Exorde Noël
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EXORDE D'UN SERMON POUR
LA SEMAINE DE NOËL.

 Pensées détachées

C'était une grande entreprise de rendre vénérables par toute la terre les abaissements du Verbe incarné. Jamais chose aucune ne fut attaquée par des raisonnements plus plausibles. Les Juifs et les Gentils en faisaient le sujet de leurs railleries ; et il faut bien que les premiers chrétiens aient eu une fermeté plus qu'humaine, pour prêcher à la face du monde avec une telle assurance une doctrine apparemment si extravagante. C'est pourquoi Tertullien

 

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se vante que les humiliations de son Maître, en lui faisant mépriser la honte, l'ont rendu impudent de la bonne sorte et heureusement insensé : Bene impudentem et feliciter stultum (1). Laissez-moi, disait ce grand homme, quand on lui reprochait les bassesses du Fils de Dieu, laissez-moi jouir de l'ignominie de mon Maître et du déshonneur nécessaire de notre foi. Le Fils de Dieu est né dans une étable ; je n'en ai point de honte, à cause que la chose est honteuse : on a mis le Fils de Dieu dans des langes ; il est croyable, parce qu'il est ridicule : le Fils de Dieu est dans une crèche ; je le crois d'autant plus certain que selon la raison humaine il paraît entièrement impossible. Ainsi la simplicité de nos pères se plai-soit d'étourdir les sages du siècle par des propositions inouïes dans lesquelles ils ne pouvaient rien comprendre, afin que toute la gloire des hommes s'évanouissant, il ne restât plus d'autre gloire que celle du Fils de Dieu anéanti pour l'amour des hommes. C'est à ce Dieu abaissé que je vous appelle. Venez l'adorer, chrétiens, autant dans sa faiblesse que dans sa grandeur, autant dans sa crèche que dans son trône. Mais quel serait notre crime si venant adorer le Fils, nous manquions de saluer la divine Mère qui nous l'a donné par son enfantement, qui nous le nourrit de son lait virginal, qui nous le conserve par ses soins maternels, et qui nous obtiendra son secours qui nous est si nécessaire en cette action, si nous l'en prions avec zèle en disant : Ave.

 

1 De Carn. Christi, n. 5.

 

 

PENSÉES DÉTACHÉES
POUR LA   SEMAINE   DE  NOËL  (a).

 

Les prophètes étaient vaincus par notre malice ; les docteurs ne profitaient pas ; la loi était faible et parlait vainement ; les

 

 

(a) De la grande époque de l'orateur.

Ces réflexions, et particulièrement les citations grecques, sont tirées des homélies de Théodote. Labbe, Concil., tom. III, col. 988 et suiv. Bossuet nomme lui-même cet auteur.

 

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anges mêmes et les archanges travaillaient inutilement au salut des hommes, dont la volonté ne suivait pas le bien où elle était excitée. Le Créateur est venu lui-même, non avec éclat ni avec un appareil superbe, de peur d'alarmer son serviteur fugitif et égaré de ses lois, phugata ton nemon. Il ne veut pas effrayer sa proie, la proie qu'il voulait prendre pour son salut. S'il était venu noblement, le monde eut attribué son changement à sa dignité, à sa puissance, à ses richesses, à son éloquence, à sa doctrine. Tout est humble , tout est pauvre, tout est obscur, méprisable, afin qu'il paraisse que la seule divinité avait transformé le monde : une mère pauvre, une patrie encore plus pauvre, dans une crèche pour se montrer la pâture même des animaux irraisonnables : car les Juifs étaient plus brutaux que les brutes mêmes. Etant riche, s'est fait pauvre. Condescendance.

Une vertu céleste prit la forme d'une étoile, pour conduire les Chaldéens par une nature qui leur fût connue et familière. Le même qui a attiré les Mages fait la solennité présente, non couché dans la crèche, mais posé sur cette table sacrée. La crèche a enfanté cette table ; il a été posé en celle-là, afin qu'il put être mangé en celle-ci. Cette crèche a représenté cette table magnifique. Cette Vierge a produit ce nombre innombrable de vierges. La pauvreté de Bethléem a bâti ces temples magnifiques. Ces pauvres langes ont produit la rémission des péchés. Voyez ce qu'a produit la pauvreté, combien elle a engendré de richesses. Pourquoi avez-vous honte de sa pauvreté, qui a produit tant de biens inestimables? Pourquoi lui ôtez-vous ses plaies, qui ont fait la guérison des nôtres?

Nos membres (membra virginis) qu'il a pris n'ont rien de honteux , puisque Dieu les a formés ; mais c'est nous qui avons fait outrage à notre nature, en la livrant à nos convoitises. Il n'a pas méprise notre nature, quoique nous l'ayons outragée nous-mêmes.

Dieu accoutumé de paraître aux hommes sous des formes sensibles. Le feu, qui ne brûle point. Le juge parmi les criminels, qui

 

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ne condamne personne ; juge parmi les condamnés, qui n'envoie personne au supplice; juge qui ne juge pas, mais qui enseigne ; qui ne condamne pas, mais qui guérit. La clémence de ce feu mystique qui pardonne au buisson, figure de la clémence de Jésus-Christ. Il éclaire, et ne consume pas ; il brille, et ne brûle pas ; il fait du bien, bien loin de blesser et de nuire. Dieu ne trouve rien de honteux de ce qui peut donner le salut aux hommes.

La pensée devient intelligible par la parole, palpable par l'écriture : ainsi le Verbe. Votre pensée ( logos) est votre enfant en quelque sorte; vous l'enfantez une seconde fois, quand vous la rendez sensible : ainsi le Père. La parole que je prononce en moi se répand sur tous, propre à un chacun comme à tous.

Dieu habite dans l'homme plus noble que tout le reste, que le soleil, etc., parce qu'il est libre, maître de soi-même.

Comme celui qui déchire le papier où est écrite la loi du prince, viole sa parole, qui inviolable par elle-même, est violée et comme déchirée dans le corps dont elle s'est revêtue : ainsi le Verbe de Dieu.

Il est venu à son serviteur, non avec la majesté d'un maître, car il aurait étonné son fugitif; l'attirant par son humilité à la familiarité; à la liberté en se faisant conservateur, afin que nous devinssions maîtres.

Le Verbe s'est approprié un corps, se l'est rendu propre, et en ce corps toutes les passions de ce corps : il se les est donc appropriées.

Il ne faut point dire que Dieu habite en Christ comme dans une autre personne; ni que Christ est adoré, parce qu'il est uni au Verbe ; ni qu'il est adoré avec lui, parce que c'est la même adoration. Il ne faut point séparer par la pensée ni par l'intelligence le Verbe et le Christ, en les unissant seulement de parole, comme faisait Nestorius. Mais toutes les fois que nous nommons le Verbe, nous devons entendre que l'homme est aussi compris sous ce nom ; ainsi quand nous nommons Jésus, nous y comprenons le Verbe. C'est ce qui est expliqué passim, mais très-bien dans l'homélie de Théodotus.

Parvulus natus est, datus est, admirabilis (1) ; qui détruit le

 

1 Isa., IX, 6.

 

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royaume où il est né, qui s'en fait un nouveau de ses ennemis et de ceux qui ne le connaissaient pas, par la croix; subjuguant par amour : Deducet te mirabiliter dextera tua (1). Consiliarius...; consilia destruentes, et omnem altitudinem extollentem se adversùs scientiam Dei (2), Deus fortis...; quod infirmum est Dei, fortius est hominibus (3). Pater futuri saeculi... ; princeps pacis...; pacem relinquo (4),...;pax huic domui...; revertetur ad vos (5)...; pacem ei qui longé est, et qui propè (6)... ; pax dei quœ exsuperat omnern sensum, custodiat corda vestra et intelligentias vestras in Christo Jesu (7).

La chair a été ennoblie, et non la divinité dégradée. Dieu relève ce qu'il prend et ne perd pas ce qu'il communique.

Le grand pape saint Léon (8) nous enseigne que les œuvres qu'un Dieu Sauveur a accomplies pour notre salut, ne sont pas seulement des grâces, mais des secours; que tout ce qui nous rachète nous parle, enfin que tous les mystères sont des exemples; si bien que le chrétien doit imiter tout ce qu'il croit.

Apparuit gratia Dei. Dans tous les mystères que Dieu accomplit pour notre salut, il y a toujours trois choses à considérer. .Tous les mystères contentent nos désirs par quelque don, dirigent nos mœurs par quelque exemple, excitent notre espérance par quelque promesse. Car tout ce qui s'accomplit dans le temps a son rapport à la vie future ; si bien qu'il faut toujours y considérer la grâce qu'ils nous apportent, les instructions qu'ils nous donnent, la gloire qu'ils nous proposent. L'Apôtre n'a rien omis, et conduit successivement les fidèles par tous ces degrés. Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri omnibus hominibus (9) ; là il nous propose la grâce que Jésus naissant nous apporte : Erudiens nos (10) ; là il nous découvre les vertus que Jésus naissant nous enseigne Expectantes beatam spem (11) ; là il nous fait voir le grand et admirable spectacle que Jésus naissant nous fait attendre.

Après avoir expliqué ce pieusement... Que si le monde nous appelle à ses spectacles, nous attendons un autre spectacle. Jésus-Christ

 

1 Psal., XLIV, 5. — 2 II Cor., X, 4,5. — 3 I Cor., X, 4, 5. — 4 Joan., XIV, 27. — 5 Matth., X, 12, 13. — 6 Isa., LVII, 19. — 7 Philip., IV, 7. — 8 Serm. XXIV, in Nativit. Domin. – 9. Tit., II, 11. — 10 Ibid., 12. — 11 Ibid., 13.

 

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nous fait attendre un retour. Il est venu pour semer : il viendra pour recueillir, pour confier le talent, pour en exiger le profit, pour détruire la fausse gloire, pour établir la véritable.

Nostrœ cœnœ, nostrœ nuptiœ nondum sunt (1). Laissez-moi achever le temps de mon deuil. La vie chrétienne, la vie pénitente , deuil spirituel. Consacrés à la mort par le saint baptême. Déplore la mort, non de son époux ni de son père, mais de son âme, la perte de son innocence. Etat de l'Eglise est un état de viduité et de désolation : perdu en son Epoux plus de la moitié d'elle-même.

 

1 Tertull., De Spect., n. 28.

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