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ABRÉGÉ D'UN SERMON POUR
LE IIIe DIMANCHE DE L’AVENT (a).
Miserunt Judœi ab Jerosolymis sacerdotes et levitas ad
eum , ut interrogarent eum : Tu quis es?
Les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des
lévites à Jean-Baptiste, pour lui demander : Qui ôtes-vous? Joan., I, 19.
Le Maître de
l'humilité paraîtra bientôt sur la terre ; l'Eglise, pour nous préparer au
mystère de sa naissance, nous propose aujourd'hui l'exemple admirable de la
modestie de saint Jean-Baptiste ;
(a) Prêché vers 1666. — Sur le Faux honneur et
l'Humilité chrétienne.
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Baptiste ; et par là nous devons apprendre que l'une des
plus saintes dispositions que nous puissions apporter à recevoir Jésus-Christ
naissant, c'est le mépris de ce faux honneur qui établit dans le monde tant de
mauvaises coutumes et tant de maximes dangereuses.
L'homme du monde, Messieurs,
c'est cette grande statue que Nabuchodonosor veut que l'on adore. Elle est d'une
hauteur prodigieuse, altitudo cubitorum sexaginta (1), parce que rien ne
parait plus grand ni plus élevé que l'honneur. Elle est toute d'or, dit
l'Ecriture, parce que rien ne semble plus éclatant. Tontes les nations et tous
les peuples adorent cette grande statue : Omnes tribus et linguœ adoraverunt
statuant auream (2). Tout le monde sacrifie à l'honneur ; et ces fifres et
ces trompettes et ces hautbois et ces tambours qui retentissent autour de la
statue, ne sont-ce pas les applaudissements et les cris de joie qui composent ce
que les hommes appellent la gloire ? C'est donc cette grande idole que je veux
abattre aujourd'hui aux pieds du Sauveur. Je ne me contente pas, chrétiens,
d'imiter les trois enfants de Babylone , ni de dénier à l'idole l'adoration que
tous les peuples lui rendent. Je veux faire tomber sur elle le foudre de la
vérité évangélique, qui la brise et la mette en pièces, et qui sacrifie à Jésus
naissant cette fausse divinité, à laquelle le monde aveugle sacrifie tant
d'âmes. J'ai pour moi, dans cette entreprise, l'autorité de l'Evangile et
l'exemple de saint Jean-Baptiste ; mais pour ne rien oublier, j'appelle encore à
mon secours la plus humble et la plus puissante de toutes les créatures. Ave.
La presse est au désert; on y
aborde de toutes parts : «Toute la Judée , dit l'Evangéliste, et même la ville
royale y accourt : » Omnis Judœœ regio et Jerosolymitœ universi (3). On
vient voir, on vient écouter, on vient admirer Jean-Baptiste comme un homme tout
divin. Les peuples étonnés de sa vertu ne savent quel titre lui donner; même
celui de prophète ne leur semble pas assez grand pour lui (4). Ils prennent
saint Jean-Baptiste pour le Messie ; et je ne sais si ce n'est point encore
quelque chose de plus
1 Dan., III, 1. — 2 Ibid.,
7. — 3 Marc., I, 5. — 4 Luc., III, 15.
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glorieux qu'on d'autres occasions on ait pris le Messie
même pour un autre Jean-Baptiste (1). Dans une si haute réputation, et d'autant
plus glorieuse qu'elle était moins recherchée, Jean-Baptiste demeure toujours ce
qu'il est, c'est-à-dire toujours humble, toujours modeste. Il n'est rien de ce
qu'on pense ; il n'est point Elie, il n'est point prophète; et bien loin d'être
le Messie , il n'est pas digne, dit-il, de lui délier ses souliers. Car il se
sert même de cette expression basse, afin de se ravilir tout à fait ; et cette
main vénérable de laquelle le Fils de Dieu a voulu être baptisé, cette main
qu'il a élevée, dit saint Chrysostome, jusqu'au haut de sa tête (a),
n'ose pas même toucher ses pieds : Non sum dignus corrigiam calceamentorum
solvere (2). Un tel homme sans doute nous est envoyé pour nous désabuser de
l'honneur du monde. Il n'est personne qui n'expérimente jusqu'à quel point il
nous éblouit, et combien même il nous captive. Qui n'a pas encore éprouvé
combien le désir de l'honneur nous oblige à donner de choses à l'opinion et à
l'apparence contre nos propres pensées ? En combien d'occasions importantes la
crainte d'un blâme injuste resserre un bon cœur? combien elle y étouffe de
sentiments droits? combien elle en affaiblit de nobles et de vigoureux ? La
suite de ce discours nous fera paraître bien d'autres excès où nous jette
l'honneur du monde. Il importe donc au genre humain que cet ennemi soit bien
attaqué, mais auparavant il le faut connaître.
Je parle ici de l'honneur qui
naît de l'estime des hommes; et c'est une certaine considération que l'on a pour
nous pour quelque bien éclatant qu'on y voit ou qu'on y présume. Voilà l'honneur
défini, il nous sera aisé de le diviser ; et je remarque d'abord que nous
mettons l'honneur dans des choses vaines, que souvent même nous le mettons dans
des choses tout à fait mauvaises, et que nous le mettons aussi dans des choses
bonnes. Nous mettons l'honneur dans des choses vaines, dans la pompe, dans la
parure, dans cet appareil extérieur, parce que notre jugement est faible. Nous
le mettons dans des choses mauvaises ; il y a des vices que nous couronnons,
parce que notre jugement est corrompu. Et
1 Marc., VI, 14; VIII, 28. — 2 Luc., III, 16.
(a) Var.: : Par-dessus sa tête.
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aussi parce que notre jugement n'est ni tout à fait
affaibli, ni tout à fait dépravé, nous mettons dans des choses bonnes, par
exemple dans la vertu, une grande partie de l'honneur. Mais néanmoins cette
faiblesse et cette corruption font que nous tombons dans une autre faute, qui
est celle de nous les attribuer et de ne pas les rapporter à Dieu, qui est
l'auteur de tout bien. Il faut donc que nous apprenions aujourd'hui et, mes
frères, que nous l'apprenions par l'exemple de saint Jean-Baptiste , à chercher
du prix et de la valeur dans les choses que nous estimons, par là toutes les
vanités seront décriées; à y chercher beaucoup davantage la vérité et la
droiture, et par là tous les vices perdront leur crédit ; enfin à y chercher
l'ordre nécessaire, et par là les biens véritables, c'est-à-dire les vertus
seront honorées (a), mais d'un honneur rapporté à Dieu qui est leur
premier principe. Et c'est le sujet de ce discours.
L'Apôtre nous avertit que nous
devons être enfants en malice . mais que nous ne devons pas l'être dans les
sentiments ; c'est-à-dire qu'il y a en nous des faiblesses et des pensées
puériles que nous devons corriger, afin de demeurer seulement enfants en
simplicité et en innocence. Il considérait, chrétiens, qu’encore que la nature,
en nous faisant croître par certains projets, nous fasse espérer enfin la
perfection, elle semble n'ajouter tant de traits nouveaux à l'ouvrage qu'elle a
commencé, que pour y mettre en son temps la dernière main.
Les caractères de l'humilité en
saint Jean-Baptiste. Description de sa naissance, de ses austérités, de sa vie.
Si grand, que pris pour le Christ. Eclat de sa naissance sacerdotale;
Jésus-Christ, charpentier. Légation honorable : des prêtres et des lévites, les
premiers en dignité ; pharisiens, les premiers en doctrine. On s'en rapporte à
lui-même. Tu quis es ? Quid dicis de teipso (1) ? C'était une belle
ouverture à l'orgueil. Tout le monde est préoccupe en sa faveur, et il ne lui
coûtera qu'un aveu pour être honoré comme le Messie ; mais il n'aurait garde
d'acheter le plus grand honneur du monde par une mauvaise action.
Premier caractère d'humilité :
non-seulement de ne rechercher
1 Joan., I, 19, 22.
(a) Var. : Comme elles le doivent être
seules.
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pas, mais de rejeter les louanges quand elles viennent
d'elles-mêmes.
Second caractère : refuser
constamment les fausses louanges : Non sum ego Christus (1) : « Je ne
suis pas le Christ. »
Troisième caractère : les
véritables et les vrais talons pris non du côté le plus éclatant, mais du côté
le plus bas. Il était Elie ; Jésus-Christ l'a dit : il était prophète , et plus
que prophète (2), le même Jésus-Christ. Il n'est pas Elie en personne, il n'est
pas prophète selon la notion commune, prédisant l'avenir, mais montrant
Jésus-Christ présent. Il dit absolument qu'il ne l'est pas; du côté le moins
favorable.
Quatrième caractère : ne dire
pas seulement de soi ce qui est humiliant, mais l'inculquer. Ce qui est marqué
par ces paroles : Et confessus est, et non negavit, et confessus est (3).
Cinquième caractère : exténuer
ce qu'on ne peut pas s'ôter, en faisant voir qu'on ne l'a pas de soi-même, et
que de soi-même on n'est rien. Qui êtes-vous ? Je suis une voix. Quoi de moins
subsistant et de plus rien qu'une voix, un son, un air frappé ? Je parle, je
cesse; en un instant tout est dissipé. Il ne dit pas : Je suis celui qui crie ;
mais : Je suis la voix de celui qui crie ; un autre parle en moi. La voix ne
subsiste que par celui qui parle. Je cesse de vouloir parler, la voix cesse en
un instant; il n'en reste rien. Rien de plus dépendant d'autrui que la voix.
Sixième caractère : autre
manière d'exténuer ce qu'on ne peut pas s'ôter, en se comparant à quelque chose
de plus grand, comme saint Jean à Jésus-Christ : Ego baptizo in aquâ, medius
vestrûm stetit (4) ; ille est qui baptizat in Spiritu sancto et igni
(5) ; ante me factus est, quia prior me erat (6). Dans cette comparaison,
qui ose se réputer quelque chose, surtout si celui qui est si grand et à qui il
se compare, a été dans l'abjection comme Jésus-Christ ? Medius vestrûm.
Nulle distinction : Quem vos nescitis. Qui ose vouloir se signaler et se
distinguer, quand Jésus-Christ, inconnu.
Voilà comme il s'abaisse : pas
digne des courroies de Jésus-Christ ;
1 Joan., I, 20. — 2 Matth.,
XI, 9, 14. — 3 Joan., I, 20. — 4 Ibid., 20. — 5 Matth.,
III, 11. — 6 Joan., I, 30.
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Christ; lui, au-dessous des pieds; et Jésus-Christ le met à
la tête.
Je viens ensuite à l'explication
du culte de la messe : les préparations du sacrifice : Parate viam Domini
(1).
1 Matth., III, 3.
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