention comme il
parle différemment dans son Ecriture. Il pratique, ce grand Dieu, l'un et
l'autre. Quelquefois il se fait connaître manifestement; et alors il dit à son
peuple : « Vous saurez que je suis le Seigneur:» Et scietis quia ego sum
Dominus (2); quelquefois, sans se découvrir, il fait valoir son autorité, et
il veut qu'on le croie sur sa parole; comme lorsqu'il prononce avec tant
d'emphase, pour obliger tout le monde à se soumettre : Hœc dicit Dominis
: « Voici ce que dit le Seigneur; » et ailleurs : « Il sera ainsi, parce que
j'ai parlé, dit le Seigneur : » Quia verbum ego locutus tum , dicit Dominus
(3). D'où vient, Messieurs, cette différence? C'est sans doute qu'il veut que
nous comprenions qu'il a le moyen de se faire entendre, mais qu'il a le droit de
se faire croire. Il peut par sa lumière infinie nous montrer, quand il lui
plaira, sa vérité à découvert; et il peut par son autorité souveraine nous
obliger à la révérer sans que nous en ayons l'intelligence. L'un et l'autre est
digne de lui ; il est digne de sa grandeur de régner sur les esprits ou en les
captivant
1 Apolog., n. 45. — 2 Ezech.,
VI, 7. — 3 Jerem., XXXIV, 5.
(a) Var. : La première est peu assurée, et la
seconde est peu considérable. — (b) Sur parole.
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par la foi, ou en les contentant par la claire vue. L'un et
l'autre est digne de lui, il fera aussi l'un et l'autre ; mais chaque chose doit
avoir son temps. Tous deux néanmoins sont incompatibles, je veux dire
l'obscurité de la foi et la netteté de la vue. Qu'a-t-il fait? Ecoutez, mes
frères; voici le mystère du christianisme. Il a partagé ces deux choses entre la
vie présente et la vie future : l'évidence dans la patrie, la foi et la
soumission durant le voyage. Un jour la vérité sera découverte; en attendant,
pour s'y préparer, il faut que l'autorité soit révérée : le dernier fera le
mérite, et l'autre est réservé pour la récompense. Là, sicut audivimus, sic
vidimus (1) ; ici il ne se parle point de voir, et on nous ordonne seulement
de prêter l'oreille et d'être attentifs à sa parole : Ipsum audite.
Venez donc au Thabor, mes
frères, et accourez tous ensemble à ce divin Maître que vous montre le Père
céleste. Vous pouvez reconnaître son autorité en considérant les respects que
lui rendent Moïse et Elie, c'est-à-dire la loi et les prophètes, comme je l'ai
déjà expliqué. Mais j'ajouterai maintenant une remarque sur notre évangile, que
peut-être vous n'avez pas faite et qui néanmoins est très-importante pour
connaître l'autorité du Sauveur Jésus. C'est, Messieurs, qu'il est remarqué
qu'en même temps que fut entendue cette voix du Père éternel qui nous commande
d'écouter son Fils, Moïse et Elie disparurent, et que Jésus se trouva tout seul
: Et dum fient vox, inventus est Jesus solus (2). Dites-moi, quel est ce
mystère ? d'où vient que Moïse et Elie se retirent à cette parole ? Chrétiens,
voici le secret développé par le grand Apôtre. « Autrefois, dit-il, Dieu ayant
parlé en différentes manières par la bouche de ses prophètes (3) ; » écoutez et
comprenez ce discours : Vous avez parlé, ô prophètes, mais vous avez parlé
autrefois : « maintenant en ces derniers temps il nous a parlé par son propre
Fils : » Novissimè locutus est nobis in Filio suo (4). C'est pourquoi,
dans le même temps que Jésus-Christ paraît comme maître, Moïse et Elie se
retirent; la loi, toute impérieuse qu'elle est, tient à gloire de lui céder; les
prophètes, tout clairvoyants qu'ils sont, se vont néanmoins cacher dans la nue :
Intrantibus illis in
1 Psal. XLVII, 9.— 2 Luc,
IX, 36. — 3 Hebr., I, 1. — 4 Ibid., 2.
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nubem (1)... Nubes obumbravit eos (2). Comme
s'ils disaient au divin Sauveur tacitement par cette action : Nous avons parlé
autrefois au nom et par l'ordre de votre Père : Olim loquens patribus in
prophetis; maintenant que vous ouvrez votre bouche pour expliquer vous-même
les secrets du ciel, notre commission est expirée ; notre autorité se confond
dans l'autorité supérieure; et n'étant que les serviteurs, nous cédons
humblement la parole au Fils. Par conséquent soyons attentifs, et écoutons ce
Fils bien-aimé : Hic est Filius meus dilectus. Ne recherchons pas les
raisons des vérités qu'il nous enseigne. Toute la raison, c'est qu'il a parlé.
Ecoutez comme il vous parle dans
son Evangile : « Jamais personne n'a vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le
sein du Père, est venu lui-même pour vous en instruire : » Deum, nemo vidit
unquam; Unigenitus Filius, qui est in sinu Patris, ipse enarravit (3). O
hommes, nul de vous n'a encore vu Dieu; vous ne savez ce qu'il en faut croire,
ni la voie qu'il faut tenir pour aller à lui. Le Fils unique qui est en son
sein, qui pénètre tous ses secrets, lui-même est venu vous les raconter :
Ipse, ipso enarravit. Que recherchez-vous, ô mortels, après le témoignage de
ce divin Maître? Osez-vous lui demander des raisons ou vous plaindre de ce qu'il
vous oblige de croire ce que vous n'entendez pas? — Je voudrais entendre, je
voudrais savoir.—Saint Augustin vous va satisfaire : « C'est être savant, nous
dit-il, que d'être uni à celui qui sait : » Non parra scientia est scienti
conjungi (4). C'est être assez savant que d'être uni à celui qui sait;
ajoutons pour expliquer sa pensée, à celui qui sait d'original, si l'on peut
parler de la sorte, qui sait pour avoir vu et pour avoir vu jusqu'au fond, et
qui nous dit avec vérité : Quod vidimus, testamur (5) : « Nous témoignons
ce que nous avons vu. » — « Celui-là, dit saint Augustin, a les yeux de
l'intelligence ; nous avons les yeux de la foi : » Ille habet oculos
agnitionis, tu credulitatis (6). Je ne prétends rien davantage, je ne me
plains pas de l'obscurité des maximes de l'Evangile. Si je n'ai pas de lumières
propres, j'ai celles de Jésus-Christ qui me dirigent : je n'ai pas la science en
moi-même, mais j'ai celle du
1 Luc., IX, 34. — 2 Matth.,
XVII, 5. — 3 Joan., I, 18.— 4 Serm. II in Psal. XXXVI, n. 2. — 5
Joan., III, 11. — 6 S. August., ubi suprà.
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Fils de Dieu qui m'assure; et je crois hardiment où je ne
vois rien, parce que j'en crois celui qui voit tout (a).
Il me semble, chrétiens
auditeurs, que l'autorité de ce divin Maître est suffisamment établie, et que
nous devons être très-persuadés que c'est assez d'écouter sa voix pour connaître
la vérité avec certitude. Mais tirons de cette doctrine importante quelque
instruction pour notre conduite. Il faudrait commencer un nouveau discours pour
vous dire tout le fruit qu'elle doit produire ; mais parmi une infinité de
grandes choses qui se présentent de toutes parts, voici une vérité que je vous
choisis, et je me tiendrai bienheureux si je la puis aujourd'hui graver dans vos
cœurs. Puisqu'il est ainsi, chrétiens, que nous sommes obligés de nous rapporter
à ce que nous dit le Sauveur Jésus, résolvons, et résolvons immuablement de
former tous nos jugements, non sur les apparences des sens, ni sur les opinions
anticipées dont la raison humaine nous préoccupe, mais sur la parole de
Jésus-Christ, sur la doctrine de son Evangile. M'entendez-vous, mes frères;
comprenez-vous ce que je veux dire? Quis est vir sapiens qui intelligat hoc
(1) ? Qui de nous juge selon Jésus-Christ et selon les règles qu'il nous a
données? Ah ! si nous jugions des choses selon ses maximes, que d'illusions
seraient dissipées ! que de folles pensées s'évanouiraient! que de vaines
opinions tomberaient par terre! Quand on voit les fortunés de ce monde au milieu
de la troupe qui leur applaudit, tous les sens disent : Voilà les heureux;
Jésus-Christ nous dit au contraire : Ce ne sont pas là les heureux ; « heureux
ceux dont le Seigneur est le Dieu! » Beatus populus cujus Dominus Deus ejus
(2) ! C'est ce que vous dites, ô Maître céleste; mais que cette parole est peu
écoutée! Nous nous laissons étourdir par le bruit de ceux qui nous crient
perpétuellement qu'ils sont heureux, qu'ils sont fortunés dans leur vie molle et
délicieuse ; et parmi ce bruit importun, la voix du Sauveur demeure étouffée (b)
et n'arrive pas jusqu'à nos oreilles.
Chrétiens, venez au Thabor, apprenez du Père céleste à
écouter
1 Jerem., IX, 12.— 2 Psal. CXLIII, 15.
(a) Var. : Je crois avec joie ce que je ne
vois pas, parce que je crois celui qui voit tout. — (b) Votre voix
demeure.....
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humblement son Fils : Ipsum audite. Qui pourrait
vous faire comprendre toute la force de cette parole ? Cette parole du Père
céleste sacrifie tous vos sentiments et abat toutes vos raisons aux pieds de son
Fils. Mais qu'il a raison de nous reprocher que nous ne recevons pas son
témoignage! Testimonium nostrum non accipitis (1). Si vous le recevez,
vous êtes obligés de désavouer tout ce qui s'oppose à ce qu'il témoigne. Par
exemple, pour vous en convaincre, regardez ce que vous faites dans
l'Eucharistie; tout est mort, il n'y a que l'ouïe qui vive, et elle ne vit que
pour Jésus-Christ et ne connaît plus que sa voix. Dans cet adorable mystère tous
vos sens vous trompent, excepté l'ouïe. La vue et le goût disent : C'est du pain
; le toucher et l'odorat se joignent à eux ; il n'y a que l'ouïe qui rapporte
bien, parce qu'elle vous annonce en simplicité le témoignage de Jésus-Christ. Et
pour bien recevoir ce grand témoignage, vous démentez votre propre vue, vous
désavouez votre goût, vous résistez à votre raison pour abandonner tous vos
sentiments à Jésus qui vous instruit par la seule ouïe. Eveillez-vous, mes
frères, et rendez partout le même respect à celui qui est toujours infaillible.
Que ce mystère que vous fréquentez tous les jours vous accoutume à juger des
choses, non selon la prudence humaine, mais selon le témoignage qu'en rend le
Sauveur (a). Imaginez-vous, chrétiens, mais que dis-je imaginez-vous?
croyez que vous avez toujours Jésus près de vous, qui vous dit à l'oreille tout
ce qu'il faut croire de ce qui se présente à vos yeux. C'est l'Ecriture qui vous
l'enseigne, qu'il marche après vous comme un précepteur qui suit et qui conduit
ses disciples, et qui ne cesse de les avertir de la voie qu'ils doivent suivre :
Et aures tuœ audient verbum post tergum monentis : Hœc est via (2). Soyez
donc attentifs, mes frères, à ce précepteur qui vous parle, et réglez vos
jugements sur les siens. Vos sens vous disent : Ce plaisir est doux ; écoutez,
Jésus dit qu'il est très-amer : Amarum est reliquisse te Dominum Deum tuum
(3). Vos sens disent : Courons aux délices ; et Jésus : « Malheur à vous qui
riez, parce que vos ris produiront des pleurs (4)! » Vos sens disent : Ah! qu'il
est
1 Joan., III, 11. — 2 Isa.,
XXX, 21. — 3 Jerem., II, 19. — 4 Luc., VI, 25. (a)
Var. — Que Jésus en rend.
100
pénible de marcher dans la voie de Dieu! et Jésus au
contraire, que « son joug est doux et que son fardeau est léger : » Jugum
meum suave est et onus meum leve (1). Croyez ces témoignages, fidèles; et
persuadés de leur vérité, formez-vous des maximes invariables qui fixant à
jamais (a) votre esprit sur des jugements arrêtés, puissent aussi diriger
vos mœurs par une conduite certaine. C'est ma seconde partie.
SECOND POINT.
Ipsum audite : « Ecoutez
Jésus; » écoutez ses commandements. Je vous ai dit, Messieurs, écoutez et croyez
tout ce qu'il enseigne; je vous parle maintenant d'une autre manière et je vous
dis : Ecoutez et faites. Mais pour vous le dire avec fruit, il faut tâcher de
vous faire entendre la liaison qu'il doit y avoir entre la foi et les œuvres ;
et pour cela remarquez avant toutes choses que toute la vie chrétienne nous
étant représentée dans les Ecritures comme un édifice spirituel, les mêmes
Ecritures nous disent aussi que la foi en est le fondement, (b) C'est
pourquoi saint Paul nous enseigne que « nous sommes fondés en la foi : » In
fide fundati (2). Or vous savez que le fondement a deux qualités principales
: il est en premier lieu le commencement, et secondement il est le soutien de
l'édifice qui se prépare. Donc pour bien connaître la foi, nous
1 Matth., XI, 30. — 2 Coloss., I, 23.
(a) Var.: Fortement. — (b) Note
marg. : Ipsum audite : « Ecoutez Jésus,» et écoutez ses
commandements; si vous avez créance à sa doctrine, venez à l'épreuve des œuvres,
et montrez votre foi par vos actions : Ostende ex operibus fidem tuam (Jacob.,
II, 18). Et certainement, chrétiens, ai nous en croyons sa parole, de quelque
science que soit éclairé celui qui ne garde point ses préceptes, il ne doit pas
se vanter de le connaître. Le disciple bien-aimé le dit nettement en sa Ire
Epître: Qui dicit se nosse eum, et mandata ejus non custodit, mendax est et
in hoc veritas non est ( 1 Joan., II, 4): « Celui qui dit qu'il le
connaît, et ne garde pas ses commandements, c'est un menteur, et la vérité n'est
pas en lui. » Non, il ne connaît pas Jésus-Christ, parce qu'il ne le connaît pas
comme il le veut être. Il le connaît comme un curieux qui se divertit de sa
doctrine et ne songe pas à la pratique , ou qui en fait un sujet de spéculations
agréables. Chrétiens, ce n'est pas ainsi que Jésus-Christ veut être connu ; au
contraire , il nous assure qu'il ne connaît pas ceux qui le connaissent de la
sorte. Il veut des ouvriers fidèles, et non pas des contemplateurs oisifs; et ce
n'est rien de la foi, si elle ne fructifie en bonnes mœurs. Mais afin de vous en
convaincre, remarquez, s'il vous plait. Messieurs, que toute la vérité
chrétienne nous étant représentée dans les Ecritures comme un édifice spirituel,
les mêmes Ecritures nous disent aussi que la foi en est le fondement.
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vous juger en premier lieu qu'elle n'est qu'un
commencement, et secondement qu'elle est destinée pour être le soutien de
quelque chose. L'une et l'autre de ces qualités exige nécessairement la suite
des œuvres, parce qu'en qualité de commencement elle nous oblige à continuer, et
en qualité de soutien elle nous invite à bâtir dessus, et l'un et l'autre se
fait par les œuvres.
Mais découvrons dans un plus
grand jour ces deux importantes raisons. Croire, disons-nous, c'est commencer;
et il est aisé de l'entendre. Car tout le dessein du christianisme n'étant que
de soumettre notre esprit à Dieu, la foi, dit saint Augustin, commence cette
œuvre : Fides est prima quœ subjugat animam Deo
(1) : « La foi est la première qui soumet
l'âme à Dieu ; » et le concile de Trente a défini que « la foi est le
commencement du salut de l'homme : » Fides est humanœ salutis initium
(1). La foi est donc un commencement, c'est la première de ses qualités (a).
Et plût à Dieu, Messieurs, que tous les chrétiens l'eussent bien compris! car
par là ils pourraient connaître que de s'en tenir à la foi sans s'avancer dans
les bonnes œuvres , c'est s'arrêter dès le premier pas ; c'est abandonner tout
l'ouvrage dès le commencement de l'entreprise et s'attirer justement ce reproche
de l'Evangile : Hic homo cœpit œdificare, et non potuit consummare (2) :
« Voilà ce fol et cet insensé qui avait commencé un beau bâtiment, et qui ne l'a
pas achevé ; » il a fait grand amas de matériaux, il a posé tous les fondements
d'un grand et superbe édifice ; et le fondement étant mis, tout d'un coup il
quitte l'ouvrage. O le fol! ô l'extravagant ! Hic homo cœpit œdificare.
Mais éveillez-vous, chrétien:
c'est vous-même qui êtes cet homme insensé. Vous avez commencé un grand bâtiment
; vous avez déjà établi la foi qui en est le fondement immuable : pour poser ce
fondement de la foi, quels efforts a-t-il fallu faire? La place destinée pour le
bâtiment était plus mouvante que le sable : chrétiens, c'est l'esprit humain,
toujours chancelant dans ses
1 De Agon. christ., n. 14. — 2 Sess. XI, cap.
VIII. — 3 Luc., XIV, 30.
(a) Var. : Mais découvrons dans un plus grand
jour ces deux importantes raisons: je conclus la première en peu de paroles, et
la seconde qui sera plus de notre sujet, aura une plus grande étendue. La foi
est donc un commencement, c’est la première de ses qualités.
102
pensées ; il a fallu l'affermir. Que de miracles, que de
prophéties, que d'écritures, que d'enseignements ont été nécessaires pour servir
d'appui ! Il y avait d'un côté des précipices, précipices terribles et dangereux
de l'erreur et de l'ignorance, il a fallu les combler ; et de l'autre, « des
hauteurs superbes qui s'élevaient, dit le saint Apôtre !, contre la science de
Dieu ; » il a fallu les abattre et les aplanir. Parlons en termes plus
intelligibles : il a fallu s'aveugler soi-même, démentir et désavouer tous ses
sens, renoncer à son jugement, se soumettre et se captiver dans la partie la
plus libre , qui est la raison ; enfin que n'a-1-il pas fallu entreprendre pour
poser ce fondement de la foi ? Et après de si grands efforts et tant de
préparatifs extraordinaires, on laisse l'entreprise imparfaite et l'on met de
beaux fondements sur lesquels on ne bâtit rien : peut-on voir une pareille
folie? Et ne vois-tu pas, insensé, que ce fondement attend l'édifice, que ce
commencement de la foi demande sa perfection par la bonne vie ; et que ces
murailles à demi élevées, qui se ruinent parce qu'on néglige de les achever,
rendent hautement témoignage contre ta folle et téméraire conduite ? Mais cela
paraîtra bien mieux, si après avoir regardé la foi comme le commencement de
l'édifice, nous considérons maintenant qu'elle n'est pas établie pour demeurer
seule, mais pour servir de soutien à quelque autre chose. Car s'il est ainsi,
chrétiens, qu'elle ne soit pas établie pour demeurer seule, mais pour servir
d'appui à quelque autre chose, je vous laisse à juger en vos consciences quelle
injure vous faites au divin Sauveur, si ayant mis en vos âmes un fondement si
inébranlable, vous craignez encore de bâtir dessus : n'est-ce pas lui dire
manifestement que vous vous défiez du soutien qu'il vous présente et que vous
n'osez vous appuyer sur sa parole ; c'est-à-dire que sa foi vous paraît
douteuse, sa doctrine mal soutenue, ses maximes peu assurées ?
Mais laissons ces justes
reproches, pour prouver solidement par les Ecritures que la foi ne nous est
donnée que pour être le soutien des œuvres; et vous en serez convaincus, si vous
méditez attentivement le conduite de notre Sauveur tant qu'il a été en ce
1 II Cor., X, 5.
103
monde. Il y a accompli de grands mystères, il nous y a
donné de grands préceptes. Mais afin que ce qu'il faut croire nous apprît comme
il faut agir, il a tellement ménagé les choses, que les mystères qu'il a
accomplis fussent le soutien et le fondement des préceptes qu'il a donnés. Saint
Augustin, Messieurs, vous fera entendre cette vérité, et il nous l'explique
admirablement dans le livre qu'il a écrit de Agone christiano, où,
suivant le divin Apôtre, il appuie toute la vie chrétienne et la liaison des
préceptes avec les mystères sur Jésus-Christ humilié et sur le mystère de sa
croix. O hommes, dit-il, n'aimez pas le monde, voilà le précepte, parce que s'il
était aimable, le Fils de Dieu l'aurait aimé, voilà le mystère : Nolite amare
temporalia, quia si bene amarentur, amaret ea homo quem suscepit Filius Dei
(1) Ne vous attachez pas aux richesses, parce que si elles étaient nécessaires,
le Fils de Dieu ne serait pas pauvre ; ne craignez ni les souffrances ni
l'ignominie , parce que si elles nuisaient à notre bonheur, un Dieu n'y serait
pas exposé. Ainsi vous voyez manifestement que toutes les choses que Jésus
commande ont leur fondement immuable sur celles qu'il a accomplies, et que s'il
nous prescrit dans son Evangile une vie pénitente et mortifiée, c'est à cause
qu'il nous y paraît comme un Dieu anéanti et crucifié (a). C'est pour
cela que sur le Thabor, où l'on nous ordonne d'écouter sa voix, de quoi est-ce
qu'il s'entretient avec Moïse et Elie ? De sa croix, dit l'Evangéliste, et de la
mort qu'il devait souffrir à Jérusalem : Dicebant excessum ejus quem
completurus erat in Jerusalem (2). Pour quelle raison, mon divin Sauveur, et
qu'a de commun ce discours avec la gloire qui vous environne? C'est, mes frères,
que ce qu'il commande étant fondé sur ce qu'il a fait, il nous propose ce qu'il
a fait pour disposer nos esprits à suivre humblement ce qu'il commande :
Ipsum audite : « Ecoutez Jésus ; » écoutez-le, croyez ce qu'il fait ; mais
écoutez-le, faites ce qu'il dit.
Mais permettez-moi, chrétiens,
d'étendre davantage cette vérité si solide et si importante, et de vous
expliquer le dessein pour lequel le Sauveur Jésus, dans cet état auguste et
majestueux où
1 S. August., De Agon. christ., cap. XI, n. 12. — 2
Luc, IX, 31.
(a) Var. : C'est à cause qu'il nous y propose un
Dieu anéanti et crucifié.
101
il nous paraît au Thabor, ne parle que de sa croix et de
ses souffrances. Chrétien, ne le vois-tu pas et ne l'as-tu pas encore entendu?
C'est qu'il a dessein de te préparer à écouter ses préceptes; il veut lever les
difficultés que tu trouves à suivre ses commandements et à marcher dans ses
voies. En effet, pour ôter ces difficultés, il faut nous inspirer du courage et
nous donner de la force. Pour nous inspirer du courage, que peut-il faire de
plus efficace que de marcher le premier (a) dans la carrière qu'il nous a
ouverte tout couvert de sueur et de sang, poursuivant tout ce que les hommes
fuient, méprisant tout ce qu'ils désirent, souffrant volontairement tout ce
qu'ils redoutent : Onmia contemnendo quœ pravi homines cupiunt, et onmia
patiendo quœ horrescunt (1) ; et dans cet état de souffrances, nous disant
d'un ton ferme et vigoureux : In mundo pressuram habebitis; sed confia ite,
ego vici mundum (2) ; Mes disciples, je le confesse, « vous aurez à souffrir
an monde ; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde? » Se peut-il trouver des
âmes si basses, qui ne soient encouragées par cet exemple (b) ? Que si
vous vous plaignez, chrétiens, que vos forces ne suffisent pas pour suivre ce
Dieu qui vous appelle (vous me faites tous cette objection, je lis dans vos
cœurs), regardez que non-seulement il marche devant, mais encore qu'il se tourne
à vous pour vous tendre sa main charitable. Quelle preuve en avons-nous? Ses
souffrances mêmes. Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : In eo enim
in quo passus est, ipse et tentatus, potens est et iis qui tentantur auxiliuri
(3) : « Par les choses qu'il a souffertes, il nous montre qu'il est puissant
pour prêter secours à ceux qui souffrent. » Mystère admirable! Messieurs, il
prouve sa puissance par sa faiblesse, et avec beaucoup de raison. Car il est
juste que celui qui s'est fait infirme par sa bonté, devienne l'appui des autres
par sa puissance, et que pour honorer la faiblesse qu'il a prise volontairement
(c), il soit le support de ceux qui sont faibles par nécessité. Ne
craignons donc pas, chrétiens, de suivre
1 S. August., De Verà relig., n. 31. — 2 Joan.,
XV(, 33. — 3 Hebr., II, 18.
(a) Var. : Pour nous inspirer du courage,
qu'y a-t-il de plus efficace que de le voir marcher le premier dans la
carrière... ?— (b) Que cet exemple n'encourage pas? — (c) Et qu'en
échange de la faiblesse qu'il a prise volontairement.....
105
Jésus-Christ dans la voie étroite, et d'écouter un Dieu
marchant devant, nous donnant l'exemple, se retournant, nous tendant la main (a).
Par conséquent écoutons (b)
la voix de ce Maître si charitable : Ipsum audite : « Ecoutons Jésus ; »
mais écoutons-le comme il parle, prenons ses sentiments comme il nous les donne.
Car combien en voyons-nous tous les jours qui s'approchent du Fils de Dieu, non
pour recevoir la loi, mais pour la donner, pour le faire parler à leur mode,
selon les préjugés de leurs passions et au gré de leurs convoitises? Tels sont
ceux dont parle Isaïe : « Voici, dit-il, un peuple rebelle qui irrite la fureur
de Dieu ; ce sont des enfants menteurs, enfants rebelles et opiniâtres qui ne
veulent pas écouter la loi de Dieu (c) : » Populus ad iracundiam
provocans est, et filii mendaces (1). De tels hommes disent aux voyants : «
Ne voyez pas; aveuglez-vous pour nous plaire; ne nous montrez pas la droite voie
: » Nolite aspicere nobis quœ recta sunt (2) : ce n'est pas ce que nous
cherchons, nous voulons des détours commodes ; nous demandons des expédients
pour assouvir nos vengeances, pour pallier nos usures, pour continuer nos
rapines, pour contenter nos mauvais désirs : Loquimini nobis placentia,
videte nobis errores (3) : « Dites-nous des choses qui nous plaisent,
débitez nous des erreurs agréables (d). » Que si quelque docteur
véritable, de ceux dont parle l'apôtre saint Paul, « qui traitent droitement et
fidèlement la parole de vérité (4), » au lieu de cette voie large et spacieuse
qui nous mène à perdition , leur montre le chemin du salut dans une vie
mortifiée (e) : « Otez-nous, disent-ils, cette voie : » Auferte à me
viam, declinate à me semitam (5) : ôtez-nous cette voie, elle est trop
incommode ; « tirez-nous de ce sentier, » il est trop étroit. S'il les presse
par l'Evangile et qu'il leur dise : C'est Jésus qui parle : — Ah! nous ne
voulons point entendre sa voix, elle nous fâche
1 Isa., XXX, 9. — 2 Ibid., 10.—
3 Ibid. — 4 II Timoth., II, 15. — 5 Isa.,
XXX, 11.
(a) Var.: Ne craignons donc pas, chrétiens,
de suivre Jésus-Christ dans la voie étroite et d'écouter sa parole qui nous y
appelle. Il ne nous appelle pas seulement, mais il marche devant pour nous
enflammer; il ne marche pas seulement devant, mais il nous tend la main pour
nous soutenir. — (b) Quoi ! refuserez-vous d'écouter...?—(c) Tels
sont ceux qui consultent pour être trompés, qui ne trouvent de bons conseils que
ceux qui les flattent, qui cherchent à se damner en conscience. — (d)
Trompez-nous par des erreurs agréables. — (e) Pénitente.
106
et nous importune : Cesset à facie nostrâ Sanctus Israël
(1) : qu'il n'y ait aucune partie de nous-mêmes qui fléchisse.
Ainsi, mes frères, l'arrogance
humaine emportée par ses passions ne veut point écouter le Sauveur Jésus, s'il
ne parle à sa fantaisie. Et jugeons-en par nous-mêmes, mettons la main sur nos
consciences. Qui de nous, s'il en était cru, n'entreprendrait pas de changer et
de réformer l'Evangile en faveur de ses convoitises? Il y a des vices que nous
haïssons par une aversion naturelle ; et il n'y a point d'homme si corrompu,
qu'il n'y ait quelque péché qui lui déplaise. Ah ! que nous aimons l'Evangile
lorsqu'il condamne ces vices que nous détestons ! Celui-là sera d'un naturel
doux, ennemi du trouble et de l'injustice : tonnez tant qu'il vous plaira, ô
divin Sauveur, contre les rapines et les violences, il applaudira à votre
doctrine; mais si vous lui ôtez ces plaisirs si chers, que votre parole lui
paraîtra rude! il ne pourra plus l'écouter. Un autre, naturellement libéral,
entendra toujours avec joie ce qui se dira contre l'avarice; mais qu'on ne lui
défende pas la médisance; qu'on lui permette de venger cette injure, qu'on lui
laisse envelopper ses ennemis ou ses concurrents dans une intrigue malicieuse (a).
O folie! ô témérité (b)! « Sauvez-nous, sauvez-nous, Seigneur, disait
autrefois le Prophète, parce qu'il n'y a plus de saint sur la terre, et que les
vérités sont diminuées par la malice des hommes : » Diminutœ sunt veritates
(2). Elles ne sont pas tout à fait éteintes, il y en a qui plaisent à
quelques-uns; mais par une audace effroyable, chacun les diminue à sa mode,
chacun retranche ce qui lui déplaît. Les hommes se sont mêlés de mettre une
distinction entre les vices : il y en a qu'on laisse dans l'exécration, comme la
cruauté et la perfidie; il y en a qu'on veut rendre honnêtes, par exemple ces
passions douces, comme l'ambition, et ainsi des autres. Malheureux,
qu'entreprenez-vous? «Jésus-Christ est-il divisé? » Divisus est Christus
(3)? Celui qui commande la fidélité, n'a-t-il pas commandé la tempérance (c)
? Celui qui défend la cruauté, n'a-t-il pas aussi défendu toutes ces douceurs
criminelles ?
1 Isa., XXX, 11. — 2 Psal.
XI, 2. — 3 1 Cor., I, 13.
(a) Var. : Qu'on lui laisse embarrasser cette
affaire dans une intrigue malicieuse. — (b) Mon Sauveur, que vous êtes
rude! on ne peut s'accommoder avec vous. — (c) La modération.
107
Pourquoi partagez-vous Jésus-Christ? Pourquoi
défigurez-vous sa doctrine par cette distinction injurieuse ? Que vous a fait
l'Evangile pour le déchirer de la sorte? Quid dimidias mendacio Christum ?
totus veritas fuit (1). Est-ce donc que l'Evangile de Jésus-Christ n'est
qu'un assemblage monstrueux de vrai et de faux, et qu'il en faut prendre une
partie et rejeter l'autre? Totus veritas : Il est tout sagesse, tout
lumière et tout vérité.
Mais, chrétiens, que faut-il
donc faire pour écouter fidèlement ce Maître céleste? Le voici en un mot de
saint Augustin dans le livre de ses Confessions : Optimus minister tuus est,
qui non magis intuetur hoc à te audire quod ipse voluerit, sed potiùs hoc velle
quod à te audierit (2) : « Celui-là est votre serviteur véritable, qui
s'approche de vous, ô Sauveur, non pas pour entendre ce qu'il veut, mais plutôt
pour vouloir ce qu'il entend. » Parole vraiment sainte, vraiment chrétienne et
digne certainement d'être toujours présente à notre mémoire. C'est ainsi que
vous devez écouter Jésus comme un maître dont vous venez recevoir la loi, en
désavouant humblement tout ce qui se trouve contraire à ses volontés; et si vous
le faites, Messieurs, ô Dieu ! quelle sera votre récompense! Il fera un jour ce
que vous voudrez, après que vous aurez tait ce qu'il veut; et si vous
accomplissez ses préceptes, il accomplira ses promesses. C'est ce qui me reste à
vous dire et que je conclurai en peu de paroles.
TROISIÈME POINT.
Saint Thomas en sa Seconde delà
Seconde, question LXXXVIII, où il traite de la nature du vœu (3), établit cette
différence entre le commandement et la promesse, que le commandement règle et
détermine ce que les autres doivent faire à notre égard, et la promesse au
contraire ce que nous devons faire à l'égard des autres. Ainsi, Messieurs ,
après avoir ouï à quoi la parole de Jésus-Christ nous oblige envers lui par les
préceptes, il est juste que vous entendiez à quoi il s'oblige envers vous par
ses promesses. Ipsum audite; écoutez Jésus dans les promesses de son
Evangile ; et afin que
1 Tertull., De Carn. Christ., n. 5. — 2 Lib. X, cap.
XXVI. — 3 IIa IIae, Quaest. LXXXVIII, art. 1.
108
vous entendiez quelle estime vous devez faire de cette
promesse, concevez s'il vous plait avec attention, Messieurs, dans quel ordre et
par quelle suite Dieu s'engage à vous. Premièrement, il vous promet; secondement
pour vous rassurer, il confirme par serment toutes ses promesses : non content
d'avoir engagé sa fidélité, il nous envoie son Fils du ciel en la terre, pour
nous réitérer la même parole et nous persuader de sa bienveillance ; et enfin
pour nous ôter tout scrupule, il nous donne comme un avant-goût de la félicité
qu'il nous a promise, dans la glorieuse transfiguration de notre Seigneur
Jésus-Christ. C'est cette dernière circonstance qu'il nous faut examiner en peu
de paroles. C'était déjà une grande grâce qu'il eût plu à notre grand Dieu de
s'engagera nous par des promesses. Car, comme remarque très-bien le grand saint
Thomas, « celui qui promet quelque chose le donne déjà en quelque façon, en tant
qu'il s'oblige à le donner : » Qui promittit, in quantùm se obligat ad
dandum, jam quodammodo dat (1). Il veut dire que celui qui nous a promis,
encore qu'il ne nous mette pas par cette promesse dans une possession actuelle,
néanmoins il s'est en quelque sorte dessaisi lui-même en s'ôtant la liberté d'en
disposer d'une autre manière. C'est pourquoi, dit le même saint Thomas, il
paraît par l'usage des choses humaines qu'on rend grâces non-seulement à celui
qui donne, mais encore à celui qui promet, quand il paraît agir de bonne foi,
parce qu'encore que le bien que l'on nous promet ne soit pas encore à nous par
une possession actuelle, il est déjà à nous par engagement, et que celui qui
promet quelque chose, s'est déjà en quelque sorte dessaisi lui-même en s'ôtant
la liberté d'en disposer d'une autre manière. Par conséquent il faut avouer que
Dieu se liant à nous par ses promesses, nous donnait un merveilleux avantage.
Mais il fait en notre faveur quelque chose de bien plus
grand dans la glorieuse transfiguration de notre Seigneur Jésus-Christ. Il
connaît notre dureté et notre cœur incrédule : il sait que la vie future ne nous
touche pas ; elle nous paraît éloignée, et cependant nos esprits grossiers,
amusés ou emportés par les biens
1 IIa IIae, Quaest. LXXXVIII, art. 5 ad. 2.
109
présents, ne connaissent pas les délices de ce bienheureux
avenir. Que fera ce divin Sauveur? Ecoutez un conseil de miséricorde . «En
vérité, en vérité, je vous dis, il y en aura parmi vous, dit-il, qui ne
goûteront point la mort qu'ils n'aient vu le Fils de Dieu dans sa gloire et dans
son royaume : » Sunt de hic stantibus qui non gustabunt mortem, donec rideant
Filium hominis venientem in regno suo (1). Je veux aider vos sens, je veux
soulager votre infirmité. Si cette félicité que je vous promets vous semble trop
éloignée pour vous attirer, je veux vous la rendre présente ; je la ferai voir à
quelques-uns de vous qui pourront en rendre témoignage aux autres. Peu de jours
après avoir dit ces mots, il mène au Thabor trois de ses disciples (2), et comme
il était en prière (car, mes frères, c'est dans l'oraison que la gloire de Dieu
éclate sur nous), comme donc il était en prière, cette lumière infinie (a)
qui était cachée sous l'infirmité de sa chair, perçant tout à coup ce nuage
épais avec une force incomparable, «sa face éclata comme le soleil, et une
blancheur admirable se répandit sur ses vêtements (3). »
Voilà , mes frères, une belle
idée de la gloire qui nous est promise. Car combien a-t-elle d'éclat,
puisqu'elle efface le soleil, même ! Et combien est-elle abondante, puisqu'ayant
rempli tout le corps, elle passe jusqu'aux vêtements ! Aussi Pierre, ravi d'un
si beau spectacle, s'écrie transporté et tout hors de soi : « O Seigneur, qu'il
fait bon ici, » et que je serai bienheureux si je ne perds jamais cette belle
vue ! Bonum est nos hic esse (4). Que s'il est si fort transporté de joie
en voyant seulement la gloire du corps, que serait-ce donc, chrétiens, si Jésus
lui découvrait celle de son âme? Mais s'il voyait la beauté incompréhensible de
son essence divine sans nuage, sans mélange, sans obscurité et telle qu'elle est
en elle-même, ô Dieu, quelle serait son extase! Mais puisqu'il se croit si
heureux de voir son Maître en sa majesté, quoiqu'il n'ait point encore de part à
sa gloire (b), quel serait son ravissement s'il s'en voyait revêtu
lui-même ! O mes frères, écoutons Jésus et laissons-nous toucher à ses promesses
qu'il nous
1 Matth., XVI, 28. — 2 Ibid.,
XVII, 1. — 3 Ibid., 2. — 4 Ibid., 4,
(a) Var.: Cette gloire infinie. — (b)
Sans participer encore à sa gloire.
110
rend déjà si sensibles. Ipsum audite : « Ecoutez-le.
» Ecoutez la parole de sa promesse. Quelle est-elle? La voici, Messieurs, telle
qu'il l'a prononcée lui-même : Qui perseveraverit usque in finem , hic salvus
erit (1) : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin , c'est celui-là qui sera
sauvé. » Que veut dire cette parole ? Croyez sa promesse avec certitude,
attendez l'effet avec patience.
Mais, hélas ! qui le fait,
Messieurs? qui se rend attentif à cette parole ? L'entendez-vous, ô hommes du
monde, qui enivrés par les biens présents, faites une raillerie de la vie future
? Oserai-je (a) répéter dans cette chaire les discours que vous en tenez
? Ah ! plutôt que Dieu qui sonde les cœurs vous mette devant les yeux vos
sentiments! N'êtes-vous pas de ceux qui parlent ainsi dans le prophète Isaïe : «
Ah ! que le Seigneur se dépêche ; qu'il nous fasse voir bientôt son ouvrage,
s'il veut que nous le croyions; qu'il nous fasse expérimenter quelque chose de
ses desseins, et nous n'en douterons pas ? » Festinet, et citò veniat opus
ejus, ut videamus, et appropiet et veniat consilium sancti Israël, et sciemus
illudi. Reconnaissez aujourd'hui vos sentiments dans la bouche de ces
impies. Ne pensez-vous pas tous les jours : Ah ! qui nous dira des nouvelles de
cet avenir qu'on nous promet ? Toujours attendre, toujours espérer ! Et
cependant tout le présent nous échappe : Festinet, et citò veniat opus ejus.
Le monde nous donne des plaisirs présents, et Dieu nous remet à une autre vie.
Festinet; ah! qu'il se dépêche, qu'il ne nous rejette pas à un si long
terme ! Nous ne pouvons pas attendre si loin : Citò veniat opus ejus. —
Ah ! loin de nous ces discours profanes, loin de nous ce langage impie !
Ipsum audite : Ecoutez Jésus dans la parole de sa promesse ; ne doutez pas,
ne vous lassez pas : ah ! ne doutez pas, chrétiens, Dieu l'a dit, vous serez
sauvés : Hic salvus erit. Mais, chrétiens, ne vous lassez pas ; il faut
persévérer jusqu'à la fin : Qui perseveraverit usque in finem. O justes,
ô fidèles, ô enfants de Dieu, c'est ici la voix qu'il vous faut entendre. Où
êtes-vous dans cette assemblée? Il y en a, je n'en doute pas ; ah ! que nous ne
soyons pas assez malheureux
1 Matth., X, 22.— 2 Isa., V, 19.
(a) Var. : Puis-je.
111
qu'il n'y ait point de justes dans un si grand peuple! O
justes, c'est à vous que je parle ; je vous parle sans vous connaître; mais Dieu
que vous connaissez et qui vous connaît, saura bien porter ma voix dans vos
coeurs : Qui perseveraverit, hic salvus erit. Oui, c'est la parole qu'il
vous faut entendre : Vox exultationis et salutis in tabernaculis justorum
(1). C'est cette parole dont il est écrit : « Mes brebis entendent ma voix (2).
» — a C'est cette parole, dit saint Augustin, que nul des étrangers n'écoute,
que nul des enfants ne rejette : » Hanc vocem non negligit proprius, non
audit alienus (3). Plusieurs écoutent Jésus-Christ dans d'autres paroles ;
mais que celle-ci est entendue de peu de personnes ! Celui-là est maintenant
chaste, peut-être sera-t-il bientôt impudique ; celui-là lassé de ses crimes,
les va expier par la pénitence. Il écoute parler Jésus-Christ ; mais, ô voix
sacrée, ô parole de persévérance, il ne t'entend pas ! la tentation s'élève, il
succombe ; l'occasion se présente, il s'y laisse aller. O parole de
persévérance, il ne t'entend pas ! néanmoins c'est le sceau de l'obéissance.
Ecoutez-la, ô enfants de Dieu, et ne perdez pas votre couronne. La tentation
vous presse, ah ! « persévérez jusqu'à la fin, parce que la tentation ne durera
pas jusqu'à la fin : » Persevera usque in finem, quia tentatio non perseverat
usque in finem (4). — Mais cet homme m'opprime par ses violences : — Et
adhuc pusillùm, et non erit peccator (5). Mais que ce délai est ennuyeux !
Infirmitas facit diu videri quod citò est (6). « Il nous semble long
quand il se passe ; » mais hoc modicum longum nobis videtur, quoniam adhuc
agitur; cùm finitum fuerit, tunc sentiemus quàm modicum fuerit (7).
Que si les promesses ne vous
touchent pas, écoutez la parole de ses menaces. Je n'en ai point parlé, parce
que l'intention de Notre-Seigneur n'est pas de nous montrer aujourd'hui rien qui
soit terrible. Il n'est venu apporter que le salut : Non enim veni ut judicem
mundum (8). Mais enfin contraint par nos crimes...., fugere à venturâ ira
(2), la colère qui nous poursuit; jam enim securis ad
1 Psal. CXVII, 15. — 2 Joan.,
X, 27. — 3 Tract. XLV in Joan., n. 13. — 4 Ibid. — 5 Psal.
XXXVI, 10. — 6 S. August., serm. I in Psal. XXXVI, n. 10. — 7
Tract. CI in Joan., n. 6. — 8 Joan., XII, 47. — 9 Matth.,
III, 7.
112
radicem arborum posita est (1). Inutilem servum
ejicite in tenebras exteriores (2). O paroles terribles ! Irritam quis
faciens legem Moysi, sine ullà miseratione duobus vel tribus testibus moritur :
quanta magis putatis deteriora mereri supplicia, qui Filium Dei conculcaverit,
et sanguinem Testamenti pollution duxerit, in quo sanctifiratus est, et Spiritui
gratiœ contumeliam fecerit (3). Pour éviter toutes ces menaces, mes frères,
écoutons le Sauveur Jésus, croyons humblement ce qu'il enseigne, suivons
fidèlement ce qu'il commande, et nous aurons infailliblement ce qu'il promet, la
félicité éternelle. Amen.
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